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A quoi servent-ils ?

Il y a un an déjà, après l'échéance de l'arrêt de la Cour de justice européenne en 2017, le ministère marocain de l'Agriculture et de la Pêche Maritime sommait l’Union européenne d’honorer ses engagements et de ne pas mettre de barrière à l’entrée des produits marocains sur l’espace européen conformément aux accords et réglementations en vigueur. Nous aurions cru que la virulence du ton utilisée par les autorités marocaines à l’époque allait imposer à Bruxelles une révision de ses positions vis-à-vis de Rabat vers plus de Realpolitik. Tel ne fut pas le cas. Un an plus tard, et malgré la mise en place de canaux d’échanges d’apparence plus solides entre les deux parties, voilà que l’avocat général près la Cour européenne de Justice, Melchior Wathelet, qui, dans un avis juridique adressé à la Cour, estime que «le peuple du Sahara occidental a le droit à l’autodétermination et à la souveraineté sur les ressources naturelles de cette région» et, de ce fait l’«accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc devrait être déclaré invalide parce qu’il concerne la région du Sahara occidental.»

Tout semble créditer que depuis la publication d’une étude interne à Bruxelles estimant que 75% des impacts socio-économiques de l’accord de pêche sont au bénéfice des régions de Dakhla-Oued Eddahab et de Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra, les responsables marocains se sont endormis sur leurs lauriers croyant, à tort, que le dossier était définitivement réglé en notre faveur. C’est mal connaître les entourloupes d’Alger par Polisario interposé.

Il ne faut pas se voiler la face. Quand l’avocat général de la Cour européenne de Justice donne un «avis juridique» il le fait sur la base de trois éléments : 1) Il est, de jure, acteur et témoin du procès : ce qui signifie qu’il n’est ni autonome ni indépendant. Il relève directement du parquet général de la Cour qui est un bras politique de la Commission européenne. On se demande quel a été le rôle de l’ambassadeur du Maroc, Ahmed Reda Chami, en vue d’éviter la publication d’un tel avis juridique qui est tout sauf objectif ? Si un diplomate ne peut certes pas interférer dans un processus judiciaire, il a par contre toute la latitude, voire le devoir, d’user de son poids politique et de son influence pour empêcher cela ; 2) L’avocat général assiste aux plaidoiries et interroge les parties avant de préparer ses conclusions : en d’autres termes son «avis juridique» n’a certainement pas du surprendre ces «parties», en l’occurrence le ministère marocain des Affaires étrangères et celui de l’Agriculture et de la Pêche maritime qui devaient s’attendre à ces conclusions. Où ont donc failli Nasser Bourita et Aziz Akhannouch ? Un manque d’anticipation ? Un laisser-aller ? Ou bien ont-ils juste succombé aux chants des sirènes d’une Federica Mogherini spécialiste en la matière ? Ce qui est sûr, c’est que les deux ministres avaient largement le temps de prévoir ce coup bas sachant qu’il n’est pas le premier du genre. Les réactions conciliantes de Bruxelles et leur double langage nous induisent souvent en erreur, sachant que Rabat la joue fair-play en étant le bon élève qui collabore en toute transparence dans la lutte antiterroriste et la migration ; 3) Considéré, de facto, et selon la littérature juridique usitée en la circonstance comme un «témoin de l’Histoire», l’avocat général présente ses conclusions à la Cour en séance plénière et propose une solution à donner l’affaire : il est vrai que les juges ne sont nullement tenus de le suivre mais ils le suivent dans la majorité des cas. D’où l’importance de lobbyer en amont, à son niveau, bien avant les délibérations. A son niveau et à celui des 27 gouvernements composant l’Union européenne qui peuvent influer sur la décision politique avant qu’elle ne relève du judiciaire pur. La responsabilité du chef de la diplomatie et de nos missions diplomatiques en Europe est donc clairement engagée, ainsi que celle de nos alliés européens et lobbyistes attitrés, tels les Miguel Angel Moratinos, Ana Palacio ou encore Hubert Vedrine.

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Car on ne peut pas se limiter à l’exercice simpliste de pointer du doigt le procureur Melchior Wathelet. Cet ex-président de la Wallonie et ancien ministre de la Justice de Belgique est connu pour être acquis à la cause des adversaires de notre intégrité territoriale. Notre rôle, celui de notre diplomatie, est de savoir pourquoi cet acharnement et d’y remédier. D’imposer à la Commission européenne un cadre qui respecterait les accords signés entre Rabat et Bruxelles et qui ne soit pas à la merci du premier magistrat dont les convictions politiques sont contraires à celles de l’une ou de l’autre des parties.

Quand en décembre 2016 l’avis de ce même procureur donnait lieu à un arrêt de la Cour européenne de justice qui a déterminé, dans une atteinte flagrante aux intérêts du Maroc, que les accords de l’Union européenne pour des relations plus étroites et des échanges commerciaux avec le Maroc «ne devaient pas s’appliquer au Sahara occidental», on a eu droit à une réaction des plus virulentes du département de Aziz Akhannouch. Pourquoi ce dernier s’est-il subitement tu alors que les mêmes causes ont donné lieu aux mêmes effets ? Pourquoi Nasser Bourita, d’habitude très prolixe sur des sujets plus ou moins importants, ne s’est-il pas fendu d’un communiqué au vitriol contre l’attitude irresponsable de Bruxelles ? Au moins pour la forme. Doit-on encore, et pour une énième fois, attendre le jugement définitif de la Cour pour crier au scandale et remettre les pendules à zéro avec la Commission européenne ?

C’est aujourd’hui ou jamais que le Maroc doit imposer le départ de Melchior Wathelet comme condition sine qua non de la poursuite de toute négociation sur le sujet à l’instar de la position ferme et irréversible prise par le royaume quant à la mission de l'ancien envoyé personnel des Nations Unies pour le Sahara, Christopher Ross, considéré par Rabat persona non grata.

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