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Bourita chez Baerbock, « The Bold and the Beautiful »

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Nasser Bourita n’a pas sorti que son plus beau costume de soirée «Zegna» et sa cravate «Hermes» pour fêter sa lune de miel diplomatique avec son homologue allemande, Annalena Bearbock. Il a dégainé pour l’occasion son plus beau sourire et son plus beau regard séducteur. Son hôte, quand à elle, a opté pour une robe princière à la Kate Middleton et à la couleur vive qu’elle apprécie particulièrement: le rouge cardinal.

C’est du moins ce que laisse croire les photos publiées par les deux responsables à l’issue de leur rencontre importante et apaisée.

Nous n’allons pas nous étaler sur le succès de la diplomatie marocaine dans son bras de fer avec un gouvernement allemand réfractaire. Nous essayerons de décrypter une nuance qui nous interpellé dans la sémantique adoptée par chacune des parties à l’occasion du déplacement de «Nasser» à Berlin.

La photo de Nasser et Annalena est belle. L’image de deux chefs de la diplomatie parfaitement synchronisés, aussi bien dans leur démarche, que dans leur posture et leur expression faciale, l’est davantage.

Le glamour qui a enveloppé la rencontre, à Berlin, de Nasser Bourita avec son homologue allemande, fruit de l’audace et de la détermination de la diplomatie marocaine, est en passe de nous faire oublier plus de deux années de tensions inégalées de l’histoire des relations maroco-geramaniques.

Nasser Bourita et Annalena Bearbock se dirigeant vers les Archives Politique du Ministère des Affaires étrangères allemand- Berlin 6 juillet 2023

Fin 2020, les relations entre Rabat et Berlin ont très vite tourné à «Ugly». L’Allemagne qui a vu dans l’effondrement de la France en Afrique une opportunité de prendre de l’influence sur le continent, s’est laissée flouée par les budgets de «coopération» qu’elle injectait dans le continent.

Angela Merkel, pressée par son départ programmée de la tête de la chancellerie, a voulu, d’une part, encaisser les bénéfices de sa politique africaine afin de les comptabiliser dans son bilan. D’autre part, réagir à la normalisation entre le Maroc et Israël qui terrifié l’establishment allemand.

Un rapport classé «Top secret», établi pour les services allemands de renseignement extérieur, le BND, signifiait clairement que l’Allemagne «ne voulait pas d’une nouvelle Turquie en Méditerranée occidentale».

L’auteure du rapport, Isabelle Werenfels, soulignait que «l’Afrique du Nord est pour l’Union Européenne une zone fertile pour vendre ses produits et une porte par laquelle elle peut accéder à l’immense marché africain».

Angela Merkel n’ayant plus rien à perdre est passée au chantage, menace et intimidation.

La Chambre Allemande de Commerce et d’Industrie (AHK), logée à Casablanca, s’est transformée en une officine du BND. Ce dernier, très actif durant les évènements du RIF de 2017, s’est mis dans la tête de jouer avec le diable en activant un «sleepy asset», Mohamed Hajib, grassement entretenu par le gouvernement fédéral allemand.

L’appareil de l’état allemand a cru bon de mener une campagne mondiale contre la décision de l’administration américaine de reconnaitre la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Tout en orchestrant une tentative d’humiliation du Maroc en l’excluant d’une conférence internationale sur la Libye. Que d’énergie perdue alors qu’une guerre destructrice se préparait aux portes de Berlin.

Le BND de Merkel a pensé à tout sauf à l’incroyable audace du Maroc d’«envoyer paître» les Maîtres chanteurs. Au début du mois de février 2021, le Roi Mohammed VI a donné ses instructions pour «trancher dans le vif»:

  1. Du jour au lendemain, rupture de toute relation diplomatique avec l’ambassade d’Allemagne.
  2. Du jour au lendemain, arrêt total de tous les programmes de coopération portés par les officines du BND au Maroc telles que Konrad Adenauer, Friedrich Ebert, Friedrich Nauman, Heinrich Böll et Hanns Seidel.
  3. Du jour au lendemain, désactivation de la principale structure qui symbolise la coopération maroco-allemande : MASEN. Son PDG Mustapha Bakkoury est immédiatement interdit de quitter le territoire. Il fait depuis face à de très graves accusations notamment « d’intelligence avec un État étranger » en l’occurrence avec l’Allemagne et suspicion de favoritisme vis-à-vis d’intérêts allemands.

Mission principale de Baerbock : relancer Noor

Le ministère allemand des affaires étrangères a choisi Twitter pour cadrer ses attentes de la reprise de la coopération diplomatique avec le Maroc. Il est fort probable que Mme Baerbock voulait éviter que son message soit noyé dans la très protocolaire déclaration conjointe qui a clôturée sa rencontre avec Bourita.

Dans son premier tweet, la diplomatie allemande a exprimé clairement sa priorité : la reprise de la coopération dans l’énergie solaire.

« Le Maroc s’engage dans la lutte contre la crise climatique et établit des normes dans la région. Nous travaillons en étroite collaboration sur la transition énergétique et obtenons de bons résultats : le parc solaire Noor fournit de l’électricité à 1,3 million de personnes.» a écrit le département de Mme Baerbock sur twitter.

La publication a été accompagnée par la fameuse photo «The Bold & The Beautiful».

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Le second post du ministère a été consacré aux intérêts des entreprises allemandes au Maroc. Les opérateurs germaniques ont dû subir de plein fouet l’audace de la diplomatie marocaine et les mauvaises aventures de Mme 007 de la AHK.

Cette publication nous informe que le gouvernement allemand souhaite avoir avec le Maroc un «un dialogue stratégique global» et permettre plus de dynamique au profit de ses acteurs économiques.

«Plus de 160 entreprises allemandes actives au Maroc le montrent : L’intérêt mutuel est grand. L’année prochaine, nous souhaitons rencontrer le Maroc dans le cadre d’un dialogue stratégique global», a ajouté le Ministère allemand.

Le dernier message que la diplomatie allemande a souhaité graver sur le marbre est celui de la convergence des idées concernant la guerre en Ukraine.

«Il existe également des points communs en matière de politique étrangère : Le fait que le Maroc ait clairement condamné, avec la communauté internationale, la guerre d’agression russe lors de deux votes à l’ONU est un signe fort», a conclut le département de Mme Baerbock.

Sahara, Dialogue inter-libyen, Droits de l’homme et football

Le Ministère des Affaires Étrangères marocain a publié pour sa part une infographie rappelant les points importants de la déclaration de la Cheffe de la diplomatie allemande lors de la conférence de presse conjointe.

Le département de Nasser Bourita a mis en exergue cinq points abordés par Mme Baerbock :

  1. L’intérêt de l’Allemagne a reprendre la coopération avec le Maroc sur le projet Noor de Masen.
  2. Soutien du gouvernement allemand du plan marocain d’autonomie au Sahara.
  3. L’engagement allemand de consulter la partie marocaine sur le dossier du dialogue inter-libyen
  4. L’Allemagne cadre son action droit-de-l’hommiste au Maroc pour la circonscrire à la promotion des droits de la femme à travers le sport.
  5. L’Allemagne apporte son soutien à la candidature conjointe du Maroc, de l’Espagne et du Portugal pour l’organisation de la Coupe du Monde 2030.

Bourita passe l’éponge

Henry Kissinger a dit : «Un bon diplomate est celui qui parvient à quitter un pays en laissant la certitude qu’il reviendra». Nasser Bourita a-t-il réussi a laisser cette impression ?

En tout cas, le Chef de la diplomatie marocaine a tout fait pour. Hormis, son beau costume de fête et son large source, ses déclarations montrent que l’homme veut passer l’éponge et rafistoler les les carreaux fêlés.

Annalena Bearbock ne lui a d’ailleurs pas compliqué la tâche. Elle a eu l’excellente idée de faire visiter son invité les «Archives Politiques» du Ministère des Affaires Etrangères d’Allemagne. Nasser Bourita a eu la chance de consulter des documents diplomatiques originaux historiques. Notamment :

  1. Un instrument de ratification marocain datant du 28 mars 1891, apposé au traité de commerce germano-marocain du 1er juin 1890.
  2. Une lettre du Sultan Hassan 1er datant de mars 1874 à l’Empereur Guillaume 1er en réponse aux lettres de créance du tout premier Ministre Résident allemand au Maroc, Friedrich von Gülich.
  3. Des lettres de créance du Représentant Spécial du Maroc en Allemagne «Sidi Tibi Ben Hima» datant de 1878.

Durant son point de presse, Bourita a structuré la politique étrangère nouvelle du Royaume envers l’Allemagne autours de six (6) points :

  1. Le Maroc passe l’éponge et avance. Il reconnait les bonnes intentions exprimées dernièrement par le gouvernement allemand à savoir la visite officielle de Mme Baerbock et la lettre adressée par le président allemand au Roi Mohammed VI
  2. La reprise des relations s’inscrit dans la durée avec la programmation d’un Dialogue Stratégique pour 2024.
  3. Rappelle l’importance du Maroc dans le continent africain y compris pour les intérêts économiques allemands.
  4. Le Maroc montre sa bonne volonté à coopérer avec l’Allemagne sur le sujet de la sécurité et de l’immigration. Un sujet qui n’a pas été mis en avant par la partie allemande.
  5. Le Maroc insiste sur son rôle constructif et incontournable dans les processus de paix en Libye et au Moyen-Orient. Les deux parties, aussi bien l’allemande que la marocaine, sont rester très vague au sujet du MO. Si le sujet Palestinien paraît évident, d’autres dossiers chauds, comme la réhabilitation de Bachar al-Assad, la normalisation avec l’Iran ou le conflit au Soudan le sont moins.
  6. Le Maroc se dit prêt à adresser les problématiques de lutte contre le terrorisme et de changement climatique dont fait face le continent africain de manière concertée avec l’Allemagne. Les deux diplomates n’ont pas pipé un mot au sujet du Sahel.

Après «Crime and Punishment», «The Bold and The Beautiful»

La mort de la diplomatie fait entrer le monde dans une ère dangereuse, les conflits interétatiques devenant la «nouvelle normalité». Le Maroc l’a vécu avec l’Allemagne, qui n’a pas vu la crise ukrainienne venir et le vit toujours avec l’Algérie qui refuse depuis des années la main tendue par le Roi Mohammed VI.

Nous observons sous hypnose, l’évolution accélérée du monde dans une direction risquée. Des continents entiers se déstabilisent, à l’image de l’Europe, augmentant les risques d’éclatement de nouvelles guerres.

Des États-Unis distraits, une pression économique croissante et une tendance de plus en plus marquée des nations à abandonner la diplomatie au profit de la guerre constituent un nouveau statu quo dangereux.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie attire l’attention du monde entier, les tensions qui éclatent ailleurs passent inaperçues. Le pire que la communauté internationale, jadis très soucieuse de la paix, ne fait plus grand-chose pour calmer le jeu. Bien au contraire, son silence fait d’elle complice du chaos mondial.

Surtout que les effets de la guerre en Ukraine ont fait boule de neige et influencent la politique d’autres nations.

L’Allemagne est malheureusement l’exemple type de cette complicité passive. Quand bien même, elle est le premier pays à payer le prix cher de la guerre en Ukraine, elle continue à soutenir aveuglement l’Algérie et sa politique étrangère destructrice. Une Algérie qui ne se cache pas de soutenir la Russie de Poutine.

Le maroc a montré sa détermination et compte sur le pragmatisme légendaire allemand qui a fait du pays la locomotive économique de l’Europe.

Après le thriller «Crime and Punishment», le couple Maroco-allemand vivra-t-il une ère à l’eau de rose aussi longue que le feuilleton fleuve «The Bold and The Beautiful» ?

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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