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Accord de pêche : le 27 février, ça passe ou ça casse

A une semaine jour pour jour du rendu de l’arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne concernant la validité de l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc, les ministres de l’Agriculture et de la Pêche de l’UE réunis en consilium, lundi à Bruxelles, ont donné mandat à la Commission européenne pour négocier un nouvel accord de pêche avec Rabat. Pourquoi un nouvel accord de pêche alors que la Cour européenne n’a pas encore statué sur l’actuel texte ?

Si pour Bruxelles l’enjeu est avant tout économique, avec le risque d’un grand manque à gagner pour les milliers de familles de pêcheurs européens concernés par l’accord, pour Rabat le défi est d’ordre géopolitique. En cas d’invalidation de l’actuel accord, qui arrive à terme en juillet 2018, il ne sera plus possible pour les embarcations européennes de pêcher au large des côtes du Sahara marocain.

Car, pour dire les choses d’une manière transparente, la Cour européenne est en train de statuer sur la souveraineté du Maroc sur ses eaux territoriales méridionales mettant ainsi en équation notre intégrité territoriale. D’où le principal défi pour le royaume : tout arrêt de la Cour du Luxembourg allant dans le sens du réquisitoire du procureur général, qui a plaidé en vue d'invalider l'accord de pêche entre le Maroc et l’UE, constituera un précédent juridique pouvant avoir des répercussions sur les équilibres géopolitiques non seulement au niveau des deux rives de la méditerranée mais sur les relations multilatérales de tout un ensemble de blocs régionaux en rapport avec le Maroc et l’Union européenne.

Il faut reconnaître que l’avis du procureur général avait suscité de nombreuses réactions de part et d’autre. Si Bruxelles n’a eu de cesse de qualifier le Maroc comme «partenaire stratégique», elle s’est retrouvée impuissante face à la recommandation du parquet européen qui s’est clairement exprimé contre les intérêts supérieurs du royaume.

Lors de leur déplacement express à Bruxelles il y a quelques semaines, Aziz Akhannouch et Nasser Bourita avaient formellement exprimé à leurs interlocuteurs européens la nécessité de réfléchir à une nouvelle plateforme de relations bilatérales sur le dossier de la pêche qui ne serait pas menacée par une quelconque velléité judiciaire. A ce titre, il était question de renouveler l’instrument de négociation mais après l’arrêt de la cour européenne, pas avant. Surtout que le support sectoriel prévu par le protocole actuel a, en tant qu'appui à la stratégie nationale marocaine de développement du secteur de la pêche, bénéficié à toutes les régions couvertes par l’accord, et notamment aux parties européennes.

De plus, si les bateaux européens accèdent à la zone de pêche sud du Maroc en échange d’une enveloppe de 40 millions d’euros versés conjointement par l’UE et les armateurs, les deux grandes régions méridionales du royaume formant le Sahara marocain concentrent les deux-tiers de l’enveloppe totale de cet appui, soit environ 37 millions d’euros, ce qui constitue un retour sur investissement davantage bénéficiaire pour l’UE que pour le Maroc en raison de son impact direct sur les milliers de pêcheurs européens actifs sur cette zone.

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De même, l'évaluation de l’actuel protocole est également parfaitement avantageuse à la population locale au Sahara marocain, il est donc important de permettre un début rapide des négociations mais après la date fatidique du 27 février. Sauf si les gouvernements européens sont persuadés que l’arrêt de mardi prochain sera sans conteste en défaveur du Maroc : peut-être est-ce là une façon diplomatique à eux d’amortir l’onde de choc qu’aura la décision judiciaire sur les relations maroco-européennes, ou c’est peut-être le résultat du travail des lobbyistes, payés par Rabat, qui ont pondu cette stratégie en vue d’anticiper toute crise future avec Bruxelles. Mais à notre avis, la meilleure manière de gérer les crises, quelles que soient leur virulence, est de faire preuve de transparence et de franchise vis-à-vis du citoyen, et respecter son intelligence. Le contribuable doit être informé, initié, pour qu’il puisse absorber toute onde de choc et se mobiliser aux côtés des pouvoirs publics en cas de force majeure.

Car le vrai risque aujourd’hui est de voir la Cour de justice de l'Union européenne aller à l’encontre des intérêts souverains du Maroc, notamment concernant son intégrité territoriale; et dans ce cas d’espèce Bruxelles sera dira impuissante devant une «décision judiciaire indépendante.» L’autre risque est de voir cette décision faire jurisprudence et impacter, par ricochet, d’autres secteurs régaliens.
Le Maroc a engagé à coups de millions de dirhams des cabinets de lobbying de renom pour défendre ce dossier auprès de l’exécutif européen. Mais sans résultat tangible jusqu’à présent. Nasser Bourita, qui a décidé, sur recommandation de Ahmed Réda Chami, de mettre fin à la mission du cabinet britannique GPlus, en a engagé un autre, ESL & Network European Affairs, représentée par Najwa El Haité, qui n’est autre que la nièce de Hakima El Haité, ministre tombée en disgrâce.

D’ailleurs, Brahim Fassi-Fihri, patron de l’Institut Amadeus, avait fait un grand travail de lobbying pour introduire le cabinet parisien dans la sphère de la COP22 organisée au Maroc en 2016, au détriment de PublicisLive du marocain Richard Attias. Aujourd’hui, ESL & Network European Affairs a renforcé ses équipes au Maroc en s’attachant les services de l’ancien ministre Driss Benhima (débarqué de la direction de la RAM il y a deux ans exactement) en qualité de Senior advisor. Mais tout ce beau monde pour quoi faire et pour quel effet si la décision finale relève exclusivement de la sphère judiciaire ?

En outre, nous nous interrogeons légitimement comment ce cabinet, qui a réussi à organiser une importante réunion d’armateurs européens à Dakhla (1), qui a validé une étude de qualité laquelle a servi de document de référence pour la Commission européenne, puis a influencé des leaders d’opinions européens (2) (3) et israéliens (4) qui ont publié durant les mois de janvier et février une série de tribunes en faveur du Maroc, n’a pas été recruté avant 2014 ? Pourquoi notre diplomatie s’applique-t-elle toujours à jouer aux pompiers ? Alors qu’on peut aisément arriver à défendre nos idées et nos intérêts de manière structurée et éviter de fragiliser la position marocaine.

Le Maroc défend les intérêts économiques et géopolitiques de l’Union européenne mais ne communique pas sur le combat juridique que mènent les ennemis de la nation. Rabat a d’ailleurs laissé faire le dénommé Erik Hagen qui reçoit plus de financement algérien que le Polisario lui-même, pour jouer sur la sémantique et introduire la notion de «ressources naturelles» dans le débat diplomatique et juridique. Une expression qui trouve traditionnellement échos chez les organisations internationales.

D’où l’importance de trouver une issue politique à la question et de garantir la continuité et la sécurité juridique de l'industrie du secteur. A l'expiration de l'actuel protocole, Rabat devra faire preuve de vigilance : mieux vaudra ne rien signer que de s’engager sur un accord qui grève notre souveraineté nationale. Car en tout état de cause, et en termes de marchés, le Maroc dispose de débouchés sur les quatre coins de la planète : Chine, Russie, Japon; en revanche, si l’accord n’est pas renouvelé ou si la Cour européenne venait à suivre les recommandations de son procureur général, c’est certainement la partie européenne qui sera lésée.


Références :

(1) Fish Information services | Euro-Moroccan commission relies on favorable ruling by CJEU on EU-Morocco fishing agreement

(2) New Europe | EU Risks falling into turbulent waters if EU court invalidates EU-Morocco fisheries deal

(3) Eureporter | #EU – #Morocco Fisheries Agreement is beneficial for both sides, says human rights group

(4) European Jewish Press | The fate of a fisheries agreement between Morocco and the European Union could have repercussions for Israel.

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