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Israël-Pays arabes : Un réchauffement des relations qui augure d’une scission dans les rangs

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Les liens commerciaux, sécuritaires et culturels entre Israël et plusieurs pays arabes ne sont un secret pour personne. Ces derniers mois, plusieurs Etats ne cachent plus leur volonté de normaliser leurs relations avec ce pays, créé sur le territoire palestinien. Face à la menace iranienne, plusieurs régimes arabes sont prêts à joindre leurs efforts à ceux d’Israël pour faire front commun. Pour cela, ils doivent convaincre leurs populations, ce qui n’est pas gagné d’avance car, durant des années, ils se sont évertués à diaboliser le régime sioniste pour s’assurer la mainmise sur le pouvoir souvent autoritaire.

Après le fiel, le miel. Plusieurs régimes arabes sont en train de couler une lune de miel drapée dans un voile de discrétion avec les dirigeants israéliens. Après les visites de plusieurs journalistes arabes en Israël pour « découvrir » ce pays et le faire connaître, plusieurs régimes arabes cherchent à améliorer l’image de l’Etat sioniste. Cette campagne de séduction vient pour préparer les masses à un retour à la normale des relations de plusieurs Etats avec Israël.

Le Sultanat d’Oman affiche la couleur

L’année dernière, la scène diplomatique a été le théâtre de plusieurs déplacements d’officiels et de sportifs israéliens dans plusieurs pays arabes (Oman, Émirats Arabes Unis, Qatar et Bahreïn). Mettant en pratique le principe selon lequel l’ennemi de mon ennemi est mon ami, plusieurs Etats arabes, surtout les monarchies du Golfe, cherchent à normaliser leurs relations avec Israël. Certains Etats ne cachent d’ailleurs pas leurs relations avec Israël. La visite officielle effectuée par Benjamin Netanyahu à la fin d’octobre dernier au Sultanat d’Oman où il a rencontré le Sultan Qabous est symbolique à cet égard. Qualifiée de « moment historique », cette visite est la première d’un chef de gouvernement israélien depuis 1996 à Oman. Netanyahu était accompagné en plus de sa femme, Sara, du chef du Mossad, Yossi Cohen, et du conseiller à la Sécurité nationale Meir Ben-Shabbat. Commentant cette visite, les services de communication de Netanyahu ont affirmé que c’est « un pas important dans la mise en œuvre de la politique du Premier ministre Netanyahu visant à approfondir les relations avec les pays de la région en se servant des avantages d’Israël dans les domaines de la sécurité, de la technologie et dans le secteur économique ».

Manama sur les pas de Muscate

Dans une déclaration, Youssouf Ben Alaoui ben ben Abdoullah, ministre des Affaires étrangères omanais a affirmé que son pays a estimé que « Israël est un État présent dans la région, nous devons comprendre cela. (…) Le monde reconnaît cet état de fait. Il est peut-être temps de traiter Israël comme n’importe quel autre État, et qu’il assume les mêmes obligations ». Le Bahreïn qui pourrait accueillir prochainement Netanyahu a affiché la même position. Des pourparlers sont en cours entre Manama et Tel-Aviv pour normaliser leurs relations, à en croire le journal israélien Yediot Aharonot. En mai 2018, le chef de la diplomatie du Bahreïn a ouvertement soutenu Israël contre l’Iran sur Twitter en déclarant que « …tout pays de la région, y compris Israël, a le droit de se défendre en détruisant les sources du danger ».

Des indices probants d’une ouverture sur Israël

Bête noire des monarchies du Golfe, l’Iran est devenu un élément fédérateur dans la diplomatie régionale. L’opération de charme inédite de Benjamin Netanyahu à l’égard de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Sultanat d’Oman, du Bahreïn et du Soudan, utilise comme cheval de bataille la menace iranienne. Pour Netanyahu, un rapprochement diplomatique avec ces monarchies permettrait de rendre le contexte régional plus favorable à Israël. Plusieurs indices laisse planer une bulle d’air chaud sur les relations gelées entre plusieurs pays du Golfe et Israël. En octobre 2018, Miri Regev, la ministre israélienne de la Culture et des Sport, a fredonné l’hymne national d’Israël à Abou Dhabi lors des championnats de judo, pour la remise de la médaille d’or au judoka israélien Sagi Muki. Après Miri Regev, ce fut au tour du ministre des Communications Ayoub Kara de venir assister à Dubaï à une conférence internationale sur la cybersécurité. Au Qatar, des athlètes israéliens ont participé aux championnats du monde de gymnastique artistique 2018 à Doha. Il reste toutefois qu’Israël aura du mal à normaliser ses relations avec l’Arabie Saoudite, qui ne veut pas perdre sa place de leader dans le monde arabe et, surtout, le monde musulman. Cela dit, les deux pays entretiennent des relations étroites dans le domaine du renseignement et des technologies militaires. En avril 2018, le Prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, a déclaré à la revue américaine The Atlantic qu’Israël a « droit » à un territoire et qu’il ne voit «aucune objection » religieuse à son existence. Si en coulisses, les deux pays ont des contacts, il n’est pas question de les rendre publics.

Des initiatives pour consacrer le fait accompli

Cela n’empêche que l’Arabie Saoudite a autorisé la compagnie Air India à utiliser son espace aérien pour des vols vers Tel-Aviv. Israël a aussi obtenu le droit de survoler les territoires du Soudan, du Sultanat d’Oman et du Tchad. Netanyahu se trouvait juste hier à N’Djamena pour rétablir les relations diplomatiques entre son pays et le Tchad.

Par ailleurs, Israël essaie de s’imposer comme un acteur clé dans la région. Le 7 novembre 2018, Yisrael Katz, ministre israélien des Transports et des Renseignements, a présenté à Oman, « La voie de la paix », un projet de chemin de fer reliant la Méditerranée aux pays du Golfe en passant par l’Arabie saoudite. De même, l’annonce de la création d’un Forum du gaz au Moyen-Orient par l’Egypte, la Palestine, Israël, la Grèce, Chypre, l’Italie et la Jordanie va donner un rôle clé sur le plan régional à Israël en écartant la Turquie. Plusieurs observateurs ont estimé que ce forum ne fera que compliquer davantage la situation dans la région en hypothéquant la paix.

Quid des Palestiniens ?

Même si ces initiatives n’aboutissent pas, ce qui est fort probable, il n’en demeure pas moins que l’air est au rapprochement diplomatique, même en coulisses car même si la question palestinienne n’est plus la priorité, les peuples arabes demeurent fondamentalement anti-israéliens. La plupart des pays arabes avancent la nécessité de résoudre le conflit israélo-palestinien avant tout rapprochement, attitude adoptée au Sommet de Beyrouth de 2002. Les Palestiniens ne cachent d’ailleurs pas leurs inquiétudes face à la normalisation des relations d’Israël avec certains pays arabes et africains à majorité musulmane. L’Autorité palestinienne réclame une réunion d’urgence de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique, a affirmé Nabil Chaath, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas.

Selon l’ancien ministre palestinien des Affaires étrangères, cette normalisation « va à l’encontre des déclarations et des résolutions adoptées par la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (…) ». Les Palestiniens ont rappelé que le Sommet de Dahran en avril dernier dans son communiqué final « qu’il ne pourrait y avoir de normalisation avec Israël sans un accord bilatéral avec les dirigeants palestiniens et que les pays arabes étaient résolus à agir de concert », explique Nabil Chaath. Les Palestiniens se sentent-ils trahis par leurs frères arabes ?

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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