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Crise libyenne : Liaisons dangereuses

Jeu hypocrite ou jeu de dupes. La communauté internationale semble victime d’un dédoublement de personnalité. Plusieurs pays adoptent un double jeu dans le dossier libyen en dénonçant du bout des lèvres et en apportant leur appui en douce. Une division qui joue en faveur des forces du Maréchal Haftar qui compte prendre le pouvoir par les armes, appuyé en cela par plusieurs pays.

Le Maréchal Khalifa Haftar peut dormir sur ses deux oreilles et les poings fermés. Il a accompli sa mission : torpiller le processus politique pour imposer un état de fait par les armes. Ce 9 avril, Ghassan Salamé, émissaire de l'ONU en Libye a annoncé le report de la conférence interlibyenne en raison de la bataille de Tripoli, prévue du 14 au 16 avril courant dans le centre-Ouest du pays. «Nous ne pouvons pas demander la participation à la Conférence, au moment où les canons tirent et des raids aériens sont menés», a affirmé Ghassan Salamé, tout en affichant sa détermination à réunir les différentes parties «le plus tôt possible».

47 morts et 181 blessés dans la bataille de Tripoli


Les combats au Sud de la capitale libyenne ont fait jusqu’à maintenant 47 victimes et 181 blessés, rapporte l’Organisation mondiale de la Santé en se basant sur des statistiques des services de secours locaux, sachant que ces derniers ont des difficultés à accéder aux morts et aux blessés. Le 8 avril, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, par la voix de son porte-parole, a fermement condamné l’escalade de la violence dans et autour de la capitale libyenne Tripoli , y compris l’attaque aérienne par un avion de l’Armée nationale libyenne (ANL) contre l’aéroport de Mitiga, et appelé à « l’arrêt immédiat » des combats.

Concerto pour une seule voix pour l’ONU

L’ONU espère donner une seconde chance au processus de négociations en espérant trouver une solution politique, ce qui n’est pas l’avis de certains pays. A commencer par la France, qui même si elle nie du bout des lèvres l’existence d’un agenda secret en Libye, a beaucoup d’intérêts économiques dans ce pays. Comment expliquer les raids aériens contre les rebelles tchadiens au Sud de la Libye concomitamment avec l’opération de nettoyage de l’Armée nationale libyenne, si ce n’est par le fait que l’ANL et la France accordent leurs violons ?

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Le 6 avril dernier, dans une interview à la chaîne italienne, Sky TG24, Antonio Tajani, président du Parlement européen s'en est pris à la France et, en particulier, à son ancien Président, Nicolas Sarkozy. «Nous disions depuis toujours que la France avait des intérêts différents de ceux italiens en Libye si bien que Sarkozy était l'un des protagonistes de la chasse à Kadhafi et de son meurtre avec les Américains et les Britanniques», a-t-il déclaré dans une interview accordée le 6 avril à la chaîne Sky TG24.

Les Russes jouent un double jeu


«Il s'agit d'une erreur historique retentissante. La France pensait pouvoir peser plus en Libye mais finalement elle n'a rien pesé», a-t-il ajouté. Lors de la réunion récente à Paris des ministres de l'Intérieur du G7, Matteo Salvini a déclaré : « Je voudrais que personne, poussé par ses intérêts économiques et commerciaux, ne promeuve une campagne pour une intervention militaire qui pourrait être dévastatrice ». Pour l’heure, l’Italie, rivale de la France dans ce dossier, a décidé de maintenir sa mission militaire à Tripoli et à Masrata, a indiqué aujourd’hui le ministère italien de la Défense.

La France n’est pas le seul pays à jouer un double jeu dans le dossier libyen, la Russie soutient en douce le Maréchal Haftar. Si le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov affirme que son pays « se sert évidemment de toutes les opportunités dont elle dispose pour exhorter les parties en présence à renoncer à toute action susceptible de provoquer des affrontements sanglants ou de tuer des civils », l’on peine à le croire. Si tel est le cas, pourquoi la Russie a usé de son véto au Conseil de sécurité pour s’opposer à une résolution citant nommément le Maréchal Khalifa Haftar ?

Les rivalités idéologiques à l’origine des manigances des monarchies du Golfe

En outre, plusieurs monarchies du Golfe ont leurs propres agendas en Libye, à commencer par les Emirats Arabes Unis, l’Arabie saoudite et le Qatar. Auxquels, il convient d’ajouter l’Egypte qui ne veut pas d’un foyer de tension à ses portes. Le jeu d’influence des monarchies du Golfe est une sorte de confrontation par procuration entre d’une part le Qatar qui soutient les frères musulmans et l’Arabie Saoudite et les EAU, qui appuient Haftar. Si Fayez Al-Sarraj, le Président du gouvernement reconnu par la communauté internationale a rencontré fin février dernier à Abou Dhabi, le général Haftar, pour trouver un terrain d’entente, les bons offices se sont arrêts là.

 

Haftar se rendra par la suite aux EAU et en Arabie Saoudite et sera même reçu par le Roi Salmane. Outre les dessous idéologiques de la rivalité entre le Qatar d’un côté, et les EAU et l’Arabie saoudite de l’autre, une autre piste pourrait être le renchérissement du pétrole qui permettrait à ces monarchies de récupérer d’une main ce qu’elles ont donné de l’autre. Entretemps, le peuple libyen devra encore payer les pots cassés en raison de ses richesses pétrolières dont il ne profite pas. Le drame de l’Afrique en somme.

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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