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Prospective : Madeleine Albright et Mohamed Benaissa au chevet de l’Afrique

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Anticipant les travaux du Sommet de l’Union africaine qui se tient à Addis-Abeba dans sa 32ème session, les anciens chefs de la diplomatie marocaine et américaine, Mohamed Benaissa et Madeleine Albright, ont déroulé une véritable feuille de route en faveur de la coopération africaine et du développement dans le continent pour lesquels ils appellent à l’instauration d’une nouvelle ère. Si les responsables africains ont exprimé aujourd’hui leur volonté de voir leurs proclamations de foi sortir du carcan des simples vœux pour s’attaquer plus résolument aux causes profondes des problèmes auxquels fait face l’Afrique, notamment certaines crises persistantes et apparemment insolubles, les deux anciens ministres des Affaires étrangères du Maroc et des États-Unis, proposent, dans un document signé conjointement intitulé «Une nouvelle ère de coopération africaine», et partagé avec LE1, les outils pour mieux aborder les questions de développement et de stabilité. Madeleine Albright, présidente de l’Albright Stonebridge Group et présidente fondatrice du Forum des ministres de l’institut Aspen, a été la 64e secrétaire d’État des États-Unis. Pour sa part, Mohamed Benaïssa, qui est membre du Forum des ministres de l’institut Aspen, a été un des plus éminents ministres des Affaires étrangères du Maroc de 1999 à 2007, et ambassadeur du royaume à Washington entre 1993 et 1999.


Une nouvelle ère de coopération africaine

Par la secrétaire d’État Madeleine Albright et l’ancien ministre aux affaires étrangères Mohamed Benaïssa

« Le vent de changement soufflant sur l’Afrique n’est pas ordinaire ; c’est un ouragan déchaîné contre lequel le vieil ordre ne peut pas rester indifférent » [traduction] écrivait, en 1963, Kwame Nkrumah. Tandis que M. Nkrumah écrivait ces lignes, la France et l’Allemagne de l’Ouest mettaient, grâce au traité de l’Élysée, fin à plusieurs décennies de conflit ; au même moment, à Moscou, on signait le traité d’interdiction partielle des essais nucléaires, et les mouvements indépendantistes balayaient le continent africain. Un nouvel ordre mondial naissait des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des 50 années suivantes, les alliances occidentales et transatlantiques se sont développées et ont dominé le monde. Nous vivons toutefois dans une nouvelle ère au cours de laquelle nous voyons ces alliances, autrefois inattaquables, être sapées et remises en question, tandis que les sombres étendards du nationalisme extrême ont été déployés de toute part de l’échiquier mondial.

La maladie de l’isolationnisme qui s’étend sur le monde offre à l’Union africaine, qui prépare son 32e sommet, l’occasion de tirer profit du pouvoir économique grandissant du continent et de devenir un modèle de stabilité institutionnelle. En cette période de mouvance du leadership international, des organisations multilatérales axées sur l’action peuvent combler cet espace. Afin d’y parvenir, l’Union africaine doit d’abord faire face à des défis nouveaux et continus ; notamment : les changements climatiques et la diminution des ressources naturelles, y compris la rareté de l’eau ; un nombre record de migrants et de réfugiés ; ainsi qu’une infrastructure économique régionale devant croître pour satisfaire une explosion démographique des jeunes.

Le vent de changement soufflant sur l’Afrique n’est pas ordinaire ; c’est un ouragan déchaîné contre lequel le vieil ordre ne peut pas rester indifférent

Lors du forum des ministres de l’Institut Aspen tenu au Maroc en décembre dernier, nous avons rassemblé d’anciens ministres des Affaires étrangères de divers pays et avons invité des experts africains afin de discuter des succès du continent, ainsi que de son immense potentiel de progrès et de développement. Le ton du rendez-vous était fondamentalement optimiste ; nous y avons vu une infinité de possibilités pour établir de solides bases d’une croissance future. Toutefois, aucun des problèmes auxquels fait face le continent africain ne peut être éliminé simplement. Les partenariats, et non pas l’isolation, sont les seules manières de promouvoir cette nouvelle ère.

Un coopération ambitieuse peut permettre de résoudre le problème de la sécurité alimentaire. Une restructuration cohésive et partagée de l’économie d’import-export africaine, associée à un investissement auprès des fermiers locaux et ruraux par l’entremise de coopératives a le potentiel de nourrir les habitants du continent et de pays à l’extérieur de ses frontières. En optimisant les réseaux commerciaux intra-africains, nous pouvons répondre en temps réel au manque de ressources exacerbé par les changements climatiques en offrant de la nourriture à ceux qui en ont le plus besoin. En établissant des partenariats à l’extérieur du continent, les États membres peuvent exporter leurs stocks de denrées excédentaires.

La toute nouvelle Université Mohammed VI Polytechnique, par exemple, offre un modèle prometteur démontrant comment la coopération domestique et régionale peut créer des établissements d’enseignement sur le continent.

De même, la coopération est essentielle pour répondre à l’afflux de réfugiés, de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de migrants. Lors du forum des ministres, nous avons convenu que le système de financement international en place visant à venir en aide aux réfugiés est imparfait et doit être examiné. Celui-ci compte sur les dons volontaires et échoue systématiquement dans la génération de ressources adéquates pour loger, éduquer et fournir aux réfugiés des ressources de base. La communauté internationale, y compris l’Union africaine, devrait établir des partenariats afin de développer de nouveaux mécanismes de financement tout en implantant un système de partage de responsabilités entre les nations ayant le plus de ressources pour qu’elles viennent en aide à celles qui, par proximité, accueillent la majorité des réfugiés.

Finalement, une croissance économique forte est essentielle pour créer des emplois qu’occupera la prochaine génération. Puisqu’une main-d’œuvre instruite fait se développer l’économie, l’Union africaine peut tenter d’étendre la formation professionnelle en s’associant à des infrastructures éducatives partout sur le continent. Finalement, afin de créer une source d’investissements durable pour le développement en Afrique, nous devons revigorer les partenariats public-privé ; entre autres exemples d’initiatives réussies, nous trouvons la Mozambique Malaria Performance Bond et le Power Africa Project.

La civilisation du XXIe siècle est mondiale. Le manteau de la coopération doit parer l’Afrique. Une Afrique unie modèlera le destin du monde

Le Maroc, où nous nous sommes rencontrés en décembre, sert d’exemple de partenariats holistiques et engagés nécessaires en Afrique pour que le pays soit en mesure de faire face aux défis alimentaires, économiques et liés aux réfugiés. La toute nouvelle Université Mohammed VI Polytechnique, par exemple, offre un modèle prometteur démontrant comment la coopération domestique et régionale peut créer des établissements d’enseignement sur le continent.

Notre expérience, à titre de ministres des Affaires étrangères, nous a démontré que la coopération édifie des nations, tandis que l’isolationnisme les déchire. C’est pour cette raison que nous croyons que de par des alliances solides, sur le continent et à l’étranger, l’Union africaine a la possibilité de mener et de renforcer l’Afrique alors que le continent revendique un rôle accru sur l’échiquier mondial. Monsieur Léopold Senghor, le premier président du Sénégal, a fait remarquer que « la civilisation du XXe siècle est universelle. Personne ne peut progresser sans l’autre. » [traduction] Pour paraphraser M. Senghor, la civilisation du XXIe siècle est mondiale. Le manteau de la coopération doit parer l’Afrique. Une Afrique unie modèlera le destin du monde.

Madame Madeleine K. Albright a été la 64e secrétaire d’État des États-Unis. Elle est la présidente de l’Albright Stonebridge Group et la présidente fondatrice du Forum des ministres de l’institut Aspen.
Monsieur Mohamed Benaïssa a été le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Maroc de 1999 à 2007 et est membre du Forum des ministres de l’institut Aspen.

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