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Rabat met en doute les chances de réussite du sommet de Berlin sur la Libye

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A la veille de la tenue de la conférence de Berlin sur la Libye, la diplomatie marocaine a mis en doute, dans un communiqué publié ce samedi, la capacité de l’Allemagne à transformer ce rendez-vous en opportunité de paix pour le peuple libyen.

«Le pays hôte de cette conférence ( Allemagne, ndlr) qui est loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux» s’est indigné le ministère des Affaires Étrangères marocain à moins de 24 heures de la tenue de la conférence de Berlin sur la Libye.

Le Royaume du Maroc a exprimé, également, dans le même communiqué son profond étonnement quant à son exclusion de la conférence tout en soulignant que «le Royaume du Maroc a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne», relevant que Rabat «a joué un rôle décisif dans la conclusion des accords de Skhirat, qui sont, à ce jour, le seul cadre politique – appuyé par le Conseil de Sécurité et accepté par tous les protagonistes libyens – en vue de la résolution de la crise dans ce pays maghrébin frère».

«Le Royaume du Maroc ne comprend ni les critères ni les motivations qui ont présidé au choix des pays participant à cette réunion», ajoute la même source

«Le Royaume du Maroc, quant à lui, poursuivra son engagement aux côtés des frères libyens et des pays sincèrement intéressés et concernés, afin de contribuer à une solution à la crise libyenne», conclut le communiqué.

L’Algérie et L’Egypte veulent exclure l’Union Africaine du dossier libyen

Le Maroc n’est pas le seul pays africain a s’être indigné de son exclusion du sommet de Berlin. La Tunisie, le pays qui partage une frontière de près de 500 km avec la Libye a été délibérément exclue par l’axe Alger-Berlin. La presse tunisienne a abondamment commenter cette mise à l’écart : «Si cette exclusion témoigne d’une chose, c’est bien de l’échec et la faillite de la diplomatie tunisienne. Une diplomatie qui a réussi en à peine deux mois, à isoler le pays de la communauté internationale et de son environnement, aussi bien géographique que culturel et économique», s’est désolé Tunisie numérique.

Qui sera présent le 19 janvier à Berlin ? Plusieurs pays y seront représentés, dont la Russie, la Turquie, les Etats-Unis, la Chine, l’Italie et la France, l’Egypte, l’Algérie, les Emirats arabes unis, les deux protagonistes de la crise libyenne, le maréchal Haftar et Fayez Sarraj. Mais pas la «Tunisie qui sera la première concernée par la guerre aux portes de ses frontières et qui sera appelée à gérer cette situation et ses retombées», insiste le média tunisien.

De son côté l’Afrique, traumatisée par la crise en Libye et ses conséquences dans un Sahel livré à des attaques jihadistes incessantes, cherche à faire entendre enfin sa voix dans le dossier libyen, , sans trop d’espoir, après en avoir été tenue à l’écart depuis des années.

«L’UA a régulièrement demandé un rôle central dans le processus en cours, mais elle a toujours été ignorée», a reconnu à l’AFP Ebba Kalondo, la porte-parole du président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki, qui sera présent dimanche à Berlin. Dont la mission ne sera pas aisée.

S’il y a des causes endogènes aux attaques jihadistes au Sahel, la crise en Libye a créé un vide sécuritaire mais aussi favorisé la circulation de milliers d’armes, munitions et explosifs, contribuant d’une façon décisive à la montée en puissance des groupes jihadistes au Mali, au Niger et au Burkina ces dernières années.

Le président nigérien Mahamadou Issoufou le répète sans relâche. «La communauté internationale est responsable de ce qui nous arrive à travers sa décision désastreuse d’intervenir en Libye», a-t-il rappelé à Niamey en décembre. «La Libye est africaine, on ne peut pas régler le problème libyen en laissant à la marge l’UA».

Le président tchadien Idriss Deby est sur la même longueur d’ondes: «La bataille contre le terrorisme au Sahel passe forcément par le règlement de la crise libyenne. Le chaos libyen (…) demeure la principale source de déstabilisation de l’ensemble du Sahel», insistait-il en décembre à Rome.

Le 6 janvier, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, a mis les pieds dans le plat. «La Libye est un pays africain et les victimes sont essentiellement en Afrique. Dès lors, toute stratégie de règlement de la crise libyenne tendant à marginaliser le continent africain pourrait se révéler complètement inefficace et contre-productive», a-t-il tonné.

Un émissaire du chef de l’État congolais s’est rendu dans la foulée en Algérie, pays qui utilise le dossier libyen pour sortir de la boucle infernale du hirak social, afin d’évoquer les moyens de «dynamiser le processus des négociations entre les parties libyennes», selon un communiqué de la présidence algérienne.

Toutefois le «dossier reste entre les mains des Nations unies. L’ONU ne voit pas forcément l’UA comme une voix décisive», pense Claudia Gazzini, du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

Une source nigérienne explique que l’UA est «divisée», soulignant que par exemple «l’Egypte ne veut pas que l’UA se charge de ce dossier».

Les déchirements de la Libye entre le Gouvernement d’union nationale libyen (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et un pouvoir incarné par l’homme fort de l’est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, préoccupaient déjà le continent.

L’entrée en jeu de nouveaux acteurs n’a fait qu’aggraver les inquiétudes africaines: la Russie soutient Khalifa Haftar (appuyé notamment par l’Egypte) et la Turquie, alliée du GNA, a récemment autorisé l’envoi de militaires dans le pays.

Les forces du maréchal Haftar ont lancé en avril 2019 une offensive pour tenter de s’emparer de Tripoli. Plus de 280 civils et 2.000 combattants ont été tués, selon l’ONU. Quelque 146.000 Libyens ont dû fuir les combats.

Une cessation des hostilités, globalement respectée, est en vigueur depuis dimanche. Mais le maréchal Haftar a pour l’heure refusé de signer le cessez-le-feu paraphé par M. Sarraj.

«Cette implication des nouveaux acteurs complexifie davantage la crise libyenne», avertit Ibrahim Yacouba, ancien chef de la diplomatie nigérienne.

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