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Ahmed Charai : «La victoire du Maroc c’est l’espoir d’un nouvel ordre mondial»

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Les victoires sensationnelles et retentissantes du Maroc contre les grandes puissances européennes que sont la Belgique, l’Espagne et le Portugal (match nul contre la Croatie) et la victoire contre le Canada, pays d’Amérique du Nord, ont non seulement marqué l’histoire, mais aussi confirmé l’ascension du Royaume Chérifien et de l’Afrique.

Les lions de l’Atlas ont jeté les bases du démantèlement du complexe d’infériorité, inspirant l’espoir pas uniquement aux africains et arabes mais également au reste du monde resté longtemps dans l’ombre de l’Europe.

«Si le système de la Coupe du Monde a fonctionné permettant à un outsider de gagner, d’autres systèmes mondiaux basés sur des règles transparentes peuvent également fonctionner» écrit Ahmed Charai, auteur d’un article paru dans la revue américaine The National Interest.

Le 12 décembre 2022, Ahmed Charai, éditorialiste et analyste géopolitique, a publié un article en anglais intitulé « La véritable signification de la victoire du Maroc en Coupe du monde de football » dans la revue américaine The National Interest. La publication est intervenue quelques jours après la qualification du Maroc à la demi-finale de la Coupe du Monde au Qatar suite à sa victoire sur le Portugal de la star mondiale et cinq fois ballon d’or Cristiano Ronaldo .

Tous les commentateurs du football estiment que cette Coupe du monde du Qatar est l’une des plus passionnantes de l’histoire récente. D’aucuns, de leur vivant, ont été témoin d’autant de surprises dans les phases de groupes, et au-delà de la Coupe du monde. Les outsiders africains et asiatiques ont rendu ce tournoi sportif planétaire particulièrement fascinant et captivant.

«Avec sa victoire sur le Portugal samedi, l’équipe du Maroc est devenue la première équipe africaine et arabe à se qualifier pour les demi-finales de la Coupe du monde. Au delà des statistiques, cette victoire a des implications culturelles et politiques à la fois pour les États-Unis et pour le monde entier, que les outsiders ne voient peut-être pas immédiatement», écrit M. Charaï en guise d’introduction.

En effet, le Maroc n’est pas seulement le tout premier pays africain à atteindre les demi-finales, c’est aussi la première équipe arabe à réaliser cet exploit, et ce sur les terres du premier pays arabe à accueillir la Coupe du monde. C’est pour dire à quel point le Maroc de Mohammed VI a marqué l’histoire avec ce tour de force.

Ahmed Charai rappelle dans son article la concomitance de l’exploit du Maroc avec une autre date fortement symbolique : «La victoire du Maroc survient également le jour de l’anniversaire d’un autre événement qui a permis de franchir des barrières. Il y a 52 ans, le Maroc est devenu le premier pays africain à participer à une Coupe du monde, qui était auparavant réservée aux équipes européennes et sud-américaines».

«Se sont des courants politiques et culturels qui font leur apparition» souligne-t-il.

L’ADN de l’équipe marocaine : «Une identité stratifiée, une appartenance plurielle et de la tolérance»

Outre les victoires sensationnelles du Maroc, se sont les personnalités singulières des joueurs marocains qui ont fait la joie des supporters et des téléspectateurs du monde entier.

«L’équipe marocaine compte de nombreux joueurs qui sont nés et ont grandi aux Pays-Bas, en France, en Belgique et dans d’autres pays européens», rappelle Ahmed Charai.

«Ils étaient les enfants d’immigrants. Leurs parents ont respecté la loi, ont travaillé dur et ont construit leur vie dans leur nouveau pays. Ils ont grandi en apprenant les valeurs du labeur, de la tolérance et, dans les écoles, en travaillant aux côtés de coéquipiers de différentes confessions et langues, qu’ils soient natifs ou nouveaux arrivants» poursuit-il.

M. Charaï informe le lectorat du «The National Interest» que ces nouvelles générations de Marocains Résidents à l’Etranger ont épousé les valeurs de leur pays de naissance sans pour autant se détacher de leur pays d’origine, le Maroc.

«À l’âge adulte, ces athlètes ont reconnu leurs liens familiaux avec la terre de leurs ancêtres, ce qui a permis aux Marocains de les accepter comme les leurs, mais ils n’ont pas ressenti le besoin de se prononcer contre les terres où ils résidaient légalement». a-t-il affirmé.

Pour l’analyste, l’alchimie entre les joueurs de l’équipe nationale marocaine, d’appartenance plurielle, qui a donné lieu à cet exploit historique est l’expression du succès du libéralisme et de la tolérance.

«Ce type d’identité stratifiée, teintée de tolérance, est de plus en plus courant sur les lieux de travail et dans les domaines d’activité de notre monde globalisé» explique-t-il.

Et d’ajouter « Nous acceptons que des acteurs clés puissent venir de n’importe où et s’unir au-delà des clivages culturels. C’est une chose qu’un consultant de haut vol de Boston reconnaisse ce fait, c’en est une autre qu’un ouvrier de l’automobile de Tanger ou un éleveur aux confins du Sahara l’accepte comme une hypothèse de base tacite. Pourtant, cela s’est produit. C’est une victoire importante et méconnue du libéralisme et de la tolérance».

Équilibre entre réussite individuelle et liens familiaux

Les photos de Hakimi, Boufal ou Bounou célébrant leurs succès avec leurs membres de familles ont fait le tour du monde. Des images qui ont marqué et attendri les mamans avant les papas, renforçant davantage la légende ce groupe de héros arabo-africains.

Cet aspect culturel de l’équipe du Maroc, qui s’est manifesté dans la manière respectueuse dont les familles sont traitées et représentées n’a pas échappé à l’éditorialiste. Qualifiant ce respect des parents de valeur universelle permettant d’établir un équilibre entre réussite individuelle et les liens familiaux.

«Les joueurs marocains ont voyagé à la Coupe du monde avec leurs parents, un fait répété sans cesse dans les médias marocains» a-t-il écrit.

Sur les réseaux sociaux, les parents des joueurs apparaissent souvent à l’arrière-plan et parfois au premier plan.

Soufiane Boufale célébrant avec sa maman la victoire contre le Portugal à Doha

«Le respect des parents était autrefois une valeur universelle, même si elle n’était pas toujours honorée chez les jeunes adultes. Aujourd’hui, a émergé l’idée que l’on ne peut s’épanouir pleinement que lorsque l’on éjecte ou que l’on rejette toutes les personnes de son passé» se désole M. Charaï.

Et de s’insurger : «C’est une erreur ! Cette victoire en Coupe du monde montre que même les stars peuvent trouver un équilibre entre réussite individuelle et liens familiaux. Les jeunes diplômés de l’université pourraient en prendre note».

La victoire du Maroc c’est l’espoir d’un nouvel ordre mondial

Le monde vit depuis 2008 au rythme de crises géoéconomiques et géopolitiques ébranlant l’ordre mondial unipolaire établi depuis la chute de l’Union soviétique.

Comme pendant les deux conflits mondiaux du vingtième, le football, le sport le plus populaire de la planète, trouve aujourd’hui un terrain favorable à son épanouissement.

Le Qatar, n’est pas seulement le pays organisateur de la Coupe du Monde 2022, il est aussi le premier exportateur mondial de gaz naturel. Une denrée rare qui a mis à genou toute l’Europe après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

L’une des stratégies visant à renforcer la position mondiale du Qatar et son soft power a été l’information et le sport. Une stratégie qui a porté ses fruits puisque le pays a été depuis la première guerre du Golfe au centre des transformations de la région arabo-muslumane.

Principaux risques géopolitiques – Source Kroll

L’organisation de l’un des plus grands événements sportifs du monde sur le sol d’un pays 27 fois plus petit que la Pologne est loin d’être une histoire de mégalomanie d’un cheikh. Cette Coupe du Monde pourrait constituer une distraction qui effacerait les inquiétudes nées de la guerre de l’Ukraine et de la Pandémie. Mais également un possible rééquilibrage de l’ordre mondial.

Au vu de ce contexte, ce qu’a produit le Maroc au cours de cette Coupe du Monde, en émotion et en joie ne peut être un fait anodin. C’est un marqueur d’histoire, particulièrement significatif pour les communautés africaines, arabes et musulmanes. Une invitation à une conception de l’avenir d’un monde en souffrance.

Le test de tout système fondé sur des règles est de savoir ce qui se passe lorsque les nouveaux venus gagnent

Ahmed Charai – The National Interest

Dans son analyse, Ahmed Charaï fait le rapprochement entre un évènement sportif érigé par des règles claires permettant aux outsiders de décrocher leur place et l’ordre mondial.

«La Coupe du monde révèle qu’un ordre international fondé sur des règles, s’appuyant sur de nombreux pays et cultures, peut réussir, même lorsque les favoris régionaux perdent» écrit subtilement M. Charaï.

Pour notre éditorialiste rien ne vaut qu’un système érigé par des règles claires et transparentes qui permet l’ascension des nouveaux venus.

«L’excellente équipe du Portugal a dû être stupéfaite. On dit que le légendaire joueur portugais Cristiano Ronaldo a pleuré. Pourtant, personne n’a contesté les règles ou le résultat. Le test de tout système fondé sur des règles est de savoir ce qui se passe lorsque les nouveaux venus gagnent» a-t-il affirmé.

Et d’ajouter toujours avec la même subtilité : «Nous constatons ici que le système a fonctionné et cela suggère que d’autres systèmes mondiaux basés sur des règles transparentes peuvent également fonctionner».

Un hymne à la paix

Jamais une victoire d’un pays à la coupe du Monde n’a rassemblé autant de populations hétérogènes. Ceci est le fruit de l’identité plurielle du Royaume, africaine, arabe, amazighe, méditerranéenne, son ouverture sur le monde et la paix spirituelle garanties et préservées par le Roi Mohammed VI.

Cet appel à la paix du modèle marocain partagé par le monde entier a interpellé M. Charaï. Pour l’illustrer, il a choisi de souligner la célébration des israéliens de l’exploit du Maroc.

«Après la victoire télévisée du Maroc, plusieurs israéliens d’origine marocaine ont envahi les rues en liesse, rejoints par de nombreux Israéliens n’ayant aucun lien avec le Maroc. Cela suggère que de nombreuses personnes éprouvent des sentiments plus chaleureux envers leurs voisins que ne l’imaginent les extrémistes» a-t-il écrit.

«Arabes et Juifs célébrant côte à côte, sans que personne ne le mette en scène pour les caméras du monde entier. Cela devrait nous donner l’espoir que les accords d’Abraham, qui ont permis à quatre nations arabes (dont le Maroc) de reconnaître diplomatiquement Israël, puissent aboutir» s’est-il félicité.

Ahmed Charaï conclut sa tribune par une célèbre citation d’Albert Camus, lauréat du prix Nobel de littérature : « Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités »

Pour Albert Camus, le théâtre et le football sont vécus comme une véritable école de la vie où l’on apprend la nature humaine.

« La façon dont les gens jouent à des jeux révèle quelque chose sur leurs valeurs et leurs hypothèses. Dans le cas du Maroc, cela est révélateur de très bonnes choses » conclut M.Charaï.


M. Ahmed Charai est le Président-Directeur Général de Global Media Holding et Conseiller pour le Moyen-Orient aux États-Unis et à l’étranger. Il siège au conseil d’administration de nombreux groupes de réflexion et ONG, dont Atlantic Council, the International Center for Journalists, International Crisis Group, et le Jerusalem Institute for Strategy and Security. Ses articles sont parus dans des publications américaines et israéliennes de premier plan.

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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