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Ahmed Charai: Quel monde arabe pour Donald Trump ?

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La radioscopie de la situation géopolitique du monde arabo-musulman à la lumière d’un pseudo-«Printemps Arabe» qui s’est transformé en véritable «automne» après la déliquescence de plusieurs régimes de la région et l’éclatement de conflits dévastateurs, n’est pas chose aisée. Surtout avec l’avènement d’une nouvelle administration américaine dont on ne maîtrise encore pas les réelles visées et encore moins son approche diplomatique, en plus de la renaissance d’un «empire russe» qui se veut un acteur incontournable de l’architecture du nouveau Proche-Orient et l’émergence de groupuscules extrémistes de plus en plus équipés et davantage violents.

Et  «bien que les détails et les contours de la stratégie de Donald Trump ne sont toujours pas figés et en constante mutation», selon Ahmed Charai, membre du Conseil d’Administration de Atlantic Council, prestigieux Think Tank américain basé à Washington, il n’en demeure pas moins que le nouveau président américain tente de combiner une pincée de «pragmatisme» à une volonté ferme de «faire face aux ennemis» et à tous types de menaces.

Pour Ahmed Charai, qui signait une analyse dans le bi-mensuel américain The National Interest, paru lundi, Trump «identifie clairement l’Islam radical comme l’ennemi terroriste qui menace l’Amérique et émane des pays arabes qui ont échoué dans la gestion de leurs «Printemps» et ont versé dans les affres de la guerre civile.»

Donald Trump que le monde apprend à connaître au fil des semaines est peut-être le président américain qui saura trouver le juste équilibre entre les politiques de son prédécesseur, Barack Obama, trop laxiste avec les mouvements extrémistes (d’ailleurs c’est sous son mandat qu’est né le monstre DAECH), et le prédécesseur de ce dernier, Georges W. Bush, trop radical et un tant soit peu éradicateur, les prisons de Bagram et de Guantamo étant les témoins de cette funeste époque.

Pour ce faire, et éviter de succomber à l’obscurantisme ou à la «paralysie de l’analyse», comme sous Obama et son administration d’intellectuels, il y a, selon Ahmed Charai, «un moyen d’aiguiser la stratégie de sécurité nationale que désire poursuivre le [nouveau] président [américain» et ce via un travail pédagogique qui permettrait de mieux cerner le phénomène de l’islamisme radical et cerner ses «de nombreux visages ». Car si le «djihadisme salafiste (…) est une sorte de mélange hybride de la religion et du fascisme», les sociétés musulmanes comptent aussi dans leurs rangs des libéraux qui s’opposent à cette vision obscurantiste et cherchent à voir éclore «une éthique civique transcendante sans contrainte religieuse » en parallèle à un «système de gouvernance pluraliste», autrement dit démocratique.

La menace vient également de l’islamisme politique qui puise son danger dans les idées qu’il véhicule prônant la non-violence mais qui partage le même projet idéologique que l’islamisme extrémiste.

L’inflexion de la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique s’est produite, sans ambages, le 11 septembre 2001, sinistre date d’événements tragiques qui vont bouleverser le monde. Quelques années auparavant, en 1989, Francis Fukuyama, a intitulé un de ses articles ‘The End of History? qui va devenir très célèbre et rencontrer aussi une grande critique. D’aucuns, à l’avènement du 11-Septembre, ont cru à la ‘fin de l’histoire’ prédite par Francis Fukuyama. Le texte, publié à l’époque dans The National Interest, est une analyse inverse de celle que propose aujourd’hui Ahmed Charai, publiée 28 ans plus tard, dans le même journal, et qui propose, un Début de l’Histoire, et non une fin de celle-ci.

Si Georges W. Bush considérait faisant partie de l’Axe du Mal tous ceux qui s’opposaient à sa politique, Obama est demeuré très conciliant avec les mouvements de l’islamisme radical mais (injustement) très critique avec les pays qui avaient engagé des processus de réformes. Et au lieu de les soutenir à procéder leurs mutations institutionnelles, l’administration Démocrate usait du ‘coup de grâce’, à travers son arme fatale préférée : les droits de l’homme.

Sept ans après les dits «Printemps», le bilan est triste.  Si, en Egypte, «le gouvernement des Frères musulmans dirigé par Mohammed Morsi s’est achevé dans une effusion de sang, en Jordanie, le Parlement contrôlé par Frères musulmans qui ont joué un rôle politique majeur depuis des décennies dans le pays, a été dissous», par le Roi Abdallah II sans aucune violence. Alors qu’en Tunisie, le mouvement «Ennahda » qui a remporté les élections législatives après la chute de Benali a été canalisé par une société civile qui a refusé le diktat islamiste. Au Maroc, où le parti de la Justice et du Développement a remporté en 2011 les élections législatives lors d’un scrutin historique, a vu monter au créneau une société civile hostile au projet hégémonique du PJD. Ladite société civile a été réconfortée quand «le Roi qui a gardé sous son autorité les domaines régaliens de la Nation à savoir les Affaires étrangères et les politiques sociales».

Si le Maroc a pu tirer son épingle du jeu, l’Egypte est aujourd’hui au bord de la banqueroute alors que la Jordanie et la Tunisie, naguère très prospères économiquement souffrent d’une sévère récession, se retrouvent au milieu d’un écosystème géographique menacé de guerres civiles.

Grâce à ce constat, le jugement de Ahmed Charai tombe comme un couperet : «Les contrastes entre ces quatre situations (dans quatre pays différents) (dé)montrent pourquoi il est faux de considérer le monde arabe comme étant monolithique.» A chaque pays, on adapte un modèle, à chaque pathologie, un remède.

Si dans certains cas Washington se voit forcée d’intervenir militairement cas de menace réelle et directe de ses intérêts, elle ne peut que passer par la case dialogue et par des incitations économiques au profit des pays qui fournissent des efforts réels de réformes et de maturation institutionnelle.

D’où le rôle fondamental de la nouvelle administration américaine qui est tenue de saisir et de comprendre la différence entre les différents pays de la région et leurs spécificités respectives.

A cet effet, le Maroc a réussi haut la main l’examen de 2011 en adoptant une Constitution dans l’ère du temps. Et toutes les réformes politiques qui ont suivi ont permis une plus large souveraineté populaire exprimée par un réel suffrage universel applaudi par le monde en entier. «Et même avec moins de 20% des voix, le PJD a pu gouverner» remarque Ahmed Charai, qui note que ce dernier été « incapable de former une nouvelle majorité [suite aux élections de 2016), en dépit de cinq mois de négociations avec les différents acteurs politiques, ce qui a bloqué tout le pays » se désole-t-il.

Aujourd’hui qu’une nouvelle personnalité a été chargée de former le gouvernement, prouve que « l’intervention royale a ouvert la voie à une solution au blocage institutionnel» qui sclérosait la scène politique nationale conclut Ahmed Charai.

 

Abdellah EL HATTACH

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