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Protesters shout slogans during a demonstration against corruption and official abuses, in the Rif region in Rabat, Morocco June 11, 2017. REUTERS/Stringer NO RESALES. NO ARCHIVES - RTS16LVK

Trêve d’espérance, l’heure est à l’exigence

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Il n’y a pas plus désolant qu’une élite qui espère au lieu d’exiger un droit acquis et reconnu. La décision de mettre fin aux mandats de quelques ministres, suite au rapport de la Cour des comptes, a effectivement été accueillie positivement. Les commentaires des Marocains lambda confirment ce sentiment de satisfaction. Et comme tout sentiment de satisfecit, sa durée de vie dépendra de la suite des évènements.

L’analyse à froid ne laisse aucun doute sur les raisons de ce revirement brusque dans la gestion de la chose publique. Le Hirak d’El Hoceima a dévoilé les limites de ce qu’il est pertinent d’appeler « une structure de gestion sous parapluie ». Une structure qui nous projette dans le labyrinthe d’un système à la fois complexe et sophistiqué. Et notre seule guide, pour explorer les vaines tentaculaires de cet organisme politique, demeure la réponse à une question centrale : qui décide au Maroc?

Comme tout sentiment de satisfecit, sa durée de vie dépendra de la suite des évènements

Sans aucun détour, la décision au Maroc revient au roi, que nous appelons souvent Palais pour inclure toutes les personnes qui s’investissent dans la construction conceptuelle et managériale de la décision. Le centre de décision est là et nulle part ailleurs. L’exécution, elle, revient au gouvernement ou à l’un des appendices de l’Etat (armée, Offices Nationales, CDG…)>

Dans un système basé sur la reddition des comptes, entre le centre de décision et son exécution, pullule un large panel d’outils de contrôle. Les inspections générales, les inspections ministérielles, le Parlement… en forment l’ossature. Sur le papier, le Maroc dispose de ces outils, sans tirer fierté de leur efficience. Il ne s’agit donc pas d’un manque de compétence ou d’un vide juridique, mais d’une panne de l’engrenage général, ces petits éléments qui lient les turbines les unes aux autres pour en faire une machine qui tourne à plein régime. Pour faire simple, imaginons un corps humain magistralement bien doté, mais la connexion entre ses attributs ne fonctionne pas. Il est inerte car son âme est en panne, atrophiée, confuse jusqu’à la paralysie.

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La prise de conscience de ce trou béant dans le fonctionnement du système politique marocain, pousse une partie de la population, appuyée par une élite à raisonnement simpliste, à exiger l’impossible. Y en a qui vont jusqu’à reprocher au roi ses absences répétés ou ces longs séjours à l’étranger. Mais ils omettent qu’en terme d’image, ces absences transmettent un message subliminal. Le roi dit au monde entier que le Maroc dispose d’institutions stables pour gérer le pays dans un climat de paix politique et social. Sans oublier aussi que personne ne peut exiger d’un politique, aussi monarque soit-il, de contrôler physiquement un pays grand de plus de 700.000 km2, comprenant 12 régions, plus de 75 préfectures et provinces et plus de 1500 communes.

L’intermédiation politique est, elle aussi, en panne. Les partis politiques et organismes étatiques vieillissent à vue d’œil. Le renouvellement des élites politiques, bien que amorcé selon certains, se concrétise dans une logique dépassée par l’évolution de la société. Les jeunes introduits à coup de quota perpétuent la tradition déjà existante, ils la rendent plus « sexy », mais sont incapables de la chambouler, la secouer ou, à juste titre, lui rappeler sa superbe d’Antan.

Comme la nature a horreur du vide, une réaction sociale (chimique) latente mais réelle est née et a grandi sans contrôle. Tel un volcan, elle a bouillonné loin des yeux avant de révéler sa première alerte. El Hoceima fut cette alerte et le bouillonnement continue, dégageant de temps en temps des îlots de feu isolés. Zagora, qui a marché pour l’eau, en est la preuve.

La décision du Palais de limoger des membres du gouvernement et prochainement des hauts commis de l’Etat, fait office de sapeur pompier. Sa décision va, certainement, éteindre ces îlots de feu, mais n’agira point sur le bouillonnement latent. Celui-là a besoin de solutions pérennes. Celles où « le fait du prince » est traduit, au quotidien, à travers des automatismes qui fonctionnent sans son intervention, lui ou toute autres personnes incluses dans ce que la constitution appelle l’institution monarchique. Un fonctionnement presque mathématique et où tout manquement de quelque nature que ce soit est puni sur la base de lois claires et égalitaires.

Ces solutions, l’élite, qui se dit engagée, ne les espère pas, elle les exige au nom de cette patrie que nous aimons tous et au nom du peuple marocain qui a payé et qui paie toujours le tribut d’une gestion défaillante à tous les niveaux (éducation, santé, justice, économie, culture médias..).

Khalid Tritki | Éditorialiste et producteur de contenu et d’idées 

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