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Le peuple d’Algérie a soif de changement et le clame haut et fort

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Depuis plus d’une semaine, l’Algérie voisine est secouée par une série de manifestations de milliers de personnes, toutes classes sociales confondues, pour protester contre la volonté du Président actuel, Abdelaziz Bouteflika, de se présenter pour un cinquième mandat. L’annonce le 10 février dernier de la décision de Bouteflika de briguer un 5ème mandat a déclenché l’ire populaire en Algérie. Grâce aux réseaux sociaux, des milliers de personnes se sont mobilisées pour demander le retrait de cette candidature. Une requête à laquelle ne veut pas accéder le clan Bouteflika au motif d’éviter au pays une transition risquée. Une attitude habituelle dans les régimes présidentiels arabes, qui se confondent avec des monarchies de fait et non de droit.

En poste depuis 1999, Bouteflika, âgé de 81 ans, est gravement malade. Il n’exerce pas complètement ses prérogatives présidentielles, qui sont exécutées par procuration par son entourage, notamment son frère, Saïd. Lancé sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre pour manifester s’est répandu de manière virale. Résultat, des manifestations dans plusieurs villes comme à Constantine, Tizi Ouzou, Ouargla, Alger et Annaba.

« Bouteflika Dégage ! »

Le 26 février dernier, les étudiants se sont joints à ces manifestations, même s’ils ont été cantonnés par la police dans l’enceinte des campus. Parmi les nombreux slogans scandés par les manifestants, on peut lire « Non au 5ème mandat ! », « Bouteflika dégage ! » et « Algérie libre et démocratique ». Fait notable, les islamistes ont préféré se tenir à l’écart de ces manifestations. Cela ne les empêche pas de les soutenir. Dans un communiqué diffusé au terme de la réunion du bureau exécutif du MSP, hier, ce dernier a salué «la contestation pacifique et civique de l’ensemble des segments de la société pour s’opposer au cinquième mandat», tout en insistant sur l’impératif de poursuivre «la résistance pacifique par tous les moyens afin d’imposer la politique du fait accompli» et «déjouer tous les plans visant à alimenter les tensions dans le dessein de faire capoter la protestation citoyenne légitime».

Opportunisme du MSP

Le Mouvement islamiste a exhorté le pouvoir en place à se plier aux revendications populaires pour éviter une «dérive dangereuse». Cette attitude opportuniste contraste avec celle du clan Bouteflika. Abdelmalek Sellal, le directeur de campagne de Bouteflika a annoncé que ce dernier « va respecter les délais et les lois et déposera son dossier de candidature le 3 mars », soit le dernier jour prévu pour cela. 24 heures plus tôt, les autorités algériennes ont écarté l’hypothèse d’un retrait de la candidature du Président en faisant appel au jugement des urnes. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a affirmé que les « élections auront lieu dans moins de deux mois et chacun choisira librement », tout en mettant en garde «contre les risques de dérapages sérieux».

Les autorités changent d’attitude et recourent à la force

Cette réponse du berger à la bergère ne semble pas avoir calmé les manifestants qui ont défilé en grand nombre vendredi dernier. Cela n’a pas empêché les autorités à changer d’attitude. Après avoir observé calmement les premières manifestations, la police a recouru dimanche dernier à la force pour disperser les manifestants, au motif que les manifestations sont interdites en Algérie. Selon Brahim Oumansour, spécialiste du Maghreb à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), « c’est pour la première fois au moins depuis 88 qu’il y a autant de manifestations au niveau national […] On n’est pas dans un déclenchement d’émeutes, mais une mobilisation spontanée qui a été lancée à travers les réseaux sociaux, de façon anonyme, mais avec un mot d’ordre, une mobilisation pacifique pour éviter toute dérive. » Perçue comme une humiliation collective, cette candidature est non avenue pour les Algériens.

Une humiliation collective de trop

« La première revendication, c’est la fin du régime Bouteflika, le Président actuel. La plupart des manifestants sont en colère contre la candidature pour un cinquième mandat, qu’ils sentent comme une candidature de trop […] Cette revendication [s’exprime, nldr] sur fond de revendications sociopolitiques beaucoup plus larges. On a notamment une jeunesse, la classe moyenne, qui a des aspirations beaucoup plus ambitieuses.», estime M. Oumansour. Si les médias publics ont imposé un black-out sur les manifestations en cours, les chaînes privées algériennes s’en sont données à cœur joie en les couvrant. Malgré les tentatives du pouvoir de museler la presse, celle-ci a protesté contre les ingérences des sécuritaires, qui veulent faire des médias des caisses de résonance pour le clan Bouteflika.

Des républiques transformées en monarchies de fait

Au-delà du factuel, et au nom de la sacro-sainte stabilité chère aux régimes autoritaires, le pouvoir algérien veut maintenir Bouteflika en place malgré son état de santé fragile. Contrairement aux monarchies où les règles de succession sont bien établies, dans plusieurs régimes présidentiels arabes, les présidents sont devenus des rois de facto, se permettant de désigner eux-mêmes leurs successeurs sans aucun égard pour la volonté de leur peuple. Les exemples ne manquent. Entre la Syrie de Hafez Al Assad qui a légué la République à son fils Bachar Al-Assad ou encore l’Egypte où l’armée a confisqué la volonté populaire issue des urnes pour écarter les islamistes du pouvoir pour désigner un autre galonné pour être Président afin de continuer à régner ou encore l’Algérie où l’armée a écarté le Front islamique du salut (FIS) du pouvoir dans les années 90 pour prendre le pouvoir, les exemples ne manquent pas. S’accrochant des pieds et des mains à leurs fauteuils présidentiels douillets, plusieurs dirigeants arabes sont devenus des monarques de facto dans des républiques de principe, sous le regard bienveillant des puissances occidentales qui laissent faire tant que cela sert leurs intérêts, mais qui sautent au plafond quand l’inverse est vrai. Une hypocrisie de plus qui illustre la sélectivité de ces pays dans leur attitude face aux changements politiques dans les pays arabes, alors qu’ils ont, au nom de l’instauration de la démocratie, été derrière bien des tragédies (Irak, Syrie, Libye…).

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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