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Ukraine

La guerre en Ukraine alimente une crise alimentaire mondiale

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La Russie et l’Ukraine représentent ensemble environ un quart de la production mondiale de blé. Il n’est donc pas surprenant que la guerre qu’elles mènent actuellement bouleverse l’offre mondiale.

Alors que la demande mondiale post-pandémique, les conditions météorologiques extrêmes, le resserrement des stocks alimentaires, les prix élevés de l’énergie, les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement et les restrictions et taxes à l’exportation mettent le marché alimentaire à rude épreuve depuis deux ans, la convergence récente de tous ces facteurs à la suite de l’invasion de la Russie est sans précédent et a fait monter en flèche les taux d’inflation alimentaire dans le monde entier.

En Europe, l’indice des prix à la consommation des denrées alimentaires a fortement augmenté dans toutes les grandes économies du continent, tandis qu’aux États-Unis, l’IPC a grimpé de plus de 14 points de pourcentage depuis janvier 2020.

Dans les pays en développement et les marchés émergents, l’évolution de l’indice est encore plus dramatique, laissant les consommateurs face à des prix beaucoup plus élevés pour les denrées alimentaires de base essentielles.

Les exemples les plus extrêmes ont vu l’inflation alimentaire augmenter de plusieurs centaines de points. Le Liban, un pays qui dépend fortement des importations alimentaires, y compris la plupart de son blé en provenance d’Ukraine, a vu l’indice des prix augmenter de plus de 3 000 points de pourcentage depuis 2020.

La dynamique est assez simple du côté ukrainien : avec de larges pans de la partie orientale du pays occupés par les forces russes et une grave pénurie de main-d’œuvre qualifiée alors que les Ukrainiens partent au front, quelque 20 à 30 % des terres agricoles ukrainiennes ne seront pas plantées ou récoltées cette année, selon les estimations de la FAO. Par exemple, on estime qu’environ 50 % des terres où l’on plante normalement du blé d’hiver sont désormais occupées par la Russie, de même qu’environ 40 % des terres à seigle.

Les retombées ne se limitent pas aux exportations de blé. L’Ukraine est également un grand producteur d’huile de tournesol, qui représente environ 50 % du marché mondial, la Russie étant également un acteur important avec une part de marché de 25 %. L’huile de tournesol représente environ 13 % du marché mondial des huiles végétales, et certains États africains sont très dépendants des huiles importées, à savoir la Namibie (100 % de l’approvisionnement importé), le Botswana (100 %), Madagascar (90,9 %), le Gabon (88,6 %), l’Algérie (84,7 %) et l’Éthiopie (81,7 %).

La Russie coupe temporairement Nord Stream. L’Europe en état d’alerte

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Nord Stream 1, le plus grand gazoduc transportant du gaz russe vers l’Allemagne a commencé à faire l’objet d’une maintenance annuelle lundi. Les flux devraient s’arrêter pendant 10 jours, mais les gouvernements, les marchés et les entreprises craignent que la fermeture ne soit prolongée en raison de la guerre en Ukraine.

L’Europe se prépare à un arrêt prolongé de l’approvisionnement en gaz russe alors que des travaux de maintenance ont commencé ce lundi sur le gazoduc Nord Stream 1 qui achemine le gaz vers l’Allemagne via la mer Baltique.

L’opérateur Nord Stream AG a confirmé que les travaux, qui doivent se dérouler du lundi au 21 juillet, ont débuté comme prévu lundi matin. Les flux de gaz russe via le gazoduc devraient tomber à zéro plus tard dans la journée.

Le gazoduc Nord Stream 1 est le plus grand composant de l’infrastructure d’importation de gaz en Europe. Il transporte environ 55 milliards de mètres cubes de gaz par an de la Russie vers l’Allemagne.

L’Europe craint que la suspension des livraisons ne soit prolongée au-delà du délai de dix jours, ce qui ferait dérailler les préparatifs d’approvisionnement hivernal de la région et aggraverait la crise du gaz qui a entraîné une hausse vertigineuse des factures d’énergie des ménages et des mesures d’urgence de la part des décideurs politiques.

Cette crise survient alors que les gouvernements européens se démènent pour alimenter les stockages souterrains en gaz afin que les ménages disposent de suffisamment de combustible pour garder les lumières allumées et les maisons chaudes en hiver.

L’Union européenne, qui reçoit environ 40 % de son gaz par des gazoducs russes, tente de réduire rapidement sa dépendance à l’égard des hydrocarbures russes en réponse à l’offensive menée par le président Vladimir Poutine en Ukraine depuis plusieurs mois.

Les spécialistes de l’énergie s’accordent à dire que le risque d’une interruption temporaire est élevé, d’autant que les flux de gaz russe ont déjà chuté d’environ 60 % ces derniers mois.

Le géant russe de l’énergie Gazprom, soutenu par l’État, a invoqué le retour tardif des équipements réparés par l’entreprise allemande Siemens Energy au Canada pour expliquer la réduction des flux.

Le Canada a déclaré ce week-end qu’il allait renvoyer une turbine à gaz réparée à l’Allemagne pour qu’elle soit utilisée dans le gazoduc Nord Stream 1, tout en élargissant les sanctions contre le secteur énergétique russe.

L’Ukraine a réagit à cette annonce du Canada, en l’appelant à l’annulation le retour de la turbine en Allemagne.

Les ministères ukrainiens de l’énergie et des affaires étrangères ont déclaré qu’ils étaient «profondément déçus» par la décision du Canada de restituer à l’Allemagne une turbine Siemens réparée utilisée pour le gazoduc Nord Stream 1.

La Russie a déclaré la semaine dernière qu’elle augmenterait ses livraisons de gaz à l’Europe si la turbine réparée au Canada était renvoyée. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a également rejeté les allégations selon lesquelles la Russie utilise le pétrole et le gaz pour exercer une pression politique sur l’Europe, rapporte Reuters.

Pression maximale de Poutine

Les analystes du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group ont déclaré que si Vladimir Poutine orchestrait une interruption totale des approvisionnements en gaz au-delà de la fin prévue des travaux de maintenance du gazoduc Nord Stream 1, l’Allemagne serait probablement contrainte de passer au niveau trois de son plan d’urgence en trois étapes.

À ce niveau, l’autorité de régulation allemande, la Bundesnetzagentur, devrait décider de la manière de distribuer les fournitures de gaz dans tout le pays.

Henning Gloystein, directeur de l’énergie, du climat et des ressources chez Eurasia Group, a déclaré à CNBC que cette décision représenterait un scénario de «guerre économique maximale».

«L’Allemagne est devenue un point critique pour l’ensemble de l’UE», a déclaré Gloystein. «L’Allemagne a la plus grande population d’Europe, c’est la plus grande économie, c’est le plus grand consommateur de gaz, c’est le plus grand importateur unique de gaz russe, et elle a neuf frontières terrestres. Donc, tout ce qui se passe en Allemagne se répercute sur le reste de l’Europe.»

La Russie a coupé les livraisons de gaz à plusieurs pays européens qui ont refusé de se conformer à la demande de paiement de gaz contre des roubles de Poutine.

«C’est en fait la raison pour laquelle … nous pensons que la Russie va faire machine arrière», a déclaré Gloystein. «Ils veulent avoir une petite monnaie d’échange au cas où les Européens renforceraient encore les sanctions, de sorte que les Russes puissent riposter avec cela

Un porte-parole du ministère fédéral allemand de l’économie et de l’action climatique a déclaré à CNBC la semaine dernière que le gouvernement surveillait de près la situation du marché du gaz avant les travaux de maintenance prévus.

«La sécurité d’approvisionnement est actuellement toujours garantie, mais la situation est grave», a déclaré le porte-parole.

«Actuellement, les quantités peuvent être achetées sur le marché, mais à des prix élevés. Le stockage se poursuit également à l’heure actuelle. Nous sommes en échange étroit à ce sujet avec les négociants, qui se préparent à cette date», ont-ils ajouté.

L’Europe sur le qui-vive

Outre le risque de couverture des besoins en énergie durant l’hiver prochain, un autre risque plane sur l’Allemagne en cas d’arrêt des flux de gaz russe: la récession. Le coup porté à l’économie pourrait être de 193 milliards d’euros au cours du second semestre de cette année, selon les données de l’association industrielle «The vbw» de l’État de Bavière, publiées le mois dernier.

«L’arrêt brutal des importations de gaz russe aurait également un impact significatif sur la main-d’œuvre en Allemagne… Environ 5,6 millions d’emplois seraient touchés par ces conséquences», a déclaré Bertram Brossardt, directeur général de vwb.

Les effets seraient encore plus étendus. Un arrêt complet maintiendrait plus longtemps les prix du gaz en Europe à un niveau élevé, alors que l’industrie et les ménages en ont déjà fait les frais.

Les prix de gros du gaz néerlandais, la référence européenne, ont augmenté de plus de 400 % depuis juillet dernier.

«Si Nord Stream est coupé, ou si l’Allemagne perd toutes ses importations russes, alors l’effet se fera sentir sur tout le nord-ouest de l’Europe», a déclaré le ministre néerlandais de l’énergie, Rob Jetten.

Dans une interview accordée à Reuters jeudi, il a déclaré que le champ gazier néerlandais de Groningen pourrait encore être appelé à aider les pays voisins en cas d’arrêt complet des approvisionnements russes, mais que l’augmentation de la production risquerait de provoquer des tremblements de terre.

Le ministère des finances russe avait déclaré en juin qu’il s’attendait à recevoir 393 milliards de roubles (6,4 milliards de dollars) de recettes pétrolières et gazières de plus que prévu dans sa planification budgétaire.

Pour juillet, il s’attend à recevoir 259 milliards de roubles de plus que ce que prévoyait son plan budgétaire.

Selon Goldman Sachs, la prolongation des travaux de maintenance pourrait également entraîner un plus grand nombre d’arrêts de la production de gaz russe, par rapport à la baisse de 9 % en glissement annuel de la production de Gazprom signalée jusqu’à présent cette année.

Les six commandements d’Ahmed Charaï pour forcer Poutine à quitter l’Ukraine

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Comment faudrait-il mettre fin à la guerre qui s’éternise ? Fissuré, le front atlantiste peut-il forcer la Russie de Poutine à quitter l’Ukraine sans escalade aucune ? Des questions qui nous taraudent l’esprit et auxquelles, le directeur de publication du The Jerusalem Strategic Tribune, M. Ahmed Charaï propose une batterie de recommandations. Articulée autour de six axes, la vision de M. Charaï défend le principe d’unité internationale pour soutenir une Ukraine indépendante, souveraine et démocratique. Il plaide également pour un rôle plus engagé et une politique étrangère cohérente des États-unis pour maintenir et promouvoir un ordre international juste et durable.

Lorsque la Russie de Poutine a envahi l’Ukraine le 24 février dernier, elle espérait s’emparer du pays en une attaque éclair qui ne durerait que quelques jours ou quelques semaines. De nombreux analystes occidentaux le pensaient aussi.

Il n’y a pas eu de victoire rapide pour les puissantes forces du président russe Vladimir Poutine, pas de déroute qui permettrait au Kremlin de contrôler la majeure partie de l’Ukraine et d’établir un gouvernement.

Au lieu de cela, les troupes russes se sont enlisées dans les faubourgs de Kiev et d’autres grandes villes, au milieu de défenses ukrainiennes très solides. Les convois de blindés russes semblaient bloqués sur de longs tronçons d’autoroute. Les troupes se sont retrouvées à court de fournitures et d’essence, devenant des cibles faciles.

Un peu plus d’un mois après l’invasion, la Russie a effectivement reconnu l’échec de son blitz et a retiré ses troupes des zones proches de Kiev, déclarant un changement d’orientation vers la région industrielle orientale du Donbas, où les séparatistes soutenus par Moscou combattent les forces ukrainiennes depuis 2014.

«La guerre a commencé, dans l’esprit du président russe Vladimir Poutine, par deux grandes idées fausses. La paix ne viendra que lorsque le dirigeant russe admettra qu’il s’est trompé à leur sujet» entame Ahmed Charaï son analyse parue ce jeudi sur la revue américaine The National Interest.

«Poutine pensait pouvoir s’emparer de Kiev en deux jours. Il croyait que l’Ukraine était essentiellement une grande Biélorussie, où le nationalisme est tiède et désorganisé, et où l’incursion armée de Poutine, en faveur d’une marionnette russe impopulaire, était plus courte que la plupart des vacances européennes», poursuit l’éditorialiste.

M. Charaï affirme que le président russe s’attendait à ce que ses forces allait rencontrer une résistance symbolique en Ukraine et que son commandement total allait prendre peu de temps à s’établir.

«Si la résistance de l’Ukraine était farouche, il s’attendait à une répétition de la prise de la Crimée en 2014 – une guerre sanglante mais brève où l’Occident n’a tiré que des démarches diplomatiques, plutôt que d’expédier des roquettes et des obus d’artillerie à la tonne», souligne-t-il.

Les paris ratés de Poutine

Poutine imaginait également que son impressionnant et terrible déploiement de force intimiderait ou disperserait l’Union européenne et, par extension, l’OTAN. Les exportations de gaz de la Russie, il le savait, étaient vitales pour certains membres de l’UE, en particulier l’Allemagne, la plus grande économie d’Europe continentale et son bloc le plus important au Parlement européen.

La maître du Kremlin, écrit M. Charaï, a bâti sa stratégie d’invasion sur des paris qui se sont tous avérés perdants:

  • Enérgie

Poutine a parié sur le fait que les Européens ne reviendraient jamais sur la fermeture de leurs centrales nucléaires et à charbon, qu’ils n’augmenteraient pas leurs importations de gaz naturel en provenance des États-Unis et du Qatar et qu’ils ne prévoiraient pas de nouveaux pipelines en provenance d’Afrique du Nord ou du Proche-Orient.

«Il pensait que les sentiments pro-environnementaux de l’Europe rendaient ces changements impensables», affirme M. Charaï.

  • Militarisation de l’Allemagne et du Japon

Le plus choquant pour la pensée d’avant-guerre de Poutine a dû être le renversement abrupt de plus de soixante-dix ans de consensus sur les dépenses militaires en Allemagne et dans le lointain Japon. Longtemps soucieux de montrer au monde qu’ils ne seraient jamais des puissances militaires du type de celles de la Seconde Guerre mondiale, ces deux pays ont soudainement annoncé des budgets plus importants pour leurs forces armées, notamment les augmentations les plus fortes observées depuis la fin de la guerre froide.

Alors, comment le monde peut-il influencer Poutine pour qu’il se retire et non pour qu’il y ait une escalade ?

Les six commandments d’Ahmed Charaï

  1. Unité Internationale

La stratégie occidentale au début de l’invasion russe était essentiellement axée sur le fait de faire payer cher à Poutine sa guerre, car on le croyait pouvoir arracher rapidement une victoire. Cependant la résistance ukrainienne, fortement soutenue médiatiquement, financièrement et militairement par les États-Unis, le Royaume-Unis et d’autres pays de l’OTAN, a changé la donne. Poutine a été obligé de procéder à un retrait humiliant pour concentrer ses frappes dans l’Est et le sud du pays.

La guerre se prolonge et les crises alimentaires et énergétiques éclatent. C’est à ce moment là que les fissures dans le « bloc occidental » ont commencé à apparaître.

Deux groupes de pays au sein de l’UE vont émergés. La « nouvelle Europe », nom donné par Donald Rumsfeld, ancien secrétaire d’Etat nord-américain, au groupe de la Pologne et des pays baltes et la « vielle Europe » composée de la France, de l’Italie et de l’Allemagne.

Les États de la « nouvelle Europe » qui comptent sur le soutien de Washington ont adopté une posture très dure à l’égard de Poutine et voient dans l’invasion de l’Ukraine une menace directe pour leur sécurité. Les États-Unis utilisent, d’ailleurs, cette position pour poursuivre ses objectifs propres.

Si ce premier groupe fait de la défaite de Poutine un objectif, l’autre bloc européen estime que la Russie russe ne devrait pas être humiliée. l’axe Paris-Berlin-Rome, souhaite la victoire de l’Ukraine mais ne conçoit pas Moscou en dehors de tout nouvel ordre de sécurité construit en Europe.

C’est précisément cette désunion de l’Europe et d’autres pays de la planète que M. Ahmed Charaï estime être l’un des freins à la fin de la guerre.

« Le monde doit s’unir pour soutenir l’Ukraine en tant que pays indépendant, souverain et démocratique. L’annonce récente par l’Allemagne de son soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, y compris la Crimée, devrait mettre un terme à toute discussion sur l’échange de territoires contre la paix » écrit l’éditorialiste.

  1. Un plan Marshall pour la reconstruction de l’Ukraine

M. Charaï affirme que la croissance militaire et économique de l’Ukraine doit être encouragée et renforcée.

«Une Ukraine faible et vulnérable ne fera qu’inviter à une nouvelle agression russe. La reconstruction de l’Ukraine nécessitera des investissements considérables de la part du secteur privé. Mais les investissements du secteur privé dépendent d’un environnement généralement sûr» souligne-t-il.

Les États-Unis, poursuit M. Charaï, ont une occasion historique de construire avec leurs alliés la meilleure dissuasion contre une future agression russe et de contribuer à lutter contre la culture endémique de la corruption en Ukraine grâce à un mini plan Marshall bien conçu.

  1. Une politique étrangère américaine cohérente

C’est d’une constante du plaidoyer de M. Ahmed Charaï dans ses différentes interventions et analyses. Il s’agit de l’impact négatif sur l’ordre mondial de l’érosion de l’engagement des dirigeants américains en matière de politique étrangère.

«Ce qui s’érode depuis quelques années, c’est l’engagement des dirigeants américains à défendre, maintenir et promouvoir un ordre international dans lequel les nations observent des règles et des normes communes, adoptent des systèmes économiques libéraux, renoncent à la conquête territoriale, respectent la souveraineté nationale et adoptent des systèmes de gouvernement participatifs et démocratiques» insiste-t-il.

Et de poursuivre : «Dans un environnement mondial de plus en plus complexe, les États-Unis ne peuvent atteindre cet objectif qu’en tirant parti de leur force grâce à une politique étrangère cohérente qui répond aux défis posés par la Russie et la Chine. Pour ce faire, ils doivent délibérément renforcer et cultiver des relations productives avec leurs alliés, partenaires et autres nations ayant des intérêts communs».

  1. Adresser une offre attrayante pour contenir l’influence de la Chine

Les décideurs américains, toutes tendances politiques confondues, n’ont pas donné la priorité aux pays africains et de l’espace indopacifique, dans les plans de politique étrangère des États-Unis. Au contraire, l’intérêt limité de Washington pour l’Afrique principalement a manqué de coordination et est maintenant souvent perturbé par un concept mal défini «d’influence chinoise».

A ce titre, Washington a tout intérêt à s’attacher à développer une vision positive de l’avenir de leur rôle en Afrique et de l’espace indopacifique plutôt que de s’en tenir à critiquer l’engagement de la Chine sur ces régions du monde.

«Les États-Unis doivent offrir des alternatives politiques, économiques et sécuritaires attrayantes à l’influence de la Chine dans la région indo-pacifique, en Afrique et au-delà», recommande Ahmed Charaï.

  1. Maintenir le dialogue stratégique avec la Chine

Dans son dernier rapport sur Dialogue stratégique et économique entre les États-Unis et la Chine, le Comité national pour la politique étrangère américaine (NCAFP) révèle que que les processus de dialogue officiels ont permis d’atteindre bien plus de résultats qu’on ne le pense souvent et qu’ils constituent un moyen peu coûteux de faire progresser les intérêts américains de manière pacifique.

«Les États-Unis et la Chine continueront d’être en désaccord sur des questions fondamentales, mais devraient utiliser le dialogue direct pour exprimer ces préoccupations et réduire les malentendus et les perceptions erronées qui freinent la coopération sur le changement climatique mondial et le traitement et le rétablissement des pandémies», souligne le document.

Un an après, les relations entre les États-Unis et la Chine restent très tendues, malgré une politique moins ferme de la part de l’administration Biden. Une situation qui selon M. Charaï n’arrange pas le contexte international.

« L’administration américaine doit maintenir un dialogue stratégique productif avec la Chine permettant une communication claire des préoccupations essentielles des États-Unis tout en aidant les dirigeants américains à comprendre les intérêts et les objectifs de la Chine», affirme-t-il.

  1. Equilibrer entre les principes universels et les particularités régionales

Ce qui a toujours fait l’exception américaine, c’est cette politique chère à Henry Kissinger, celle d’aligner les stratégies des États-Unis sur les principes universels, au moment le reste de la planète se contentait à la promotion des intérêts nationaux.

«Les principes universels peuvent être combinés avec la reconnaissance de la réalité des histoires, des cultures et des perspectives des autres régions sur leur sécurité», recommande Ahmed Charaï.

Kissinger en avait d’ailleurs fait le fer de lance de sa vision de l’ordre mondial dans son livre publié en 2014 (World Order). « La célébration des principes universels doit aller de pair avec la reconnaissance de la réalité des histoires, des cultures et des points de vue d’autres régions sur leur sécurité.» a-t-il écrit.

« Nous devrions tirer les leçons de ces sages paroles et éviter de nous méprendre sur nos propres grandes fausses idées.» conclut M. Charaï son analyse parue sur The National Interest.

Ahmed Charai est l’éditeur de The Jerusalem Strategic Tribune. Il est membre du conseil d’administration de nombreux groupes de réflexion, dont l’Atlantic Council, l’International Crisis Group, le Center for Strategic and International Studies, le Foreign Policy Research Institute et le Center for the National Interest.

Biden annonce la plus grande expansion militaire en Europe depuis la guerre froide

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Le président Biden a annoncé mercredi la création d’un quartier général permanent pour les forces américaines stationnées en Pologne, ainsi que de nouveaux déploiements de troupes et d’armes en Europe dans le contexte de la guerre que mène actuellement la Russie en Ukraine.

Les États-Unis vont procéder à leur plus grande expansion militaire en Europe depuis la guerre froide, avec notamment leur première présence permanente de troupes en Pologne, alors que l’OTAN se prépare à accueillir deux nouveaux membres en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Cette annonce, qui fait suite à l’engagement pris par l’OTAN cette semaine de multiplier par sept ses forces à haut niveau de préparation, intervient malgré les efforts de Washington pour déplacer l’attention des États-Unis vers la Chine et offre une nouvelle preuve de la façon dont la guerre de la Russie bouleverse la sécurité internationale.

Une expansion militaire historique

«Les États-Unis ont réagi rapidement et efficacement, en étroite coopération avec leurs alliés de l’OTAN, à la crise de sécurité européenne provoquée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine» a déclaré le département d’Etat américain à La Défense dans un communiqué publié ce mercredi.

«Les contributions des États-Unis à la réponse de l’Alliance ont été rendues possibles par les forces importantes que nous avions déjà stationnées et déployées en Europe, y compris de robustes équipements et stocks déployés d’avance, ainsi que par des investissements substantiels dans l’infrastructure et la mobilité militaire rendus possibles par le financement de l’Initiative européenne de dissuasion», poursuit le communiqué.

Preuve de cet engagement, le nombre de soldats américains déployés en Europe qui a grimpé à 100 000 hommes dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, dont 10 500 membres des services américains stationnés en Pologne.

Ce mercredi 29 juin, le président Joe Biden a fait l’annonce au sommet de l’OTAN à Madrid d’engagements supplémentaires pour «renforcer la sécurité européenne» :

Pologne

«En Pologne, nous allons stationner en permanence le poste de commandement avancé du quartier général du Vème Corps, un quartier général de garnison de l’armée de terre et un bataillon de soutien sur le terrain», a déclaré le président américain.

«Ces forces – les premières forces américaines permanentes sur le flanc oriental de l’OTAN – amélioreront nos capacités de commandement et de contrôle, notre interopérabilité avec l’OTAN et la gestion des équipements prépositionnés. Cette action s’appuie sur le rôle central que la Pologne a joué dans le soutien à la dissuasion et à la posture de défense crédibles au combat de l’OTAN» a-t-il souligné.

Les États-Unis continueront également à maintenir, et chercheront à renforcer, leur importante présence de forces de rotation en Pologne, notamment une équipe de combat de brigade blindée, un élément de brigade d’aviation de combat et un élément de quartier général de division, ce qui permet au ministère de la Défense de déployer des forces de combat le long du flanc oriental.

Roumanie

En Roumanie, les États-Unis positionneront immédiatement une équipe de combat de brigade rotative, ainsi qu’une brigade supplémentaire sur le flanc oriental. Cette brigade supplémentaire, dont le quartier général se trouve en Roumanie, maintiendra la capacité de déployer des éléments subordonnés sur le flanc est. Cette brigade viendra compléter les autres Brigade Combat Teams stationnées et opérant en Europe.

Baltique

Dans la région de la Baltique, les États-Unis amélioreront leurs déploiements par rotation – qui comprennent des forces blindées, d’aviation, de défense aérienne et d’opérations spéciales – pour renforcer la sécurité de la Baltique, améliorer l’interopérabilité et démontrer la flexibilité et la préparation au combat des forces américaines.

Les États-Unis maintiendrons une présence persistante, talon-pointe, dans la région et intensifierons l’entraînement avec leurs alliés baltes pour maintenir des capacités crédibles au combat dans la région.

Espagne

En Espagne, les États-Unis collaborent avec le gouvernement pour faire passer de quatre à six le nombre de destroyers stationnés à Rota, dans la province de Cadix.

Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les États-Unis renforceront leur présence par de chasseurs de cinquième génération et leur capacité à soutenir les Alliés dans toute l’Europe en postant à l’avant deux escadrons de F-35 à RAF Lakenheath.

Allemagne

En Allemagne, les États-Unis vont stationner à l’avant un quartier général de brigade d’artillerie de défense aérienne, un bataillon de défense aérienne à courte portée, un quartier général de bataillon de soutien au combat et un quartier général de brigade du génie, soit environ 625 militaires au total. Ces forces amélioreront les capacités de défense aérienne du ministère de la Défense et son soutien en matière de soutien en Europe, ce qui apportera un renforcement essentiel aux capacités de l’OTAN et permettra au ministère de la Défense de réagir plus efficacement aux menaces contre le flanc oriental de l’OTAN. Ces forces s’appuient sur le récent stationnement avancé de la Multi Domain Task Force et du Theater Fires Command en Allemagne, que le secrétaire Austin a annoncé en avril 2021.

Italie

En Italie, les États-Unis vont stationner à l’avant une batterie de défense aérienne à courte portée, soit environ 65 personnes. Cette batterie est une unité subordonnée au bataillon de défense aérienne à courte portée que le ministère de la Défense stationne en Allemagne.

https://twitter.com/deptofdefense/status/1542148163506782208?s=21&t=mlw2I-8ziaJ_NvNvA98MZQ

Dépenses américaines : 3,8 milliards en 2022, 4,2 milliards de dollars en 2023

«Toutes ces forces et facilitateurs crédibles au combat sont soutenus par des investissements importants dans la présence américaine à long terme en Europe» souligne le communiqué du département américain de défense (DoD).

Au cours de l’année fiscale 2022, le DoD continue d’exécuter 3,8 milliards de dollars de financement de l’initiative de dissuasion européenne (avec 4,2 milliards de dollars supplémentaires demandés pour l’année fiscale 23) consacrés aux :

  • forces de rotation,
  • exercices,
  • infrastructure (construction d’installations de stockage, modernisation des aérodromes et complexes d’entraînement)
  • équipements prépositionnés.

Des troupes supplémentaires seront également déployées en Roumanie sur une base rotative et des améliorations seront apportées aux déploiements de troupes stationnées dans les États baltes.

L’Europe ne peut pas se défendre sans les Etats-Unis

«Aujourd’hui, j’annonce que les États-Unis vont améliorer leur dispositif de forces en Europe pour répondre à l’évolution de l’environnement sécuritaire, ainsi que pour renforcer notre sécurité collective», a déclaré M. Biden.

«Ensemble, nos alliés, nous allons faire en sorte que l’OTAN soit prête à faire face aux menaces venant de toutes les directions, dans tous les domaines – terre, air et mer», a-t-il ajouté.

Lors du sommet, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que l’alliance se trouvait «au milieu de la plus grave crise de sécurité à laquelle nous ayons été confrontés depuis la Seconde Guerre mondiale.»

Le ministre polonais des Affaires étrangères, Zbigniew Rau, a déclaré la semaine dernière que la crise sécuritaire actuelle illustrait le fait que l’Europe ne pouvait pas se défendre sans les Etats-Unis.

Pour la Pologne, l’engagement des États-Unis dans la sécurité européenne est une «condition fondamentale de la paix en Europe», a-t-il ajouté.

Poutine : L’économie russe restera ouverte

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L’économie russe «restera certainement ouverte, même dans les nouvelles conditions», a déclaré mardi le président Vladimir Poutine. La Russie développera sa coopération avec les pays qui sont intéressés par un partenariat mutuellement bénéfique, a-t-il souligné.

Le président russe Vladimir Poutine a assuré que l’économie russe dans les nouvelles conditions restera ouverte.

«Dans les nouvelles conditions, l’économie russe sera certainement ouverte», a-t-il déclaré lors d’une réunion mardi.

«En outre, nous élargirons la coopération avec les pays qui sont intéressés par un partenariat mutuellement bénéfique», a souligné Poutine.

Selon le président russe, «toute une série de questions sont essentielles dans ce contexte». «Il s’agit d’organiser des infrastructures de paiement commodes en monnaies nationales, d’établir des liens scientifiques et technologiques et, bien sûr, d’augmenter la capacité des chaînes logistiques, d’accroître leur efficacité et de créer de nouvelles routes pour le transport de marchandises», a énuméré Poutine.

«Ces derniers mois, l’importance stratégique de ces travaux s’est considérablement accrue», a-t-il affirmé. Il a noté la nécessité de diversifier les flux de transport en raison de la volonté de certains pays de «fermer pour la Russie».

«Les actions de certains pays, leur volonté de se fermer pour la Russie, non pas de fermer la Russie, mais surtout de se fermer pour la Russie même à leur désavantage, ont montré combien il est important de diversifier rapidement les flux de transport de nos jours, d’élargir les corridors vers des partenaires fiables et responsables», a-t-il déclaré.

Choc énergétique en Grande-Bretagne : les factures vont augmenter de 42 %

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Key points :

  • Le Directeur Général du bureau des marchés du gaz et de l’électricité, l’Ofgem, lance un avertissement sévère aux députés britanniques sur la crise énergétique.
  • 12 millions de ménages pourraient être plongés dans la pauvreté énergétique.
  • L’inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis 40 ans.

Bloomberg

Les consommateurs britanniques vont devoir faire face à une nouvelle hausse brutale de leurs factures d’électricité et de gaz juste avant l’hiver, s’ajoutant à la flambée des coûts de presque tout, de la nourriture à l’essence.

Les prix de l’énergie devraient atteindre le niveau record de 3 499 $ en octobre, a déclaré Jonathan Brearley, directeur général de l’Ofgem, à un panel de député ce mardi. Cela enverra environ 12 millions de ménages en situation de pauvreté énergétique.

Cette hausse va accroître la pression sur le chancelier de l’Échiquier et Second lord du Trésor, Rishi Sunak, pour qu’il aide les consommateurs à faire face à la pire compression du pouvoir d’achat depuis les années 1950. Même avec les 12 milliards de dolars d’aide annoncés jusqu’à présent, ce ne sera pas suffisant pour alléger le fardeau de l’inflation qui atteint son niveau le plus élevé depuis 40 ans.

Le directeur général de l’Ofgem écrira à M. Sunak pour le prévenir de l’augmentation imminente de plus de 1.000 $ de la facture annuelle d’environ 22 millions de ménages.

«On compte actuellement environ 6,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique, mais ce chiffre pourrait doubler après la hausse d’octobre», a-t-il ajouté. Selon le site Web de comparaison des prix Uswitch, environ un quart des consommateurs sont déjà endettés pour leurs factures d’énergie.

Gouvernement divisé

Le gouvernement Britanique est divisé quand à l’introduction d’une taxe exceptionnelle sur les bénéfices des producteurs d’électricité ainsi que sur les producteurs de pétrole et de gaz afin de collecter des fonds pour aider les consommateurs. La pression s’est accrue sur le Premier ministre Boris Johnson pour qu’ils appliquent cette taxe, mais de nombreux ministres du gouvernement se sont ouvertement opposés à une telle mesure, estimant qu’elle découragerait les investissements.

M. Sunak «est instinctivement contre une taxe exceptionnelle, mais s’il estime que des temps extraordinaires appellent des mesures extraordinaires, alors c’est à lui de décider», a déclaré le secrétaire d’État aux affaires et à l’énergie, Kwasi Kwarteng, devant les parlementaires mardi. Il a déclaré que le gouvernement devrait se concentrer sur la croissance de l’économie afin d’aider à réduire les coûts énergétiques.

«L’ampleur et la profondeur de la crise du coût de la vie en Grande-Bretagne signifient que le gouvernement doit de toute urgence fournir une aide supplémentaire significative», a déclaré Jonny Marshall, économiste principal au groupe de réflexion Resolution Foundation.

Compression du pouvoir d’achat
Les Britanniques sont confrontés à la deuxième plus mauvaise année jamais enregistrée en matière de niveau de vie.

Income Squeeze

Source : Banque d’Angleterre
Note : Ressources totales disponibles des ménages déflatées par le déflateur des dépenses de consommation.

Les fournisseurs s’effondrent

Plus de deux douzaines de fournisseurs d’énergie ont fait faillite depuis le mois d’août en raison de la flambée des prix de gros de l’énergie. La plupart de ces entreprises, dont certaines ne comptent que quelques centaines de clients, sont le résultat d’une déréglementation du marché qui a permis à n’importe qui de créer une société de fourniture d’énergie, rapporte Bloomberg. Au bout du compte, ce sont les contribuables qui en supporteront le poids, souligne la même source.

«Il y a des leçons importantes à tirer de cette crise et il faut absolument changer la façon dont nous régulons le marché de détail», a déclaré le directeur général de l’Ofgem. «Les variations de prix que nous avons observées sur le marché du gaz sont véritablement un événement unique en son genre qui n’a pas été vu depuis la crise pétrolière des années 1970.»

Hongrie – Viktor Orbán déclare l’état d’urgence en temps de guerre

A une semaine de l’expiration de l’état d’urgence lié à la pandémie de coronavirus, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a instauré un second état d’urgence, cette fois pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.

«Le gouvernement fera usage du droit que lui confère la constitution de déclarer l’état d’urgence à partir de minuit ce soir», a annoncé le Premier ministre Viktor Orbán dans une vidéo publiée, ce mardi, sur Facebook.

«Le gouvernement qui a prêté serment aujourd’hui a commencé son travail immédiatement. Nous n’avons pas perdu une seule minute parce qu’il y a une guerre dans notre voisinage. Une guerre dont personne ne voit encore la fin», a déclaré le Premier ministre.

M. Orbán a souligné que cette guerre constitue une menace constante pour la Hongrie, qu’elle met en péril la sécurité physique des hongrois, l’approvisionnement en énergie et la sécurité financière de l’économie et des familles.

«Nous pouvons constater que la guerre et les sanctions imposées par Bruxelles ont entraîné d’énormes bouleversements économiques et des hausses de prix drastiques. Le monde est au bord d’une crise économique. La Hongrie doit rester en dehors de cette guerre et protéger la sécurité financière des familles», a souligné le Premier ministre.

Selon M. Orbán, cela nécessite une marge de manœuvre et une capacité d’action immédiate, et le gouvernement fera donc usage du droit que lui confère la constitution de déclarer l’état d’urgence à partir de ce soir minuit. Comme dans le cas de l’état d’urgence déclaré en raison de la pandémie, cela permettra au gouvernement de réagir immédiatement et de protéger la Hongrie et les familles hongroises par tous les moyens possibles.

«Demain, je vous informerai de nos premières décisions», a conclu le Premier ministre dans sa vidéo.

Ahmed Charaï : Les États-unis doivent chercher à comprendre pourquoi 100 nations n’ont pas soutenu l’Ukraine à l’ONU

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L’Assemblée générale des Nations unies s’est réunie le 7 avril dernier, pour la troisième fois depuis le début de la guerre en Ukraine, pour adopter une nouvelle résolution qui suspend la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Si le monde occidental a largement condamné l’invasion russe, voire a pris de sévères sanctions contre Moscou, Vladimir Poutine n’est pas pour autant totalement isolé dans le conflit. En effet, 100 États sur 193 ont préféré ne pas soutenir le dernier vote onusien. Un phénomène peu commenté par la communauté internationale, probablement du fait que les pays concernés sont africains, arabes et asiatiques.

Dans le vacarme des bruits de bottes qui sature l’atmosphère fébrile de la guerre, une voix marocaine s’est levée pour attirer l’attention sur le déni occidental face à cette unité de l’ONU qui se fissure. Dans une tribune publiée sur la plateforme de réflexion et d’analyse américaine «The Jerusalem Strategic Tribune», Ahmed Charaï estime que la stratégie adoptée par les dirigeants occidentaux dans le conflit ukrainien favorise davantage l’émergence d’un désordre mondial. L’éditorialiste fustige le réflexe de vouloir condamner systématiquement les nations qui se sont abstenues de voter contre la Russie. «Les États-unis doivent chercher à comprendre pourquoi ces nations ont pensé que s’abstenir de voter était leur meilleure option» a-t-il souligné.

«Dans le siège emblématique de l’ONU à New York, le monde a voté au sujet de la plus grande invasion de la Russie depuis la Seconde Guerre mondiale – révélant les fractures et les fissures du soutien mondial à la démocratie», ainsi qa entamé Ahmed Charaï sa tribune publiée sur le journal américain «The Jerusalem Strategic Tribune», pour laquelle il a choisi le titre : «Nouveau désordre mondial : Ce que le vote de l’ONU sur la Russie révèle réellement sur la politique mondiale».

La suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies était techniquement la question soumise aux délégués. Mais chaque diplomate savait qu’il s’agissait en réalité d’un vote contre l’agression russe en Ukraine, nuance l’éditorialiste.

M. Charaï affirme que le résultat du vote a révélé la fragilité du consensus en faveur de la démocratie et de l’autodétermination. Car seuls 93 États (sur 193) ont voté en faveur du retrait de la Russie du comité des droits de l’homme, et donc de la condamnation de ses actions contre son voisin plus petit et plus faible

«Vingt-quatre autres pays (dont la Chine) ont voté en faveur de la Russie», précise-il. Et d’ajouter : «Plus inquiétant encore, 58 pays se sont abstenus, refusant de prendre parti dans ce que beaucoup considèrent comme un duel entre les grandes puissances».

M. Charaï souligne que le reste des pays craignent que les prix de l’énergie, des denrées alimentaires et des engrais ne continuent à grimper si le conflit s’intensifie. La Russie et l’Ukraine étant d’importants producteurs de pétrole, de gaz, de blé et de fertilisants, des produits vitaux pour les pays en développement.

«C’est une question de vie ou de mort. La peur et la nourriture sont plus importantes pour de nombreux pays en développement que les idéaux démocratiques», insiste l’éditorialiste, avant de faire le constat suivant : «Les décideurs américains et européens devront faire face à une dure vérité : si la Russie est isolée sur le plan diplomatique, elle n’est pas totalement seule, et de nombreux pays ne sont pas du côté de l’Ukraine et de ses espoirs démocratiques».

M. Charaï, souligne le fait que ce n’est pas par ignorance que les délégués de l’ONU se sont abstenus, mais que les grands idéaux et le désespoir des ukrainiens n’ont rien pu faire face la dure réalité économique et politique de ces pays.

«La vue depuis les décombres de la banlieue de Kiev n’est pas pleine d’espoir. Les dirigeants démocratiquement élus de l’Ukraine savent qu’ils peuvent être capturés, blessés ou tués. Et ils savent aussi que l’histoire des sanctions, l’arme de prédilection de la coalition occidentale, montre qu’elles échouent presque toujours à dompter les envahisseurs. Tous ces faits étaient connus des délégués de l’ONU. En effet, ils les auraient entendus directement de la bouche des diplomates ukrainiens. Mais les grands idéaux et le désespoir réel ne les ont pas fait bouger», constate-t-il.

Les raisons pour lesquelles 100 nations ont décidé de ne pas soutenir l’Ukraine lors du vote des Nations unies

Ahmed Charaï a regroupé les 100 nations qui ont décidé de ne pas soutenir l’Ukraine lors du vote des Nations unies en cinq groupes : 1) Afrique; 2) Amérique latine; 3) Chine; 4) Inde; 5) Pays arabes et Israël.

Pour chaque groupe, l’éditorialiste a apporté avec précision les considérations endogènes et exogènes qui ont poussé à cette prise de distance vis-à-vis le conflit ukrainien.

1. Afrique

En Afrique, la Russie a noué des relations de longue date avec la Libye, la République démocratique du Congo et le Mali, et déploie souvent un schéma postcolonial, qui suggère que la Russie soutient les nations indépendantes et émergentes par rapport à leurs anciens colonisateurs. Cette ligne rhétorique est une continuation du thème promu à l’époque de l’Union soviétique, en particulier à partir des années 1950.

2. Amérique latine

En Amérique latine, une forme d’antiaméricanisme parmi les classes instruites s’est traduite par une réticence à critiquer ouvertement Poutine. Ce phénomène est amplifié par les messages propagés ouvertement par Cuba et le Venezuela.

3. Chine

L’abstention initiale de la Chine est davantage perçue comme un signe d’embarras face aux visées belliqueuses de son partenaire russe, que comme une preuve de son intérêt pour un rapprochement avec l’Occident.

Dans les capitales occidentales, beaucoup veulent croire que Pékin a tout intérêt à ce que le cessez-le-feu intervienne rapidement, afin de ne pas entraver sa croissance économique. En réalité, la Chine ne voit aucune raison de mettre en colère la Russie, un important fournisseur de pétrole, de gaz et de charbon, d’autant plus que les nations occidentales découragent la production des combustibles fossiles dont la Chine a précisément besoin. Les cercles d’élaboration des politiques à Pékin ne sont pas peuplés d’idéalistes, et ses décisions sont invariablement intéressées et pragmatiques.

4. Inde

L’Inde, pour sa part, est un allié de longue date de la Russie, l’un de ses principaux fournisseurs d’armes. New Delhi estime qu’elle aura besoin de ces armes face au renforcement militaire chinois dans la région, ainsi que face aux problèmes non résolus avec le Pakistan.

5. Pays arabes & Israël

Les nations arabes n’ont pas l’intention d’abandonner leurs relations avec la Russie, qui s’est imposée comme une force avec laquelle il faut compter lorsqu’elle a sauvé le président syrien Bachar el-Assad par son intervention militaire, ni avec la Chine, le plus gros acheteur de pétrole et de gaz de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.

En effet, les dirigeants arabes sont mécontents de l’administration Biden pour son retrait précipité d’Afghanistan l’année dernière, ses négociations en cours avec le régime menaçant de l’Iran, et son laxisme face aux attaques terroristes et aux tirs de roquettes des Houthis au Yémen. Pour la première fois, les dirigeants arabes s’interrogent, publiquement, sur la viabilité du système politique américain et sur la cohérence de la politique étrangère américaine.

Sur le dossier nucléaire iranien, Israël, l’un des plus fermes alliés des Etats-Unis dans la région, craint que l’administration Biden ne veuille à tout prix conclure un accord avec le régime iranien sans tenir compte de l’impact possible sur l’agression régionale de Téhéran. Le ministre israélien de la défense a même appelé à la mise en place d’un «plan B solide» pour faire face au programme nucléaire iranien.

En conséquence, ni les Arabes ni les Israéliens n’étaient enthousiastes à l’idée de soutenir les États-Unis à l’ONU – même s’ils ont fini par s’aligner.

Pour la première fois, les dirigeants arabes s’interrogent, publiquement, sur la viabilité du système politique américain et sur la cohérence de la politique étrangère américaine.

Ahmed Charaï , The Jerusalem Strategic Tribune

Érosion de la défense de l’ordre mondial

Faute de pouvoir s’en prendre à l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, les pays occidentaux ont déportés les votes en Assemblée générale. Deux scrutins sans conséquence pratique sur la Russie ont pourtant révélé la fragilité de l’unité de l’ONU. Une fragilité à laquelle s’ajoute un autre constat qu’Ahmed Charaï a pointé du doigt : l’érosion de l’engagement des États-unis à défendre, maintenir et faire progresser l’ordre international .

«Ce qui s’érode depuis quelques années, c’est l’engagement des dirigeants américains à défendre, maintenir et faire progresser un ordre international dans lequel les États observent des règles et des normes communes, adoptent des systèmes économiques libéraux, renoncent aux conquêtes territoriales, respectent la souveraineté des gouvernements nationaux et adoptent des réformes démocratiques» a-t-il souligné.

Dans l’environnement mondial de plus en plus complexe d’aujourd’hui, poursuit le Directeur de publication, les États-Unis ne peuvent atteindre leurs objectifs qu’en «tirant parti de leur force grâce à une politique étrangère cohérente qui répond aux défis posés par la Russie et la Chine». Pour ce faire, les États-Unis doivent délibérément renforcer et cultiver des relations productives avec leurs alliés, partenaires et autres nations ayant des intérêts communs.

Dans son analyse M. Charaï, s’attarde sur le cas de la Chine, que Biden a érigé en priorité de son administration et que tous les observateurs s’accordent à dire qu’il s’agit du plus grand défi du siècle pour les américains. L’éditorialiste appelle à un dialogue stratégique constructif et à l’étude d’alternatives à l’influence de la Chine dans l’indo-pacifique.

«Les États-Unis doivent proposer des alternatives politiques, économiques et sécuritaires attrayantes à l’influence de la Chine dans la région indo-pacifique, en Afrique et au-delà. Parallèlement, Washington doit maintenir un dialogue stratégique productif avec Pékin, en communiquant clairement les préoccupations américaines et en s’efforçant de comprendre les intérêts et les objectifs chinois.» recommande-t-il.

Les États-unis doivent revoir leur copie

Les principes universels doivent être combinés à la réalité des perspectives des autres régions. Les dirigeants occidentaux doivent reconnaître que les dirigeants non occidentaux ne vivent pas seulement dans un autre endroit, mais qu’ils viennent d’un autre endroit intellectuellement, affirme M. Charaï.

Pour conforter ses propos, l’éditorialiste cite une déclaration de l’ancien ministre des Affaires étrangères américain Henry Kissinger qui s’était exprimé avec franchise à l’intention de Barack Obama, dans un billet publié sur les colonnes du Wall Street Journal en 2014, la veille d’un voyage de l’ancien président américain pour l’Europe.

Kissinger a écrit : « De vastes régions du monde n’ont jamais partagé la conception occidentale de cet ordre ( ordre mondial, ndlr) et n’y ont seulement consenti. Ces réserves deviennent à présent explicites, par exemple, dans la crise en Ukraine et le sud de la Mer de Chine. L’ordre établi et proclamé par l’Ouest [après la Seconde Guerre mondiale] se trouve à un tournant [.] La célébration des principes universels ont besoin d’aller de paire avec la reconnaissance de la réalité des histoires et des cultures des autres régions, ainsi que leurs points de vue en matière de sécurité».

Le vote de l’ONU a montré que les principes universels ne sont pas encore tout à fait universels. Plutôt que de condamner les nations qui se sont abstenues de voter contre la Russie, l’Amérique doit chercher à comprendre pourquoi elles ont pensé que s’abstenir de voter était leur meilleure option. Ensuite, l’Amérique doit indiquer clairement qu’elle soutient toujours l’État de droit et l’idéal de la démocratie et de blinder ses idéaux, conclut Ahmed Charaï sa tribune.


M. Ahmed Charai est le président-directeur général d’un groupe de médias et conseiller pour le Moyen-Orient aux États-Unis et à l’étranger. Il siège au conseil d’administration de nombreux groupes de réflexion et ONG, dont Atlantic Council, the International Center for Journalists, International Crisis Group, et le Jerusalem Institute for Strategy and Security. Ses articles sont parus dans des publications américaines et israéliennes de premier plan.

The Jerusalem Strategic Tribune (JST) est une plateforme de réflexion et d’analyse américaine co-fondée par Ahmed Charai en Aout 2021. Une plateforme qui se veut cosmopolite et et inclusive. Son conseil d’administration réuni républicains et démocrates américains, gauche et droite israélienne se côtoient aussi bien dans le conseil d’administration.

JST se veut une plateforme médiatique ouverte au grand public pouvant permettant la compréhension des relations américano-israéliennes.

JST parvient à attirer des contributeurs prestigieux à l’image de l’ancien Conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Yaakov Amidror ; les anciens Sous-Secrétaires d’Etat américains à la Défense, Dov Zakheim et John Hamre ; l’ancien conseiller d’Obama sur les questions chinoises, Ryan Hass ; l’ancien directeur général du ministère singapourien des Affaires étrangères, Bilahari Kausikan…

Édito évènement de Khalil Hachimi Idrissi : «la guerre d’Ukraine est l’expression crue de l’incapacité de l’Occident à inclure la Russie dans leur schéma sécuritaire»

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C’est la première fois depuis l’invasion russe en Ukraine, qu’un officiel explique en toute clarté la position du Royaume vis-à-vis ce conflit. C’est Khalil Hachimi Idrissi, patron de l’agence de presse nationale, qui s’est prêté à l’exercice dans un édito paru sur son mensuel «BAB». Sans détour, l’éditorialiste se prononce pour le dialogue. Une négociation globale et sérieuse qui inclurait entre autres la neutralité de l’Ukraine et l’étude de «l’autonomie de toutes les minorités». Et tout en prenant le soin de ne pas reprendre les mêmes mots du président français, Emmanuel Macron, Hachimi Idrissi qualifie l’OTAN d’«organisation d’un autre âge, voire quasi obsolète». Rien que ça!

Tous ceux qui connaissent Khalil Hachimi Idrissi savent pertinemment, que l’homme dispose d’une bonne maitrise de sa plume et de ses mots. Quand il s’agit du stratégique, il sait quoi écrire, comment et quand.

Connaissant l’impact du papier, KHI a choisi de prendre la parole au sujet du conflit en Ukraine sur son mensuel BAB, distribué à toutes les chancelleries et aux sièges de tous les décideurs politiques et économiques du pays. Le moment est grave, la situation est confuse et les mots et le ton de l’éditorialiste ne manqueront pas de solennité et de clarté.

Hachimi Idrissi fait le choix d’un tire consensuel : «Une paix immédiate». D’emblée, il ne veut pas éliminer les réfractaires des deux camps belligérants et de leurs «fans» respectifs. Puis, il décide de ce mouiller en se prononçant au nom de la position marocaine. «La seule solution possible au conflit ukrainien est comme la position marocaine l’a signifié par deux fois, dans la clarté, est dans le dialogue, la diplomatie, la négociation et le respect de l’intégrité territoriale des nations», a-t-il souligné.

Ensuite, avant d’attaquer le plat de résistance, il fait valoir l’horreur de la guerre, devenue malheureusement un contenu de propagande entre les mains de l’occident alimentant davantage les démons de la violence.

«Cette guerre doit s’arrêter impérativement. Trop de victimes innocentes. Trop de réfugiés. Trop de malheur. Trop de souffrance. Et trop de violence illégitime contre des civils démunis», s’est-il ému.

Ecouter les minorités du Donbass et considérer les besoins de sécurité de Poutine

Alors que Joe Biden et son administration s’acharnent à vouloir imposer une fragilité sécuritaire à la Russie en ne laissant aucun choix aux pays européens, Khalil Hachimi Idrissi s’y inscrit en faux en appelant à un dialogue ouvert aux doléances de Poutine pour éviter le danger d’une troisième guerre mondiale.

«Si le chemin de la paix immédiate passe par une meilleure prise en considération des besoins de sécurité de la Russie par les Européens et l’OTAN, il faut passer par là» a-t-il souligné. Et d’ajouter «Si le chemin de la paix immédiate passe par une neutralité – à inventer – de l’Ukraine dans ses frontières intègres et reconnues, il faut passer par là». Il s’agit de l’une des demandes qu’exige le président russe pour mettre la fin à son «opération spéciale».

«Si les chemins de la paix immédiate passent par un meilleur respect des droits culturels. Une autonomie, de toutes les minorités, il faut, aussi, passer par là», insiste-t-il en faisant allusion à l’autonomie des minorités du Donbass pro-russe, Donetsk et Louhansk.

Il faut se mettre autour d’une table et démarrer une vraie négociation globale et sérieuse sur la sécurité des uns et des autres qui éloignerait le danger d’une troisième guerre mondiale et le spectre d’un affrontement nucléaire généralisé, poursuit-il.

La mort cérébrale de l’OTAN

Par ailleurs, Khalil Hachimi Idrissi pointe du doigt l’impuissance de l’Union européenne à se mettre d’accord sur une politique de défense commune indépendante du diktat de l’OTAN qui inclurait la Russie.

«La guerre d’Ukraine est l’expression crue de l’incapacité des Occidentaux à trouver un nouveau paradigme sécuritaire en Europe qui inclurait la Russie et la rassurerait sur sa sécurité nationale», a-t-il affirmé.

Bien au contraire, explique-t-il, l’OTAN – une organisation d’un autre âge, voire quasi obsolète – a continué à justifier son existence en empêchant le Vieux Continent de se doter d’une défense indépendante, efficiente et autonome, et en antagonisant la Russie en absorbant avec gourmandise presque tous les ex-pays satellites de l’URSS.

L’Ukraine le «proxy» des «vrais» protagonistes

Khalil Hachimi Idrissi ne va pas y aller de main morte pour décrire les postures des occidentaux dans le conflit ukrainien.

«Ce qui devait arriver arriva. De reniements en impostures, de coups tordus en coups de Jarnac, l’Ours russe, quand il a repris quelques forces, s’est rebiffé», estime-t-il.

Pour le patron de la MAP, les européens sont des procrastinateurs chroniques, lents, hésitants et tatoueurs. L’OTAN quand à elle fanfaronne , bluffe et vantardise, tandis que à Joe Biden, il ne fait que pétitionner.

Dans sa lancée, Khalil Hachimi Idrissi fait allusion, à demi-mot, sur le fait que l’Europe n’est finalement que le terrain de guerre entre les «véritables» protagonistes : l’alliance anglo-saxonne et l’héritier de l’URSS.

«Si rien ne justifie l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ni les atermoiements de l’Europe, ni les rodomontades de l’OTAN, ni les pétitions de principes de l’Américain Joe Biden, cette guerre, dont les vrais protagonistes utilisent un «proxie» – l’Ukraine en l’occurrence – pour en découdre, est condamnable, comme toute guerre par ailleurs», soutient-il.

Se battre jusqu’au dernier Ukrainien vivant

La folle escalade soutenue par l’alliance anglo-saxonne et porté par l’homme de spectacle, Volodymyr Zelensky, fait fi de l’avenir de l’Ukraine et de la vie des ukrainiens. L’opinion occidentale quand a elle se planque derrières TikTok, Instagram et Twitter sans aucune conscience des horreurs de la guerre dont la responsabilité est autant partagée entre les russes et les européens.

«Personne en Occident n’est capable de mourir pour les Ukrainiens. Ou plutôt, ils sont prêts à se battre jusqu’au dernier Ukrainien vivant. Mais cela ne le fait pas, comme on dit aujourd’hui», fait observer l’éditorialiste, assurant que «personne ne veut la destruction totale de ce pays et l’épuration cynique et criminelle de ses citoyens».

Pour M. Hachimi Idrissi, «tout le monde sait qu’une victoire russe serait fatalement une victoire à la Pyrrhus. Dramatique et dérisoire».

Ukraine, Sahara et Droits de l’homme : Wendy Sherman la «Renarde Argentée» confronte Nasser Bourita le «Lion de l’Atlas»

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Wendy Sherman, alias «Silver Fox» (la renarde argentée), l’une des diplomates les plus puissantes du monde a rencontré ce mardi à Rabat le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita. Notre «Lion de l’Atlas» le bien nommé, savait que l’administration Biden a envoyé son négociateur le plus expérimenté pour démêler la position de neutralité assumée de Rabat au sujet de la crise en Ukraine. La «confrontation» s’est couronnée par un communiqué conjoint davantage favorable au Maroc. Sherman a imposé la question des droits de l’homme en haut du pavé et Bourita a arraché pour sa part, le rappel de la déclaration tripartite incluant Israël, signée le 22 décembre 2020. Le «Lion de l’Atlas» arrive même à reléguer la question ukrainienne à la toute dernière place, bien après celle du Sahel et de la Libye.

Wendy Sherman, 72 ans, est la deuxième diplomate d’importance des États-Unis. Son voyage au Maroc est considéré comme la visite officielle du plus haut niveau effectuée par un responsable américain à Rabat depuis plusieurs mois.

Connue à Washington pour ses manières acerbes, Mme. Sherman a traité à plusieurs reprises des sujets des plus difficiles. La diplomate a habilement géré des situations de crise pendant trois décennies. Elle a conclu des accords avec la Corée du Nord pendant l’ère Bill Clinton, et a dirigé les négociations nucléaires avec l’Iran sous la présidence de Barack Obama en 2011.

Surnommée la «Silver Fox» – Renarde Argentée-, en raison de sa chevelure grise acier et de sa capacité à arracher des concessions, Wendy Sherman a contribué à la conclusion d’un accord nucléaire historique en 2015 entre Téhéran et les États membres du P5 + 1, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine, la Russie et l’Allemagne.

Et c’est elle que Joe Biden a chargé en janvier 2022 pour négocier avec les Russes dans l’objectif de dissuader Poutine de ne pas envahir l’Ukraine.

La «Renarde Argentée» : le Joker de la diplomatie américaine

Le surnom de Wendy Sherman lui vient des Iraniens avec qui elle a passé de longues heures de négociations. Ils ont commencé à l’appeler «la Renarde» en raison de son approche malicieuse durant les pourparlers.

Son teint pâle, ses cheveux gris acier coupés en brosse et son allure toujours soignée en dépit de la nature exténuante des négociations, ont fini par convaincre ses collègues du département d’État américain d’adopter le surnom des iraniens auquel ils ont ajouté «Argentée». Ils étaient tellement fascinée par elle qu’ils ont commencé à porter durant les réunions de négociation des tee-shirts sur lesquels était marqué le qualificatif : «Silver Fox».

«Ses collègues l’observent avec admiration, et parfois avec un peu de crainte, lorsqu’elle s’engage dans les discussions internationales», écrit la BBC.

«Elle est rapide et très intense », affirme l’ancien ambassadeur des États-Unis en Turquie, James Jeffrey.

La carrière de diplomate de Wendy Sherman n’était pas par choix. Au tout début de sa carrière professionnelle, elle a été militante, travaillant comme assistante sociale à Baltimore, oeuvrant à rendre les logements abordables aux moins aisés.

Quelques années plus tard, la secrétaire d’État Hilary Clinton, avec l’accord du président Barack Obama, l’a nomme sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste.

Ce parcours, combiné à sa forte implication dans le processus de négociation de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran, a fait d’elle l’objet d’une forte suspicion de la part des républicains. Toutefois, son expérience et son sang-froid les ont suffisamment convaincu pour qu’elle soit confirmée par le Sénat au poste de secrétaire d’État adjointe, par 56 voix contre 42.

La «Silver Fox» face au «Lion de l’Atlas» : un combat sérré

Nasser Bourita peut désormais se targuer d’avoir eu affaire dans sa carrière de diplomate et dans un contexte de guerre mondiale à une légende : Wendy Sherman, la négociatrice américaine inflexible et sans état d’âme.

Le Chef de la diplomatie marocaine savait à quoi s’attendre mais contrairement aux apparences, il était loin d’être dans une position de faiblesse.

En effet, L’invasion de l’Ukraine par la Russie a apporté une certaine clarté aux réalignements régionaux et aux partenariats stratégiques en Afrique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient.

La crise a en effet révélé au grand jour, l’évolution intéressante des relations entre les États-Unis, d’une part, et le Maroc, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël d’autre part.

«Après quatorze jours d’affrontements militaires en Ukraine, une chose est devenue claire : les partenaires de Washington en Afrique du Nord et au Moyen-Orient sont de plus en plus confiants dans leur volonté d’adopter une ligne de conduite indépendante, sans lien avec Washington – et sans doute en la défiant – et en coordination les uns avec les autres» affirme le politologue Thanassis Cambanis.

Cette divergence s’est manifestée surtout par le refus des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole Plus, OPEP+, d’augmenter rapidement leur production de pétrole dans un contexte de hausse des prix des carburants, malgré la pression exercée par l’administration sur l’Arabie saoudite. Ce grand pays arabe, premier producteur de pétrole dans le monde va faire encore mieux. Son dirigeant de facto Mohammed ben Salmane ira jusqu’à explicitement menacer de réduire les investissements de son pays aux États-unis au profit de la Chine.

Depuis son élection, Joe Biden a tout fait pour mettre sur la touche les princes héritiers MBS et MBZ. En contrepartie il n’a cessé de valoriser l’émir du Qatar en lui confiant la gestion du dossier des Talibans puis en le consacrant du statut d’«Allié majeur de l’OTAN». Le président américain l’a aussi désigné comme «backup» officiel de l’approvisionnement du gaz pour l’Europe en cas de guerre en Ukraine.

La même divergence s’est également manifestée par un double refus d’Israël de demandes persistantes de la Maison Blanche. Le premier refus a concerné le soutien du projet de résolution américain contre la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU. Le second est le refus catégorique de Tel Aviv de l’envoi des batteries du système de défense «Dôme de Fer» en Ukraine. Une décision justifiée par la crainte que ce transfert ne nuise aux relations d’Israël avec la Russie.

Il est à rappeler que les Russes d’Israël forment la plus grande communauté juive du pays, soit plus de 25% de la population.

Le Pakistan a brillé davantage dans sa défiance à Joe Biden avec la visite officielle qu’a entrepris au Kremlin son premier ministre Imran Khan, le jour même de l’invasion de l’Ukraine. Khan a rencontré simultanément, Vladimir Poutine et le leader tchétchène Ramzan Kadyrov.

Enfin, plusieurs États de la région y compris le Maroc se sont abstenus de voter la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’invasion russe, au grand dam de la Maison Blanche.

En parallèle de cette résistance contre le diktat américain, l’Arabie saoudite a voté en faveur de la résolution de l’ONU condamnant l’invasion russe, tandis qu’Israël s’est impliqué fortement dans un rôle de médiation entre l’Ukraine et la Russie. Au point que le très pratiquant Naftali Bennett a dû transgresser Shabbat pour s’envoler secrètement à Moscou, où il a passé trois heures avec Poutine, sans prendre l’avis des États-unis.

Ces démarches d’apparence incohérentes, soulignent le fait que les gouvernements du Moyen-Orient ne se considèrent plus comme des partenaires subalternes des États-Unis et ne se sentent plus obligés, comme ils l’ont peut-être fait par le passé, de suivre les directives de Washington dans une crise majeure de sécurité internationale.

L’indépendance d’Israël en matière de politique étrangère devenait palpable durant les dernières années de Benjamin Netanyahu. Par contre, la position du Maroc et certains membres du CCG par rapport à la guerre en Ukraine est un fait tout à fait nouveau. Cela suggère l’émergence d’un nouveau niveau de confiance et d’autonomie par rapport aux États-Unis, en dépit du fait que Washington reste la garante de la sécurité de la région.

La posture de ces pays est d’ailleurs compréhensible, compte tenu de la décision des administrations américaines, depuis Obama de se retirer du Moyen-Orient. Du coup, le Maroc, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël ont intérêt à maintenir de bonnes relations diplomatiques, économiques et militaires avec la Russie.

Rabat, à l’image de ses alliés dans la région ne cherche par à abandonner complètement les liens avec Washington, mais plutôt de les équilibrer en nouant des relations solides avec d’autres puissances qui exercent une influence considérable sur les questions économiques et de sécurité régionales, comme la Russie, mais aussi la Chine. Deux pays qui ont d’ailleurs massivement investi en présence économique et militaire en Afrique subsaharienne, prolongement naturel du Royaume.

A la lumière de ces éléments, on cerne mieux les raisons qui ont poussé l’administration américaine, qui refuse de nommer un ambassadeur au Maroc depuis le départ de Dwight Bush en 2017, à dépêcher une diplomate de la trempe de Wendy Sherman.

Trois communiqués, trois nuances !

Si le cadre officiel de la rencontre entre notre «Lion de l’Atlas» et la «Renarde Argentée» est le «Dialogue stratégique Maroc-USA», la déclaration du porte-parole du département d’Etat américain Ned Price nous fait prendre conscience que la machine diplomatique américaine n’a qu’une seule urgence en ce moment : «l’Ukraine».

Dans son point de presse qui a suivi la rencontre entre les diplomates des deux pays, Ned Price a hiérarchisé les points discutés entre les deux parties en fonction des priorités de son ministère :

  1. Les moyens de renforcer davantage les relations bilatérales de longue date entre les États-Unis et le Maroc, y compris les intérêts communs en matière de paix, de sécurité et de prospérité régionales;
  2. Les développements internationaux, y compris «la guerre préméditée, non provoquée et injustifiée» de Poutine contre l’Ukraine;
  3. Le ferme soutien des deux parties à l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, Staffan de Mistura, qui cherche à redynamiser le processus politique pour le «Sahara occidental», dirigé par les Nations Unies;
  4. Le plan d’autonomie du Maroc est considéré comme sérieux, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du «peuple du Sahara occidental»;
  5. L’importance de la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression, en s’appuyant sur le dialogue productif entre les États-Unis et le Maroc sur les droits de l’homme de septembre 2021.

Notons que sur le communiqué conjoint approuvé par Bourita et Sherman, «la guerre en Ukraine» n’était cité qu’en fin du document et le qualificatif «la guerre préméditée, non provoquée et injustifiée» n’y figurait pas du tout.

De plus, l’appellation «Sahara Occidentale» que Price a répété deux fois, elle n’a été cité qu’une seule fois dans la version en anglais du communiqué, publié aussi bien sur le site du département d’Etat américain que celui du ministère des affaires étrangères marocain.

Sur les versions française et arabe du communiqué, l’appellation «Sahara Occidentale» y est absente et la précision «consacrant la reconnaissance américaine de la pleine souveraineté du Royaume sur son Sahara» a été ajoutée dans le paragraphe réservé au rappel de l’accord tripartite avec Israël.

Opération de charme de la «Silver Fox»

Faisant honneur à sa réputation de consacrer une attention méticuleuse aux détails, la «Silver Fox» a bien préparé son voyage au Maroc. Son arrivée, coïncidant avec la journée internationale de la femme, elle charge l’ambassade au Maroc de lui trouver une occasion de prise de parole sur le sujet.

David Green, Chargé d’Affaires à la mission diplomatique, sponsorise un évènement de l’Association des Femmes chefs d’Entreprises du Maroc, AFEM, célébrant la journée du 8 mars. Mme Sherman en sera l’invitée d’honneur.

Arrivée à la conférence au Hyatt Regency vers 17h30, Wendy Ruth Sherman a été accueillie par la Ministre de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille Awatif Hayar, puis s’est fondue dans la masse des invités en toute simplicité et sans un dispositif protocolaire lourd.

Assise entre David Green et de Leila Doukali, présidente de l’AFEM, M. Sherman a patiemment écouté le discours «plat» de Mme Hayar avant de monter sur scène.

Après avoir constaté l’absence de la première maire femme de la ville de Casablanca, Nabila Rmili (occupée au Lycée français Lyautey), la «Silver Fox» entame son allocution par l’inévitable sujet :«l’Ukraine». Les éléments de langage sont verrouillés et pour le storytelling elle n’avait qu’à répéter celui d’Antony Blinken prononcé le jour même en Estonie.

«Je veux me faire l’écho de ce que le secrétaire d’État Tony Blinken a dit plus tôt dans la journée en Estonie, à savoir qu’en cette Journée internationale de la femme, j’ai pour ma part, et je suis sûr que vous tous, une pensée pour les femmes d’Ukraine», a-t-elle dit.

Plus de 1,7 million d’Ukrainiens, poursuit-elle, principalement des femmes et des enfants, ont fui la guerre que Vladimir Poutine a déclenchée dans leur pays, laissant souvent leurs maris derrière eux pour combattre.

Puis elle enfonce le clou : «Les femmes ukrainiennes accouchent dans des stations de métro transformées en abris anti-bombes. Elles s’occupent d’enfants atteints de cancer dans les sous-sols d’hôpitaux pour se protéger des missiles. Elles prennent les armes aux côtés des hommes ukrainiens pour lutter pour leur démocratie et défendre leur patrie. Les femmes d’Ukraine, comme vous toutes, incarnent la force, la résilience et le courage intrépide des femmes du monde entier – et nos cœurs sont avec elles aujourd’hui et chaque jour».

Maniant le bâton et la carotte, Wendy Sherman ne va pas se montrer tendre avec la situation de la femme marocaine dans la vie active, avant de proposer l’aide de son pays.

«(…) Cependant, malgré ces progrès (la Moudawana, constitution 2011, législation contre la violence envers la femme, ndlr), le pourcentage de femmes marocaines dans la population active reste assez faible, l’un des plus bas au monde – et il est en fait plus bas qu’il y a vingt ans» a-t-elle souligné.

La responsable américaine s’appuiera sur les recommandations du NMD pour annoncer l’engagement de son pays à accompagner le Maroc dans ses objectifs d’autonomisation des femmes.

«Le Nouveau modèle de développement du Maroc – une priorité du roi Mohammed VI – a placé l’augmentation de la participation des femmes à l’économie au premier plan de la stratégie de croissance économique du Maroc. Les États-Unis veulent aider le Maroc à atteindre son objectif de porter la participation des femmes à la main-d’œuvre à 45 % en 2035, contre 22 % aujourd’hui. Nous sommes fiers d’être un partenaire du Maroc et des femmes marocaines en faisant progresser les opportunités économiques des femmes et en soutenant les femmes entrepreneurs, notamment par le biais du programme POWER du Département d’Etat». a-t-elle déclaré.

Un proche de Wendy Ruth Sherman l’a décrite sur les colonnes du Time, comme suit : «La rationalité règne dans le monde de Wendy Sherman. La secrétaire d’État adjointe examine le terrain et les acteurs, pèse le bâton et la carotte, les compromis et les conséquences, puis fait le meilleur choix dans son propre intérêt. Le sentimentalisme et la nostalgie ne sont pas pour elle».

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