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L’émulation désordonnée franco-italienne sur le dossier libyen – Partie I : L’offensive française

La France et l'Italie se sont livrés depuis la chute de Kaddafi à une guerre qui ne dit pas son nom, où le pétrole et l’immigration constituent des enjeux qui risquent de bouleverser l’avenir même du vieux continent. L’offensive diplomatique du président français, Emmanuel Macron, a envenimé les relations entre Paris et Rome. En face, la montée de la droite italienne qui a porté Mateo Salvini au pouvoir, annonce des mois difficiles entre les deux pays sur le théâtre libyen. Et afin d’éclairer nos lecteurs sur cette galaxie complexe du fait libyen, et à quelques semaines de la tenue de la Conférence Internationale sur la Migration (CIM 2018) à Marrakech, nous publierons régulièrement des analyses sur les enjeux de l’immigration qui risquent de bouleverser la stabilité de l’Afrique du nord. Aujourd’hui, nous reproduisons, avec l’accord de l’auteur et de la publication, et en trois parties, une étude publiée dans la revue Défense Nationale, portail d’intelligence, réalisée par le géo-politologue, Mohamed Faraj BEN LAMMA, intitulée "L'émulation désordonnée franco-italienne sur le dossier libyen". Cette analyse décortique les enjeux géostratégiques et géopolitiques de la question libyenne et ses ramifications régionales, continentales et internationales.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.

Sept ans après La le déclenchement de l’opération "Aube de l'Odyssée"de 2011, les progrès sur les fronts politiques, sécuritaires, économiques se font attendre. La guerre civile libyenne est liée à l’échec de de l’Odyssée l’État post-Kadhafi, à son incapacité à établir une autorité effective et à son impuissance pour réduire les divergences profondes sur la structure politique du pays. Une dynamique vertueuse était envisageable en décembre 2015 avant l’entrée en vigueur d’un accord politique visant à la mise en place d’un gouvernement d’entente destiné à préparer l’organisation d’un référendum sur le projet de Constitution et, dans la foulée, des élections législatives. Maintenant les perspectives sont de plus en plus incertaines. Le résultat net a été une accumulation de facto de leaders de la transition ayant des revendications de légitimité concurrentes et qui se sont enfermés dans une lutte politique peu concluante.

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Très actif, sur la scène diplomatique, le président français, Emmanuel Macron, vient en quelque sorte conforter son plan de sortie de crise libyenne qui prévoit lui aussi la tenue d’élections législatives et présidentielles sous supervision internationale avant la fin de l’année 2018. Sur le papier, la Conférence de Paris (mai 2018) est une nouvelle victoire pour la France qui montre, au moins au plan diplomatique, qu’elle mène le jeu dans l’affaire libyenne. Le désir de relancer le plan du représentant de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, pour des élections dans l’année est infiniment plus complexe dans la réalité.

La nouvelle feuille de route commune est centrée sur le processus électoral, élément clé de la stratégie de sortie de crise du chef de la mission de l’ONU. La déclaration commune contient un préambule et huit paragraphes d’engagements dont six sont liés au processus des prochaines élections générales présidentielles et législatives qui auront lieu le 10 décembre 2018. Les autres engagements concernent l’unification des institutions de l’État, y compris les institutions militaires et sécuritaires ainsi que la Banque centrale libyenne ; elles prétendent mettre fin à la duplication des institutions gouvernementales. Cependant, l’accord conclu entre les plus importants dirigeants libyens, mais sans signature officielle, est une déclaration d’intention qui n’attend que l’épreuve des faits.

L’initiative française : une solution difficilement réalisable

Le Sommet de Paris sur la Libye n’a pas été accueilli chaleureusement par l’Italie en raison des divergences de vues sur la manière de résoudre la situation, et notamment quant à la tenue d’un scrutin présidentiel et législatif avant la fin de l’année. La diplomatie française voit l’organisation de ces élections comme la priorité, avant même le référendum constitutionnel. Ce sont des objectifs louables en principe mais la tenue de ce scrutin avant la fin de l’année est également irréaliste d’un point de vue strictement constitutionnel et sécuritaire. Il serait difficile de tenir des élections cette année parce que les partis libyens doivent se mettre d’accord pour voter sur un projet de Constitution, soit en promulguant une nouvelle loi électorale, soit en adoptant la déclaration constitutionnelle provisoire qui a suivi le soulèvement en Libye. Or sans base constitutionnelle, il y a peu de chances que des élections libres et sincères puissent être organisées dans les délais voulus.

Par ailleurs, la question des élections reste celle de conditions de sécurité loin d’être réunies pour crédibiliser le scrutin et en faire respecter le résultat. En Libye, il n’y a pas de forces de sécurité nationales pour superviser des élections ou des institutions nationales efficaces à même de décider de recours judiciaires. Est-il donc possible d’organiser un scrutin dans un pays où quelque 25 millions d’armes circulent sans contrôle ? L’autre défi majeur sera de sécuriser les bureaux de vote alors que les enlèvements et les assassinats sont devenus monnaie courante, à l’instar de celui du siège de la Commission électorale nationale à Tripoli visé par des kamikazes en mai, tuant au moins 12 personnes . Dans ces conditions, on peut légitimement s’interroger sur la sécurité des bureaux de vote quand la Commission électorale nationale qui organiserait les élections envisagées est vulnérable aux attaques meurtrières des groupes de militants.

Docteur en Sciences politiques, ancien doyen de la faculté d’Économie
et de Science politique de l’Université Zaytouna (Libye). Spécialiste des
questions stratégiques « Méditerranée – Afrique subsaharienne ».

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