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Les Etats-Unis, l’Iran et l’inertie font obstacles aux plans libanais de la France

Lors d’un dîner privé, le mois dernier à Paris, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, n’a pas fait mystère du mécontentement de Washington au sujet de la stratégie adoptée par la France consistant à tenir compte du Hezbollah pro-iranien dans le processus visant à résoudre la crise économique et politique libanaise.

Reuters

Emmanuel Macron s’est rendu deux fois au Liban depuis l’explosion meurtrière dans le port de Beyrouth en août dernier et il n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de sortir le pays, autrefois sous mandat français, de sa crise la plus profonde depuis la guerre civile de 1975-1990.

Le chef de l’Etat tente de jouer de l’influence historique de Paris pour convaincre la classe politique libanaise d’adopter une feuille de route et de former un nouveau gouvernement capable de s’attaquer à la corruption, condition préalable pour que les donateurs internationaux, dont le Fonds monétaire international (FMI), débloquent des milliards de dollars d’aide.

Une troisième visite prévue le 22 décembre a dû être reportée, Emmanuel Macron ayant été testé positif au coronavirus jeudi. Il sera remplacé par le chef d’état-major des armées, François Lecointre, qui va rendre visite aux forces françaises sur place.

Selon un officiel impliqué dans l’organisation de la visite, un entretien téléphonique avec le président libanais Michel Aoun pourrait avoir lieu, mais rien d’autre n’est prévu à ce stade.

Emmanuel Macron est confronté à la fois à l’inertie de la classe politique libanaise - qui a ignoré les messages de la communauté internationale sur la faillite de l’Etat - et aux réserves de Washington sur son plan.

«La classe politique libanaise est coincée dans ses propres contradictions et est heureuse de jouer la montre», observe Nadim Khoury, directeur exécutif du cercle de réflexion Arab Reform Initiative.

«Saad Hariri n’est pas en mesure de former un gouvernement et, sur le plan international, les Etats-Unis ne vont pas faciliter la tâche de la France pour former un gouvernement.»

Les réserves de Washington sur le plan Macron portent essentiellement sur le rôle du Hezbollah, mouvement chiite pro-iranien qui figure sur la liste américaine des organisations terroristes.

L’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui a été chargé de former un nouveau gouvernement après la démission de Mustapha Adib en septembre, s’efforce pour l’instant de réunir un cabinet reflétant toutes les composantes politiques libanaises, y compris le Hezbollah.

Nouvelles sanctions en vue

Paris n’était initialement pas favorable à son retour à ce poste, dans la mesure où il n’est pas parvenu par le passé à engager les réformes nécessaires, ont déclaré trois responsables français. Toutefois, faute d’alternative crédible, Emmanuel Macron ne s’est pas opposé à cette nomination.

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La France estime que les élus du Hezbollah ont un rôle politique légitime.

Les Etats-Unis ont déjà imposé des sanctions à trois personnalités politiques liées au Hezbollah. Lors d’un dîner à Paris le mois dernier avec huit ambassadeurs, Mike Pompeo a clairement indiqué que d’autres mesures seraient mises en oeuvre si le Hezbollah faisait partie du gouvernement, selon deux personnes ayant eu connaissance de sa visite.

«Le Président Trump et Mike Pompeo ont clairement exprimé et à plusieurs reprises leur soutien à l’initiative française pour la constitution au Liban d’un gouvernement de mission capable de recevoir l’aide internationale», a souligné pour sa part l’Elysée.

«Les Etats-Unis ont d’ailleurs participé aux deux conférences internationales des donateurs organisées par la France avec l’Onu fin août et début décembre», a ajouté l’Elysée.

Influence malveillante

Dans une déclaration faite après la visite de Mike Pompeo à Emmanuel Macron, le Département d’Etat américain a déclaré qu’ils avaient discuté «des menaces importantes pour la sécurité mondiale, des efforts pour contrer l’extrémisme violent, du comportement déstabilisateur de l’Iran et de l’influence malveillante du Hezbollah au Liban».

Sans le soutien des Etats-Unis, les organisations internationales et les donateurs ne fourniront pas au Liban l’aide dont il a besoin pour sortir d’une crise financière qui, selon la Banque mondiale, verra probablement plus de la moitié de la population sombrer dans la pauvreté d’ici 2021.

Pour l’administration américaine sortante, une position ferme à l’égard du Hezbollah est essentielle pour démontrer que sa politique globale au Moyen-Orient a été efficace, notamment contre l’Iran.

Trois diplomates ont déclaré qu’ils ne s’attendaient pas à ce que le président élu Joe Biden change rapidement de politique étant donné la nature bipartisane de la position américaine et des autres priorités de la nouvelle administration.

Joe Biden a déclaré qu’il prévoyait d’abandonner ce qu’il appelle «l’échec dangereux» de la politique de «pression maximale» de Donald Trump à l’égard de l’Iran, mais des proches ont déclaré qu’il n’hésiterait pas à recourir aux sanctions.

Une semaine après la visite de Mike Pompeo à Paris, les Etats-Unis ont ajouté à leur liste noire les noms de deux anciens ministres libanais, dont un appartenant au mouvement chiite Amal, fragilisant ainsi l’approche d’Emmanuel Macron.

«Vous avez raison de dire que la politique de sanctions non-concertée et non-coordonnée avec nous de l’administration américaine sur des dirigeants chiites a sans doute contribué à tendre le jeu», a déclaré le président français peu de temps après.

Depuis lors, Gebran Bassil, gendre de Michel Aoun, qui dirige le Courant patriotique libre (CPL), le plus grand parti chrétien du Liban, a également été sanctionné pour ses liens avec le Hezbollah. Selon des diplomates américains, européens et régionaux, de nouvelles sanctions sont imminentes.

Mesures punitives

Le Hezbollah est devenu la puissance dominante au Liban, avec des membres élus au parlement et des représentants au gouvernement. Bien que le soutien de l’Iran ait été sanctionné par Washington, le groupe reste un pilier de l’influence régionale de Téhéran.

Les responsables français affirment que les sanctions américaines n’ont pas permis de changer la situation sur le terrain. Un membre de l’équipe du président français a déclaré le 2 décembre à la presse: «Ils n’ont rien bloqué (…) mais n’ont rien débloqué non plus.»

Lors d’une conférence en ligne du cercle de réflexion SCRS, l’ambassadrice des Etats-Unis au Liban, Dorothy Shea, a déclaré qu’éviter la faillite de l’Etat était une priorité, mais que Washington jugeait le Hezbollah «entièrement au service de ses maîtres iraniens» et que les mesures américaines avaient un impact.

Israël, l’allié le plus proche des Etats-Unis au Moyen-Orient, considère l’Iran comme sa plus grande menace et le Hezbollah comme le principal danger à ses frontières.

Les responsables iraniens ont déclaré qu’Hassan Nasrallah, chef de file du Hezbollah, était en contact avec Téhéran concernant la façon de gérer l’initiative de Macron, mais qu’ils ne permettraient pas que le Hezbollah soit affaibli.

Les sanctions américaines imposées à des alliées du mouvement chiite n’ont «rien changé sur le terrain», a déclaré Emmanuel Macron le 2 décembre, lors une conférence des donateurs organisée à l’initiative de la France.

«Nous ne lâcherons rien (…) dans nos exigences, qu’elles portent sur les réformes ou l’enquête sur les origines de l’explosion du port», a-t-il ajouté.

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