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ALE Maroc – Turquie: Zakaria Garti pointe du doigt la faiblesse structurelle de l’industrie marocaine

Le ton est monté d'un cran entre Rabat et Ankara au sujet des Accords de Libre-échange. L'ultimatum donné par le ministre de l'Industrie, du commerce, de l'économie verte et numérique, Moulay Hafid Elalamy, à l'enseigne du hard discount turque BIM, de «vendre marocain ou partir», marque une escalade sans précédent contre les intérêts turques au Maroc, suscitant de nombreuses réactions des médias et de l'opinion publique.

Zakaria Garti, co-fondateur du Mouvement Maan, n'a pas manqué de réagir à son tour à ce sujet. Dans un post publié sur son compte Facebook, M. Garti a dénoncé la récupération de ce débat par «certains partis politiques» dans le seul objectif de «régler leurs comptes». Puis, tout en rappelant l'historique de la signature des ALE avec la Turquie, il pointera du doigt le manque de compétitivité de notre industrie avant d'applaudir les propositions de l'ASMEX et de l'Alliance des Économistes du Parti de Nizar Baraka pour sortir de cette impasse.

Avec l'accord de l'intéressé, nous publions, ci-après, le texte intégral de sa contribution à ce débat.


Beaucoup de bruit autour des ALE et notamment celui avec la Turquie. Le débat prend ainsi une tournure politique entre les pros et les anti-Turquie (alors qu’il s’agit d’abord des intérêts de notre pays).
Certains partis politiques profitent, comme à l’accoutumé, de ce sujet, pour régler leurs comptes.

Cependant, certaines discussions que j’ai eues ainsi que la lecture de quelques articles intéressant à ce sujet, me permettent de dégager les remarques suivantes:

  • Ce sont les acteurs de textile qui ont voulu cet accord (conclu en 2006) car les marocains avaient besoin de se procurer d’une matière première clé dans le processus industriel de fabrication de tissu : le fil. Ce dernier étant produit en bonne quantité (et qualité) par les trucs. De plus, importer de Turquie, un pays ayant un accord de libre échange avec l’UE, nous permettait de garantir un minimum de valeur ajoutée locale et de réexporter en UE. Ce qui est scandaleux est notre incapacité de fabriquer un produit tel que le fil ! Mais ça c’est un autre débat.
  • Au lieu d’exporter le fil, les turcs ont envahi le marché marocain en exportant des produits finis, tuant ainsi l’industrie locale (ou ce qu’il en reste). La faute incombe aux autorités marocaines qui ont peu soutenu le secteur et à la quasi absence de volonté des industriels marocains de se moderniser. Il faut souligner aussi l’appui massif des autorités turques à leurs textiliens (dons, exonérations fiscales, etc).
  • Au fil du temps, la balance commerciale avec la Turquie s’est dégradée car l’industrie turque est extrêmement diversifiée et offre de nombreux produits de substitution aux produits européens (par exemple appareils d’électroménagers. Beko le turque contre Bosch l’allemand par ex). Ceci a permis aux classes moyennes marocaines (découvrant les joies de la grande consommation) d’accéder à de nombreux produits à prix raisonnable. On peut donc parler d’un déplacement (relatif) du déficit commercial de l’UE vers la Turquie …
  • Cependant, les Turques et ce contrairement aux européens, ont limité leur coopération économique avec le Maroc à une simple relation commerciale. Nous avons beau critiqué les européens, mais ces derniers investissent massivement au Maroc. Par exemple, la France est derrière presque 70% des IDE dans le secteur automobile au Maroc sur la période 2012-2017 (selon un excellent rapport de la DEPF sur le secteur automobile). Les trucs n’ont presque rien investi au Maroc…
  • Même en ouvrant le marché turque aux exportations marocaines, les turques ont eu recours à de nombreuses mesures protectionnistes non-tarifaires. Par exemple les produits marocains sont souvent bloqués aux douanes.

Certains partis politiques profitent, comme à l’accoutumé, de ce sujet, pour régler leurs comptes.

Pour conclure, les déficits commerciaux que nous avons avec de nombreux partenaires ne sont pas dus à la nature de ces ALE, mais à la faiblesse structurelle de notre industrie qui reste peu compétitive. Il est inutile de rappeler que les différents ALE ne sont pas entrés en vigueur dès leur signature, mais le Maroc a bénéficié d’un délai de plusieurs années pour améliorer sa compétitivité … Rien ou peu de choses ont été faites à ce sujet !!!

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Nous avons beau critiqué les européens, mais ces derniers investissent massivement au Maroc.

Comment sortir cette impasse ? Les propositions de l’ASMEX et de l’Alliance de Économistes du PI sont excellentes :

  1. Exclure certains produits de l’ALE avec la Turquie;
  2. Taper du poing sur la table concernant les délais abusifs de passage aux douanes turques;
  3. « Encourager » les turques à investir au Maroc plutôt que de limiter la coopération économique entre les deux pays aux échanges commerciaux.

Mais ces mesures palliatives n’auraient qu’un effet limité, car sans un véritable soutien à notre industrie et une volonté de nos industriels de se moderniser et de sortir des schémas rentiers, notre balance commerciale restera éternellement et structurellement déficitaire.

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