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Inédit – M’dina Bus : L’audit de KPMG cloue au pilori la ville de Casablanca et 4 milliards de DH à trinquer pour le contribuable

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Le discours royal devant les deux Chambres du parlement, lors de l’ouverture législative du mois d’octobre 2013, avait mis à nu la gestion calamiteuse de la ville de Casablanca, par le couple Boussaid et Sajid. 5 ans après, les élus du PJD et leurs alliés à qui les habitants de la ville ont donné massivement leurs voix, ont démontré leur incompétence dans la gestion d’une des plus grandes métropoles d’Afrique. Et pour cause, le conseil de la ville de Casablanca, présidé par le champion du cumul des mandats, Abdelaziz El Omari, devra s’acquitter de 4 milliards de dirhams en faveur de M’dina Bus selon un audit effectué par le cabinet KPMG diligenté…par le conseil lui-même (!!) et sous le contrôle hiérarchique de l’autorité de tutelle en la personne du ministre de l’Intérieur, et ce suite à une série d’incendies qui a frappé les bus de la ville de Casablanca, révélant au grand jour l’état catastrophique, délétère et dangereux du parc des bus de la mégapole qui abrite Casablanca Finance City.

Il n’a rien vu venir, l’ancien ministre et actuel maire de Casablanca, Abdelaziz El Omari, qui préside également l’Établissement de coopération intercommunale (ECI) en charge de la mobilité des 18 communes du Grand-Casablanca, en sa qualité de président du conseil de la ville, s’est vu signifier le dédommagement de M’dina Bus, le délégataire du transport collectif par bus à Casablanca, à hauteur de 4 milliards de dirhams pour manquement flagrant au contrat qui lie les deux parties ! Une recommandation qui ressort dans le rapport bétonné du cabinet KPMG mandaté par l’autorité délégante et sélectionné par le ministère de l’Intérieur. En effet, une fois l’audit achevé et remis à Abdelouafi Laftit, ce dernier l’a remis à M’dina Bus qui a enclenché le processus judiciaire.

Pour la mission d’audit, KPMG avait été retenu au début de l’année 2017 suite à un appel d’offres lancé six mois auparavant pour mener une vaste opération d’audit de M’dina Bus sur une décennie d’activité (2004-2015). La mission a prévu l’évaluation du contrat de gestion déléguée du transport collectif par autobus sur le périmètre du Grand Casablanca.

Dans cette opération, et selon le cahier des charges, KPMG se devait également de procéder à la réalisation de contrôles économiques, financiers, techniques, juridiques et de gouvernance, et de proposer à terme un scénario approprié de développement du service de transport collectif par bus et un plan d’action pour le redressement de la situation. (L’économiste Janvier 2017)

Face à Mdina Bus, une bande d’amateurs

Abdelaziz El Omari, maire de la ville et non moins député PJD à la Chambre des représentants, en plus de sa casquette de président de l’Établissement de coopération intercommunale, semble avoir pris trop à la légère les résultats de l’audit qu’il a lui-même commandé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Durant toute la mission d’audit, les auditeurs KPMG ont dû faire face à un manque patent, voire inquiétant, de professionnalisme et de compétence des équipes d’El Omari : pas d’interlocuteurs, pas de suivi des dossiers, pas de communication. Mais quand Abdelaziz El Omari a eu vent des premières recommandations du rapport, il a fait savoir au cabinet que la mission avait été annulée et qu’il n’était pas question pour lui de régler leurs honoraires qui s’élèvent à quelques 4,5 millions de DH.

De son côté Mdina Bus n’a pas raté l’occasion pour faire valoir ses droits :

  1. L’absence de régulation de l’autorité délégante : l’exclusivité du service n’est pas respectée et la lutte contre l’informel jamais activée. Les Lux Transport, Chennaoui et Rafahia continuent d’exploiter plusieurs lignes, alors que leurs contrats sont arrivés à terme depuis 2009 (il y a 10 ans !)
  2. La concurrence déloyale des taxis blancs, dont le périmètre d’action se limite l’interurbain et qui circulent impunément en centre-ville et dans la banlieue; en plus du transport clandestin sans oublier le tracé du tramway qui empreinte les plus porteurs : l’intermodalité tramway/bus promise par la ville n’a jamais vu le jour ;
  3. Des couloirs bus, pourtant promis par la ville, jamais mis en place, ni les couloirs d’approche, encore moins la priorité au feu : l’encombrement des voies est tel qu’aujourd’hui la vitesse commerciale des bus avoisine parfois les 3 km/h dans l’hyper-centre ;
  4. Non paiement par la ville des subventions du transport scolaire, des réquisitions, des dégâts dus aux matchs de football ou autres manifestations, le tout prévu dans le cahier des charges.

Toutes ces doléances ont été confirmées dans le rapport d’audit de KPMG qui a valorisé les dommages et intérêts à 4 milliards de dirhams.

En réceptionnant le rapport, c’est la douche froide chez Abdelaziz El Omari et ses équipes. Ils tentent de négocier avec les responsables de M’dina Bus. Cette dernière préfère attendre la réponse judiciaire. Abdelaziz El Omari, lui, demande une expertise. Début décembre, le tribunal accepte les résultats de l’expertise qui confirment la valorisation des dommages et intérêts : la ville de Casablanca est sommée de payer 4 milliards de dirhams au délégataire M’dina Bus. Le jugement du tribunal ira-t-il dans ce sens ? Suivra-t-il les recommandations de KPMG ? Tout porte à le croire. Et c’est le contribuable qui mettra la main à la poche pour absoudre les erreurs de ses élus.

L’amateurisme de Abdelaziz El Omari et de son staff ne va malheureusement pas s’arrêter là. Voyant le boomerang KPMG lui revenir à la face, il va choisir la fuite en avant et annoncer le lancement d’un appel d’offre pour le remplacement du délégataire M’dina bus dont le contrat arrive à échéance en 2019. Et poussera la SDL Casa Transport à faire une grande opération de communication annonçant l’acquisition de 350 bus modernes et adaptés aux personnes à besoins spécifiques (Médias24). Sauf que le «maire» PJD et sa majorité n’avaient en aucun cas prévu que M’dina bus allait arracher ce jugement historique avec droit de rétention, rendant ainsi l’ensemble des actifs tels que les garages, le siège de la société, intouchables jusqu’à l’annonce du jugement du tribunal.

Derrière l’embargo fait sur ce jugement par Abdelaziz El Omari, en plus d’éviter une crise politique majeure au sein du conseil de la plus grande ville du pays, mais surtout gagner du temps en attendant de «refiler la patate chaude» au futur président de l’Etablissement de coopération intercommunale qui est en charge de la mobilité des 18 communes du Grand-Casablanca.

14 années de gestion chaotique

Un bus sur les rails du tram à Casablanca

En quatorze année de gestion déléguée du transport collectif par bus et 28 conseils d’administration, le représentant de l’autorité délégante, c’est-à-dire le Conseil de la Ville de Casablanca, n’a que rarement assisté à ces réunions, sachant que la Commune de Casablanca a constitué un comité de suivi composé de 3 personnes chargées de la concession, de l’investissement et de l’autorisation lesquels sont aux abonnés absents. Pire, la réunion triennale où l’autorité délégante est censée faire pression et (re)cadrer le délégataire, n’a jamais été tenue !

La gravité de la situation, en plus de donner à Casablanca l’image d’une ville extrêmement sous-développée et désorganisée, elle intervient alors qu’il y a eu une sévère réprimande royale recadrant les responsables de la ville et qui a permis le déploiement de moyens très importants. Des moyens et, surtout, un cadre juridique exceptionnel d’une régionalisation avancée qu’aucun des cumulards, Mustapha Bakkoury ou Abdelaziz El Omari, n’a voulu exploiter au profit de la métropole et de son bien-être.

Une situation qui ne frappe pas uniquement Casablanca, mais Rabat également où les tribunaux viennent d’annuler des décisions du Conseil communal de la capitale déclarant l’appels d’offres pour le choix d’un nouveau délégataire non conformes. La ville de Fès n’est pas mieux lotie. Pour la petite histoire, les trois plus grandes villes du royaume sont gérées par des élus du PJD.

Et maintenant ?

Dans son édition du 2 janvier 2018, l’Économiste avait évoqué deux scénarios :

  1. Nouvel appel d’offres où M’dina Bus pourrait de nouveau soumissionner. Le nouveau délégataire héritera ainsi des ressources humaines et des moyens matériels actuels ;
  2. Supprimer le risque commercial (comme pour le tram et la propreté) : M’dina Bus sera alors payé au kilométrage ou la convertir en SDL.

Des scénarios qui ne vont certainement pas résoudre le problème du transport collectif par bus dans nos villes, car ce sont les mêmes équipes, les mêmes élus avec leurs limites et leurs manque de professionnalisme qui devront gérer cette situation. Nos villes, et la ville de Casablanca en particulier, sont-elles condamnées à vivre dans le chaos au moins jusqu’en 2021 date du renouvellement des instances élues ?

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