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Crise du Golfe : Trump casse le blocus du Qatar, Mohammed VI grand gagnant

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Deux ans se sont écoulés depuis l’éclatement de la crise du Golfe. Un conflit inutile qui a brisé ce qui subsistait encore comme liens historiques entre les pays de l’axe sunnite. Il a fallu attendre l’arbitrage du président américain, au lendemain de la visite officielle de l’émir du Qatar à la Maison Blanche pour mettre fin au blocus. Tamim Ben Hamd Al-Thani qui a fait preuve d’une formidable résilience, a profité de ce déplacement pour abattre ses cartes gagnantes qui ont fait basculer la situation en sa faveur. MBZ, furieux, n’a pas eu le choix que de baisser la tension envers le Qatar, mais il semble être déterminé à se rattraper sur d’autres sujets. MBS est fragilisé comme jamais. Son premier réflexe a été de déployer des marines américains sur le sol saoudien pour sécuriser son imminente intronisation.
Dans ce bourbier, le roi Mohammed VI a été l’un des rares leaders aux côtés du Sultan Qabus à s’attacher aux principes d’indépendance et de neutralité. Et ce, malgré l’usage systématique par les protagonistes de différentes formes de pression, campagnes médiatiques, chantage budgétaire et ingérence dans la politique interne du pays. Une ténacité et une détermination qui ont eu raison des rêves hégémoniques et destructeurs des frères ennemies du Golfe.

L’Emir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani, a effectué, le 9 juillet dernier, une visite hautement stratégique à Washington où il a été reçu à la Maison Blanche par le candidat Trump.

TBH qui allait rencontrer pour la deuxième fois le président américain, disposait de plusieurs cartes gagnantes : du cash, des contrats, mais surtout des leviers d’influence en Afghanistan, en Syrie et en Iran. Pourtant ce n’était pas gagné d’avance. Tamim gardait toujours à l’esprit la violente réaction de Donald Trump à l’annonce du blocus contre le Qatar le 5 juin 2017. Le président américain s’est fendu de deux tweets assassins contre l’émirat: « Je partage mon plaisir de voir que ma visite en Arabie saoudite et ma rencontre avec le roi Salmane et 50 pays arabes ont payé (…) Ils ont dit qu’ils adopteraient une ligne dure sur le financement de l’extrémisme et tous les éléments pointaient vers le Qatar ».

D’emblée, Donald Trump annonce la couleur. Ainsi, devant les caméras et les flashs qui crépitent, le président américain va qualifier l’Emir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, d’ami formidable avant de louer les efforts du «grand allié» des États-unis dans la mise en place d’installations militaires américaines.

Cet accueil a été annonciateur de l’arbitrage américain en faveur de Tamim au sujet du blocus contre le Qatar. Donald Trump qui s’est mis en mode électoral ne pouvait pas se passer d’un allié et d’un médiateur qui détient des leviers d’influence déterminants.

Allié clé des des États-Unis, le Qatar qui abrite la plus grande base aérienne américaine du Moyen-Orient, Al-Udeid, est monté en puissance face à l’Arabie Saoudite, affaibli depuis l’éclatement du printemps arabe. Son soft power, médiatique et diplomatique a été renforcé par des alliances dans les terrains des plus compliqués. Doha a par exemple remplacé Riyadh dans la médiation entre les américains et les Talibans en Afghanistan. Elle détient entre autres de l’influence sur une partie des combattants engagés en Syrie, en l’occurence Al-Nosra. Les relations qui se sont renforcées durant le blocus entre le Qatar et l’Iran sont actuellement décisives dans la gestion de la crise du détroit d’Ormuz. Le Qatar a également gardé de bonnes relations avec le Maroc et la Jordanie, interlocuteurs privilégiés de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme.

La levée du blocus faisait partie des doléances de l’émir du Qatar, à l’occasion de sa visite à Washington. Il aurait également demandé à l’administration américaine de retirer le Front Al-Nosra de la liste des organisations terroristes et a exigé une assurance de non interférence dans le déroulement de la coupe du monde de 2022.

Pris de court, MBZ passe au plan B et MBS s’accroche à sa #Vision2030

On ne sait pas si Washington a briefé Riyadh et Abu Dhabi de la nouvelle position américaine vis-à-vis le Qatar, avant ou après la visite de Tamim, il n’empêche que les évènements qui vont suivre vont démontrer une certaine agitation de MBZ et MBS.

Mohammed Ben Salmane sera le premier à réagir en demandant le déploiement sur le territoire saoudien de pas moins de 500 soldats américains. Une première, depuis que les marines ont quitté l’Arabie saoudite en 2003. Ce bruit de bottes a suscité une forte inquiétude de l’ensemble de l’opinion internationale quant au risque d’éclatement d’une guerre contre l’Iran.

Rassuré par la protection des soldats américains, MBS peut désormais se focaliser sur son projet de transformation de son pays, et accélérer le déploiement de sa « vision 2030 ». D’ailleurs, l’annonce surprise de la levée de l’interdiction de voyage des saoudiennes sans l’autorisation de leurs tuteurs, s’inscrit dans le sens de la «modernisation» de la société voulue par le prince héritier qui a cherché par la même occasion à isoler le Qatar qui est désormais l’unique pays du GCC où subsiste encore les restrictions de voyage des femmes.

Du côté des EAU, le pays va vivre un mois de juillet très mouvementé. Pris de court, MBZ va manifester son fort mécontentement du rapprochement USA/Qatar en s’envolant, une semaine après le voyage de Tamim à Washington, vers Pékin pour une rencontre au sommet avec Xi Jinping. Du pain bénit pour la Chine qui venait d’être notifiée de la décision de Donald Trump d’augmenter les droits de douanes sur les exportations chinoises.

L’enfant terrible du Moyen-Orient ne va pas s’arrêter là. Il annoncera dans la foulée son retrait de l’alliance de « la tempête décisive » (Assifat Al Hazm) qui a mené la guerre du Yémen depuis 2015. Il surprendra la communauté internationale en envoyant deux délégations à Téhéran au Grand dam de son allié saoudien. La première « délégation de paix » rencontrera, le 26 juillet dernier, de hauts responsables iraniens et la seconde conduite par le commandant des gardes côtes, le général de brigade Mohammed Ali Musleh al-Ahbabi, sera dépêchée à Téhéran quatre jours plus tard.

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L’exfiltration, hautement médiatisée de la princesse Haya, épouse du gouverneur de Dubai, Mohammed ben Rached al-Maktoum et demie soeur du roi Abdallah II de Jordanie vers la Grande-Bretagne a constitué un autre coup dur à l’image des EAU.

L’accélération des événements qui ont ébranlé Abu Dhabi et Riyadh, touchera leur allié Abdelfattah Al-Sissi. Ce dernier lancera une campagne de communication contre la Qatar en révélant des supposées confessions de Hicham al Achmaoui, ancien officier des forces spéciales égyptiennes devenu chef d’un groupe islamiste armé, qui a été extradé par Haftar le 29 mai dernier. L’homme le plus recherché d’Egypte aurait avoué l’implication du Qatar dans un complot contre le régime d’Al-Sissi.

Quand les rêves hégémoniques du Qatar et des EAU se croisent au Maroc

Le Qatar a été le premier émirat du Golfe a pensé un projet hégémonique autre que le classique paternalisme de l’Arabie saoudite. Deux facteurs importants ont poussé Doha à passer à l’exécution de ce projet et façonner le monde arabe: 1) la fulgurante réussite d’Aljazeera qui a prouvé durant les deux guerres du Golfe sa grande influence sur l’opinion publique arabe, 2) la chute terrible de l’aura de l’Arabie saoudite.

Ce rêve avait la particularité d’être le premier projet qui n’était pas basé uniquement sur l’obédience par le chéquier. Le Qatar s’est rendu compte de son influence sur des centaines de millions de citoyens arabes en soutenant et développant une nouvelle offre religieuse qui s’oppose au wahhabisme saoudien.

La machine Qatari s’emballera et fonctionnera en plein régime durant le printemps arabe. On verra ainsi monter au pouvoir une classe politique avec le référentiel religieux soutenu médiatiquement et financièrement par le Qatar.

Pour pouvoir déployer ce projet, le Qatar devait s’assurer du soutien de l’hyperpuissance américaine et d’Israël. Pour la première, Doha a vendu son projet comme une opportunité de redorer l’image ternie par 20 années de guerre. Et pour la seconde elle s’est engagée à ramener les plus érudits des islamistes à la table des négociations et l’ouverture du marché arabe à l’économie israélienne.

En dépit du romantisme qui a accompagné les premiers mois du printemps arabe, Doha va se rendre compte rapidement des limites de son modèle :

  • Il ne fonctionne pas dans les monarchies
  • Il n’a pas anticipé la réaction de l’Arabie Saoudite et des EAU
  • Il a sous-estimé les ambitions israéliennes, qui vont au-delà d’un handshake avec Ismaël Haniyeh où d’une lettre signée par le président Mohammed Morsi à son « Cher et grand ami » Shimon Peres.

De leur côté, les émirats arabes unis ont cultivé une autre forme d’influence sous l’ombre du grand frère saoudien, en faisant de Dubai un hub financier mondial et une plateforme logistique internationale à l’intersection de l’est et de l’ouest de la planète à travers le fonds d’investissement souverain Abu Dhabi Investment Authority et l’opérateur portuaire DP World.

Et à l’image du Qatar, les séquelles irréversibles sur le régime saoudien engendrées par le 11 septembre et les deux guerres du Golfe, ont poussé Abu Dahbi, dans un réflexe de survie de rêver d’un leadership sur le monde arabe. La famille des Al Nahyane va certes réussir à bâtir une cité aseptisée qui a pu attirer des capitaux et des compétences du monde entier mais n’avait aucune influence sur l’opinion publique ni sur les politiques gouvernementales de la région.

Pressé et ambitieux, MBZ va évincer son frère Khalifa afin de prendre le contrôle du pays pour en faire une puissance régionale et prendre le dessus sur le Qatar.

Conscient des limites du soft power émirati et de son insuffisance à contrer le projet qatari, MBZ pense le combler en se dotant rapidement d’une armée militaire. Un projet qui va le confier à Eric Prince, fondateur Blackwater, qui constituera une armée de 800 mercenaires, pour un coût initial de 529 millions de dollars.

Prince s’installera à Abu Dhabi et créera Olive Group qui reprendra les contrats de Blackwater en Irak pour la sécurité des puits de pétrole. Proche des néoconservateurs, Il sera le plus grand contributeur de la campagne présidentielle de Donald Trump. Une proximité qui profitera à son ami MBZ.

En effet, alors que plusieurs pays arabes, dont le Maroc, soutenaient la candidate démocrate Hilary Clinton, MBZ organisait dans ses îles aux Seychelles des rencontres secrètes entre les équipes de Trump et des proches de Poutine. Une information qui a éclaté au grand jour en avril 2017 après la publication d’une enquête sur le Washington Post.

Le rapport du procureur Muller sur l’ingérence de la Russie dans l’élection de présidentielle américaine de 2016, publié en avril 2019, va confirmer ces informations. D’ailleurs le conseiller de MBZ, l’homme d’affaire libanais, George Nader, qui a participé à ces rencontres secrètes grâce à ses entrées à la Maison Blanche et au Kremlin, s’est transformé en témoin-clé dans l’enquête du procureur spécial Robert Mueller. Nader sera arrêté en juin 2019 à New York pour possession d’images pédopornographiques.

L’élection de Donald Trump va donner des ailes à Mohammed Ben Zayed. Il aura très vite de l’ascendant sur le jeune ministre de la défense saoudienne, Mohammed Ben Salmane, et lui organisera la stratégie de prise de pouvoir de la citadelle Al Saoud : Eviction du prince héritier Mohammed ben Nayef, du directeur du cabinet du roi Salmane, Khaled al-Tuwaijri, et du responsable des services de renseignement, Bandar Ben Sultan.
MBZ aurait conseillé le nouveau prince héritier saoudien d’isoler le Qatar, pour éviter toute mauvaise surprise lors de l’exécution de la seconde phase du putsch : l’opération Ritz Carlton. Avec des frontières ouvertes et une opinion publique non préparée, l’échec de cette opération aurait profité au premier lieu à Doha.

A partir de ce moment, MBZ superpuissant traitera ses anciens alliés avec condescendance. Il court-circuitera le Maroc dans la question libyenne, malgré les avancées de l’accord de Skhirat, n’impliquera pas ni Rabat ni Amman dans les coulisses du deal du siècle sur Al Qods et interférera dans les politiques internes des pays arabes et coupera les aides pour les plus réticents.

La stratégie interventionniste de MBZ va certes réussir à contenir le Qatar mais fera perdre à son pays un capital sympathie que sa famille à mis plusieurs années à bâtir.

Pendant tout ce temps là le Maroc est resté fidèle à sa politique étrangère, neutralité dans les conflits entre les pays frères, maintien de liens et de contacts avec l’ensemble des puissances occidentales et orientales, refus d’une rupture hasardeuse dans le dossier palestinien, et intransigeance sur la cause nationale et la marocanité du Sahara.

C’est grâce à cette sage et constante stratégie du Roi Mohammed VI que le Maroc a pu s’imposer comme une terre où les dangereuses activités des Émirats arabe unis, pour étendre leur influence au-delà du Golfe persique et les ambitions hégémoniques du Qatar se sont neutralisés.

Aujourd’hui les parents de l’émir du Qatar trouvent au Maroc un lieu de villégiature et de repos dans la discrétion la plus totale et les princes émiratis également.

Dernière preuve en date du succès de la stratégie marocaine est l’organisation d’une réunion , à Rabat, entre MBZ et Jared Kushner au terme d’une tournée de ce dernier au Moyen Orient.

Une rencontre qui porte également en elle la baraka de Rabbi Haïm Pinto, le Rabin de la famille Kushner qui avait prédit l’élection de Donald Trump en 2016 et qui a fait aimer Casablanca à Jared Kushner.

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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