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Francesco Petronella

Francesco Petronella est écrivain, journaliste et blogueur italien. Il est spécialiste du monde arabe.

Vers une Afrique unie : la première étape pour un marché commun

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Dans l’indifférence patente de l’opinion publique occidentale, le continent africain a placé un jalon fondamental dans son histoire contemporaine. 44 des 55 Etats membres de l’Union africaine ont signé un protocole d’accord sur l’établissement d’un marché unique africain exempt de barrières tarifaires.

L’initiative vise à éliminer les droits sur 90% des biens échangés entre les États africains, en vue de de passer de 6% actuellement à zéro à terme. L’accord a été scellé lors d’un sommet extraordinaire tenu à Kigali, la capitale du Rwanda.

Comme l’a souligné Lorenzo Simoncelli, correspondant du quotidien italien La Stampa, basé dans la ville portuaire sud africaine le Cap, l’accord représente «une tentative pour revitaliser un marché intra-africain qui n’a jamais pu décoller en raison de tarifs trop élevés, l’insuffisance des infrastructures et de la bureaucratie excessive aux frontières nationales. » Lire ici

Rome compte allouer 100 millions d’euros pour sa mission au Niger

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La ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, a déclaré que son pays comptait accorder un budget de 100 millions d’euros à son opération en cours au Niger en vue de gérer le flux des migrants et d’accompagner Niamey dans la lutte anti-terroriste. L’Italie, qui compte ainsi redéployer ses forces en Irak et en Afghanistan vers une plus grande présence au sud de la Méditerranée, maintient toujours des unités au Kosovo, au Liban et en Syrie.

Dans une communication conjointe au Sénat et la Chambre des représentants, la ministre Roberta Pinotti a précisé que le contingent italien au Niger, qui comptera à terme, quelque 470 éléments de l’Esercito italiano, devra porter assistance à ce pays fragile du Sahel qui accueille 150 000 réfugiés.

Roberta Pinotti, qui s’exprimait devant les Commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat et de la Chambre réunies conjointement, a exposé le rapport du gouvernement italien sur les progrès des différentes missions italiennes à l’international et exprimé le besoin d’une enveloppe de 100 millions d’euros pour mener à bien l’opération de stabilisation au Niger.

C’est en novembre dernier que Rome et Niamey s’étaient mis d’accord pour l’envoi de cette mission militaire.
Pour rappel, le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni avait, lors de sa conférence de presse de fin d’année, fait part de l’intention de son pays d’envoyer une mission militaire au Niger en vue de contribuer à la formation des forces de sécurité de ce pays dans la lutte anti-terroriste et contre l’immigration illégale pour parer à la situation très précaire en Libye. Surtout que les combats qui ont éclaté lundi dans le secteur de l’aéroport de Mitiga près de Tripoli, à la suite de l’attaque d’un groupe armé, ont entraîné la suspension sine die de tous les vols dans le pays.

Paris en concurrence avec Rome

De son côté, la France a convoqué pour aujourd’hui une réunion des ministres de la Défense et des chefs d’état-major des armées des cinq pays de la région du G5 Sahel en vue de la construction d’une force conjointe, et ce en présence de huit pays contributeurs, de l’ONU, de l’Union africaine, et de l’Union européenne, et ce en préparation de la Conférence des donateurs qui aura lieu à Bruxelles le 23 février prochain.

En décembre dernier, le président français, Emmanuel Macron, avait réussi à obtenir de l’Arabie saoudite une contribution de 100 millions d’euros et 30 millions d’euros des Emirats arabes unis en faveur de la future force conjointe antiterroriste du G5 Sahel.

Le Niger convoité par les puissances mondiales

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Lors de sa conférence de presse de fin d’année, le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni, a fait part de l’intention de son pays d’envoyer une mission militaire au Niger. Cette mission, qui s’inscrit dans un cadre d’alliances internationales et européennes claires et pro-atlantistes, comprendra initialement 470 officiers et sous-officiers d’élite de l’Esercito italiano.

La mission militaire italienne au Niger a pour objectif premier de contribuer à la formation des forces de sécurité de ce pays dans la lutte anti-terroriste et contre l’immigration illégale, sachant que traditionnellement les forces italiennes interviennent plus au nord. Mais avec la situation précaire en Libye, il a été procédé au choix de ce redéploiement méridional.

Malgré des statistiques plus ou moins optimistes qui ont conforté une baisse de 30% de débarquements de migrants sur les côtes italiennes en 2017, suite notamment aux opérations de «dissuasion» résultant d’un accord entre le gouvernement italien et certaines milices libyennes, le personnel de l’opération «Sophia» relevant de l’European Union Naval Force Mediterranean, EUNAVFOR Med, ainsi que ceux de l’ONG Proactiva Open Arms et Sos Méditerranée, continuent malheureusement de repêcher des centaines de migrants ; ils étaient au moins 370 uniquement durant la nuit de Noël.

Les accords fragiles entre le gouvernement italien et quelques groupes armés qui contrôlent la rive septentrionale de la Libye arrivent à terme. Et la difficulté à faire face à des acteurs politiques instables, a poussé Rome à explorer la piste d’un nouveau soutien régional, potentiellement plus stable et apte à gérer les fichiers sur la sécurité et sur les migrants de concert avec les services italiens. Candidat idéal, le Niger s’est imposé naturellement pour abriter cette plateforme.

Par le biais de cette mission militaire au Niger, dont le siège prendra ses quartiers au fort de Madama, ancien poste de commandement tripartite franco-tchado-nigérien, l’Italie met ainsi un pied dans une zone sensible qui constitue un véritable carrefour des flux économiques et humains, grâce notamment à son positionnement géographique qui en fait un lieu stratégique du fait des divers trafics qui prolifèrent dans la région. Madama sert aussi de poste frontière pour le contrôle des déplacements entre le Niger et la Libye.

Par cette percée de taille, l’Italie se retrouve dans une zone les chinois et les français sont fortement présents, militairement certes, mais aussi et surtout pour les besoins des mines d’uranium dont le pays regorge. Le Niger, qui dispose également d’un sous-sol riche en or et en pétrole, est connu pour être aussi une sous-plateforme régionale de traite d’êtres humains et de trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest.

Bordé par sept pays, le Niger est aujourd’hui cœur du noyau géopolitique où se jouent les enjeux futurs de l’Afrique. La Chine et la France semblent l’avoir compris il y a bien longtemps. La Russie remue ciel et terre pour faire partie des acteurs qui auront une place de choix dans la reconstruction de la Libye de demain et, par conséquent, avoir une présence de taille dans le continent. L’Italie est désormais là pour avoir aussi sa propre part du gâteau.

Libye : La fin de l’Accord de Skhirat et le retour de Kadhafi

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Le conseil municipal de Misrata, en Libye, a déclaré trois jours de deuil suite à l’assassinat de son maire, Mohamed Eshtewi, par un commando de miliciens armés. L’édile, qui vient de rentrer d’un voyage en Turquie, a été kidnappé à la sortie de l’aéroport. Un porte-parole de l’hôpital local a rapporté qu’un commando de la milice avait encerclé la voiture du maire en tuant son frère Ahmed, puis traîné Mohamed Eshtewi dans un endroit isolé. Après l’avoir criblé de balles, les ravisseurs ont jeté le corps devant une clinique privée de la ville.

La mort tragique du maire de Misrata relève d’une série d’événements inquiétants qui menacent de plonger la Libye dans une crise encore plus grave que celle par laquelle passe le pays depuis déjà sept ans. La mort de Eshtewi, un proche du «chef du gouvernement de Tripoli» Fayez al-Sarraj, risque de fragiliser davantage tout dialogue avec le général Haftar, et place le pays dans une reconfiguration précaire où il sera difficile de trouver un équilibre de pouvoir entre les acteurs politiques libyens.

L’assassinat a eu lieu à un «tournant» de l’histoire de la Libye. En effet, le 17 décembre coïncidait avec le deuxième anniversaire de la signature de l’Accord Skhirat, le document fondamental sur lequel repose le statu quo politique et sécuritaire libyen. Les représentants du gouvernement de Tripoli et le parlement Tobrouk, réunis à Tunis ces derniers mois en vue de modifier l’Accord, ont omis de décrire de manière claire et uniforme, et en temps opportun, ce que sera la Libye de demain, ainsi que son système politique. Néanmoins, la direction libyenne (Tripoli et Tobrouk) a décidé de confirmer l’organisation des élections présidentielles et législatives pour le mois de mars 2018. Pour sa part, le général Khalifa Haftar a clairement annoncé que l’Accord de Skhirat était caduc et que l’armée qu’il dirige «ne répondra aux ordres d’aucun parti à moins d’être élu par le peuple», invitant le peuple libyen à la mobilisation générale.

Avec un Accord de Skhirat obsolète et sans aucune autre plateforme politique viable, la Libye se trouve plongée dans un gouffre dangereux : chacun des acteurs voudrait se positionner comme l’élément indispensable et salvateur dans le dialogue en vue d’une sortie de crise. L’enjeu, en réalité, ne concerne pas seulement les futures élections mais aussi les accords importants, contacts et contrats avec les acteurs internationaux.

La Russie, par exemple, a manifesté un intérêt certain pour la région. Le Kremlin n’a pas seulement maintenu un dialogue ouvert avec le général Haftar à travers les canaux diplomatiques dédiés et via le président égyptien Al-Sisi, mais aussi organisé la médiation dans les négociations entre le gouvernement Serraj et les milices Touareg pour le contrôle de la frontière sud de la Libye.

Un autre acteur avec lequel on devra compter dans le processus politique libyen, c’est l’Italie de Gentiloni et Minniti. Rome, après le récent voyage du général Haftar pour y rencontrer les hauts responsables italiens, a fait le choix stratégique de maintenir des relations stables et équidistantes avec les différents acteurs libyens, notamment ceux qui sont à même de prendre le pouvoir, et ce en vue de : 1) De protéger les intérêts énergétiques italiens, notamment le complexe d’hydrocarbures de Mellitah ; 2) Gérer les flux migratoires ; 3) Protéger l’engagement militaire italien au Niger. L’opération au Sahel ne peut être séparée d’une collaboration opérationnelle en territoire libyen. C’est dans ce contexte là, qu’un accord final devait être signé avec le maire de la troisième plus grande ville de Libye brutalement assassiné.

Mohamed Eshtewi, avec son aura tribale, constituait un vrai rempart contre toute possibilité de retour des Kadhafi au pouvoir. Son absence aujourd’hui laisse désormais le champ libre à Saif al-Islam de rempiler et, pourquoi pas, à terme, venger son père et éventuellement lui succéder.

En effet, le porte-parole de la famille Kadhafi, Basem al-Hashimi al-Soul, a confirmé dans une déclaration au journal égyptien Egypt Today que Saif al-Islam avait l’intention de se présenter aux élections présidentielles prévues en Libye en 2018, en faisant savoir que «le fils de l’ancien dirigeant libyen bénéficie du soutien des principales tribus de Libye.»

Selon Basem al-Hashimi al-Soul, Saif al-Islam, libéré en juin dernier par une milice de la ville de Zintan, «a l’intention d’imposer plus de sécurité et de stabilité dans le pays, en respectant la géographie libyenne et en coordination avec toutes les factions tribales et politiques du pays ».

Quelle que soit la voie politique destinée à sortir le pays de la crise, le peuple libyen, fatigué et épuisé par près de six années de guerre, ne cherche aujourd’hui que la paix. N’ayant pas répondu favorablement à l’appel de mobilisation du général Haftar, beaucoup de gens en revanche ont accueilli avec enthousiasme l’appel du mouvement «Voix du peuple» les invitant à abandonner les multiples drapeaux qui les ont divisés pour en soulever un seul, un drapeau blanc invoquant la coexistence entre tous en vue de surmonter les démons du passé.

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Le texte original de l’article est paru dans internazionale.il24.it
Traduction : www.le1.ma