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32ème Sommet de l’Union africaine : des défis à la pelle

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Sous le thème “Réfugiés, rapatriés et personnes déplacées: vers des solutions durables aux déplacements forcés en Afrique”, le 32ème Sommet de l’Union africaine se tient les 10 et 11 février dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba. L’on s’attend à ce qu’une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement et d’organisations internationales y participent. Saad Eddine El Othmani chef du gouvernement, conduira sur instruction du roi Mohammed VI la délégation marocaine. On annonce également la participation du Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, celui de la Ligue arabe, Ahmed Aboul-Gheit, Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le patron de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina ainsi que Bill Gates.


Aujourd’hui, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi a succédé à son homologue rwandais Paul Kagamé à la tête de la présidence tournante pour un an de l’UA.

Ironie de l’Histoire, il y a lieu de rappeler à ce niveau que l’UA avait suspendu en août 2013 l’Egypte pour ce qu’elle décrivait à l’époque comme un «coup d’État» contre un gouvernement librement élu.

La décision prise par l’UA en août 2013 a été annulée l’année suivante, quelques semaines à peine des élections présidentielles qui verront l’arrivée d’Abdel Fattah al-Sissi, lequel, en tant que ministre de la Défense, avait dirigé le renversement de Mohamed Morsi par les forces armées, un an après le règne du président islamiste.

Ce sommet se tient dans un contexte géopolitique marqué par plusieurs défis d’ordre politique, économique, social, sanitaire, sécuritaire et terroriste, le tout sur fond de convoitises entre puissances régionales et internationales : américaines, européennes, russes, chinoises, turques, israéliennes, iraniennes ou arabes. Chacun y va de ses manœuvres pour faire avancer ses pions.

Les Américains en force

Un exemple en dit long. La mission des Etats-Unis auprès de l’UA organisera demain -11 février- un forum d’une journée pour les entrepreneurs africains. Il réunira des patrons multisectoriels du continent et des investisseurs potentiels dans des domaines tels que les médias, les technologies de l’information et des télécommunications.

Ce forum sera marqué le 12 février par une contribution de haut niveau sur le commerce entre les Etats-Unis et l’Afrique et portera sur les opportunités pour les petites et moyennes entreprises.

Un autre domaine stratégique où les américains sont très actifs est celui de la santé par, entre autres, Bill Gates interposé. Ainsi, en marge de ce sommet, les chefs d’Etats africains lanceront le Tableau de bord de la responsabilité des Leaders africains pour la nutrition (ALN).


A cette occasion, Bill Gates prononcera une allocution à la première réunion annuelle du Leadership en Afrique: Investir dans la santé. Il y soulignera les progrès remarquables accomplis dans la lutte contre les problèmes de santé et la nécessité urgente de continuer à investir dans le capital humain et à le soutenir pour s’assurer que ce progrès ne soit pas perdu.

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Investir dans la santé sera la première plate-forme réunissant les gouvernements, le secteur privé et la communauté internationale du développement, afin de coordonner et d’accélérer les progrès en vue de la réalisation de la couverture sanitaire universelle sachant au passage que plus de la moitié de la population africaine dépourvue de services de santé essentiels.

A cet égard, la première conférence internationale sur la sécurité des aliments, organisée conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Union africaine (UA), débutera le mardi 12 février sous la présidence du directeur général de la BAD, Akinwumi Adesina. Elle traitera, entre autres sujets, des défis actuels et futurs en matière de sécurité sanitaire des aliments au niveau mondial, ainsi que de l’engagement des dirigeants africains à renforcer la sécurité alimentaire dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

International Crisis Group : Huit priorités pour l’Union africaine en 2019

Ce sommet a été précédé par de nombreuses analyses et réflexions publiées tout au long de cette semaine par des Think Tanks tel que l’International Crisis Group qui a consacré une longue enquête d’analyse sous l’intitulé « Huit priorités pour l’Union africaine en 2019 » et présenté par son directeur Robert Malley. Il relève qu’en 2019, l’Union africaine est confrontée à de nombreux défis, avec des conflits anciens et nouveaux qui couvent à travers le continent. Les grandes tendances identifiées ont trait à trois transitions.

La première transition se produit au niveau local, où les gouvernements enracinés font face à un mélange périlleux d’agitation sociale et de contestation politique. 2019 vient pratiquement de commencer, mais elle porte déjà de vives marques de répression violente au Soudan, au Zimbabwe et au Cameroun, ainsi que de blessures plus anciennes résultant de crises persistantes dans des pays comme la République centrafricaine, le Mali, la Somalie et le Sud-Soudan. La transition remarquable observée en Éthiopie constitue un puissant contrepoint, mais dans trop d’endroits – comme ailleurs dans le monde – un régime autocratique, des élites immuables, un comportement d’État prédateur et la corruption alimentent la colère populaire. Une des questions de savoir si l’Union africaine est prête à relever ces défis.

La deuxième transition, qui se déroule au niveau régional : confrontée à des crises persistantes et apparemment insolubles et déterminée à ne pas permettre aux puissances non africaines de projeter leurs agendas sur le continent, l’Union africaine a cherché des moyens pour mieux aborder les questions de paix et de sécurité.

La troisième et la plus large de ces transitions se situe sur la scène mondiale, où des relations de pouvoir changeantes ravivent les anciennes politiques de grande puissance. L’impact sur le continent n’est peut-être pas évident, mais il est néanmoins palpable : l’implication économique accrue de la Chine; les incursions politiques et militaires intermittentes de la Russie (en Libye, en République centrafricaine ou au Soudan); et, après une période d’atténuation de l’attention accordée à l’Afrique au sujet de ses priorités antiterroristes, le réveil des États-Unis a été moins préoccupé par le bien-être du continent que par l’intensification de sa rivalité avec Pékin. En théorie, il serait bon de voir un tel regain d’intérêt pour l’Afrique et ses affaires; pas si bon de le voir inspiré par une course à l’influence que par une recherche de stabilité, de paix ou de développement.

Malley estime que le bilan de l’UA est déjà mitigé. Qu’il s’agisse de réformer les institutions, de diriger de manière sûre et crédible les transitions politiques, de faire face aux conflits et aux crises en perdition, la liste des défis de l’UA est longue mais il reste suffisamment de temps pour bien faire les choses.

Il a toutefois souligné les efforts déployés par l’actuel président en soulignant que contrairement aux anciens présidents de l’Assemblée de l’UA, qui étaient en grande partie des figures de proue, le président rwandais, Paul Kagamé, a poursuivi son programme de réformes avec énergie et a exercé une influence considérable sur l’orientation de l’organisation en 2018. Mais il reste encore beaucoup à faire. Kagamé, en tant que champion désigné de la réforme, devrait rester activement impliqué, en collaboration avec son successeur, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi et le président de la Commission Faki, afin de faire avancer le projet.

Les priorités au titre de cette année, selon ICG, tournent autour notamment de faire avancer les réformes de l’UA et résoudre les problèmes qui secouent certains pays africains comme le Burundi, le Cameroun, le Soudan, le Sud-Soudan, la Somalie, la République Centrafricaine et la RDC.

Bref, les temps sont durs pour l’Union africaine mais les espérances restent grandes !

Noureddine Boughanmi, journaliste polyglotte avec plus de trois décennies d'expérience dans différents supports marocains et étrangers. Passionné de littérature, d'actualité et d'art, il a interviewé, en français, en anglais et en arabe des dizaines d'acteurs politiques de renommée mondiale. Durant les années 1980 et 1990 il a roulé sa bosse entre la Tunisie, la France, l'Indonésie, l'Afrique du Sud avant de s'installer définitivement au Maroc

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