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La guerre d’information, analyse d’un expert Marocain en intelligence stratégique et économique

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Fake news, cette expression si chère à Donald Trump, est un phénomène ancien, qui a pris une dimension inquiétante avec le développement des réseaux sociaux. C’est à l’automne 2016, et pendant l’élection présidentielle américaine, que l’usage du terme “Fake news” a explosé. D’ailleurs le nouveau président américain en a fait la base de sa stratégie de communication disruptive. Les fake news, ou infox, (nouvelle expression adoptée par l’Académie française), empoisonnent la vie des médias qui se font piéger quotidiennement par un flux de plus en plus important de fausses informations. Les gouvernements et les personnalités publiques sont également la cible de campagnes des fois structurées, pour des motivations diverses : business lucratif, influence politique ou propagande idéologiques. C’est sur ce sujet épineux, qu’un expert marocain en intelligence stratégique et économique, Anas Chaker, ingénieur Télécom de formation, préparant un master de l’Ecole de Guerre Economique – EGE Paris, nous livre dans une note de recherche, qu’on publiera en deux parties, les typologies des fakes news et une proposition de pistes de gestion et de protection contre la désinformation.

Mind Map qui résume les typologies des fakes news et leurs objectifs

PARTIE I :  LES TYPOLOGIES DES FAKES NEWS

La désinformation, Fake news, Infox … fut depuis la nuit des temps une technique de guerre destinée à détruire et déstabiliser l’ennemie avec un minimum de force. Sun Tzu, le grand général chinois avait expliqué dans son ouvrage « l’art de la guerre », les principes de la désinformation, il voyait à l’époque que la désinformation était une technique de guerre efficace « l’art suprême de la guerre c’est de soumettre l’ennemi sans combattre ».

Néanmoins, à l’époque contemporaine, le développement d’internet et des réseaux sociaux a permis à ce phénomène protéiforme d’exploser et de devenir le champ de bataille favoris des guerriers de la désinformation.

Essayons donc de comprendre les « pourquoi » et les causes d’utilisation de cet outil stratégique de la guerre d’information, les typologies des fake news, les acteurs principaux, les moyens utilisés pour manipuler l’information, et comment réagir face à des fake news.

Pourquoi se laisser désinformer ?

On ne peut pas lutter contre un problème si l’on n’est pas capable d’identifier ses causes et ses racines, les Fake news se propagent surtout dans un environnement fragile où l’être humain représente le récepteur principal de l’information, la cible alors est l’opinion publique, ce dernier se laisse désinformer pour deux causes :

  • Causes liées principalement à la nature de l’être humain (le récepteur de l’information), sa tendance est de privilégier les informations qui confirment ses hypothèses et le met en posture de confort. C’est surtout un phénomène psychologique chez l’être humain.
  • Causes liées directement à l’environnement global de nos sociétés, où la confiance des individus en leurs institutions continue de chuter, pratiquement toutes le institutions (gouvernement, média …) sont affectées pas la baisse de la confiance des citoyens, cette crise de confiance s’installe solidement dans le monde, ce qui rend difficile d’établir une relation de confiance entre les institutions et les citoyens, et permet aux Fake news d’occuper un espace plus large dans la vie quotidienne du récepteur (le citoyen).

L’arrivé des réseaux sociaux et la révolution numérique ont également déplacé la source de l’information d’un échiquier officiel et traditionnel (Journaux, Radio, Télé …) à un échiquier virtuel non contrôlé (Facebook, Twitter, YouTube …) où la publication et la diffusion des fausses informations se fait avec une vitesse de propagation ultra rapide, ce qui rend difficile le ralentissement des fausses rumeurs dans un court lapse de temps.

Les Typologies des Fake news

Coup d’état en Turquie, Fake news de propagande ?

Le 15 juillet 2016, des chars appartenant à l’armée Turque ont occupé le pont stratégique du Bosphore à Istanbul. Le siège de la chaîne publique Turque a été investi. Des chars ont pris le contrôle de l’aéroport d’Ankara.

Les informations en provenance d’Ankara, prouvaient qu’il s’agissait d’un coup d’état, mais quelques détails de taille ont démontré le contraire, et ont contribué à la thèse d’une pièce de théâtre orchestré par le régime d’Erdogan et ses services de renseignement, et que cette histoire n’est qu’une Fake news de propagande :

  • Le moyen de communication utilisé par les généraux pour gérer et mener cette opération n’était que WhatsApp (information provenant des sécuritaires pro-régime), alors que tout le monde sait que les militaires utilisent des moyens de communications plus sécurisés et impossible à décrypter facilement, et non pas des applications utilisées par les citoyens lambda.
  • Au moment où le coup d’état était annoncé, l’avion présidentiel qui transportait Erdogan, survolait sans aucun problème l’espace aérien turque, sans craindre d’être abattu pas les avions de chasse de l’armée turque.
  • Au moment où l’accès aux réseaux sociaux a été bloqué par les Putschistes (selon les déclarations officielles des média turque), le 1er ministre turque Binali Yildirim a soudainement commencé à envoyer des messages sur Twitter 30 min après le déclanchement du coup d’état. Le 1er ministre était le seul à pouvoir utilisé les réseaux sociaux en Turquie.

Finalement l’arrestation de plus de 10000 militaires, plus de 8000 policiers et 2000 juges, ainsi que la réforme constitutionnelle qui suivi ce « coup d’état » et qui renforça considérablement les pouvoirs du président turque, nous mène à se poser des questions sur la réalité et les dessous de cette opération orchestrée par le régime turc, et constater derrière si ce n’était qu’une fake news de propagande qui provenait du régime turque et avait pour but d’endoctriner ainsi qu’imposer une fausse vérité pour atteindre des objectifs politiques ?

L’Iran, guerre continue de désinformation dans la région MENA

21 Aout 2018, Facebook a annoncé avoir stoppé des campagnes de désinformations iraniennes visant plusieurs pays. Le géant Américain a déclaré qu’il s’agissait de campagnes et d’opérations de manipulations.

Facebook a également reconnu qu’il avait collaboré avec la police et des experts en cyber sécurité pour pouvoir fermer plus de 650 pages et groupes « inauthentiques » initiés d’Iran qui visaient des personnalités politiques, des états en moyen orient et nord d’Afrique. Sachant que l’Iran à des enjeux stratégiques dans la zone du proche orient et cherche à jouer un rôle du leadership dans cette région, essentiellement afin de prendre le contrôle total de deux passages géostratégiques dans la région « Le détroit d’Ormuz » et « Bab-el-Mandeb » par où transite un bon tiers du trafic pétrolier mondial.

L’ordre géopolitique régional s’est trouvé bouleversé à cause du réveil Iranien, ce qui explique cette guerre d’information menée aujourd’hui par l’Iran en utilisant cette arme puissante de Fake news, spécialement la désinformation ayant pour objectif la manipulation en créant des rumeurs dans la perspective de faire agir les personnes qui lisent.

Maroc, victime d’une guerre de Fake news complotiste

11 Novembre 2010, l’agence de presse officielle espagnole « EFE » a diffusé une photo d’enfants blessés à la tête recevant des soins dans un hôpital, prétendant qu’il s’agit d’une violence des forces armées marocaines lors de l’évacuation du camp de Gdeim Izik au Sahara Marocain. Il s’est avéré que cette photo reprise pas les grands journaux espagnols, avait en réalité été prise en Palestine en 2006 lors d’une agression israélienne contre les enfants de Gaza.

Ce genre d’attitude est devenu monnaie courante chez les médias Espagnols quand il s’agit du Maroc, puisque la chaîne de télévision espagnole « Antenna 3 » fait preuve d’une haine viscérale contre le Maroc en diffusant quelques jours après des photos d’archive faussement attribuées aux dépouilles de quatre personnes représentées comme des « victimes » de violences survenue à Laâyoune au Sahara Marocain

Il s’agit là encore d’une preuve de guerre de désinformation ayant comme objectif la déstabilisation du Maroc et la détérioration de son image. Elle est menée et orchestrée par les médias Espagnols sur des causes justes du Royaume, notamment la question de l’intégrité territoriale du Maroc.

Les photos diffusées par « Antenna 3 » sont en réalité celles relatives à un crime abominable commis il y a plusieurs mois à Casablanca.

La typologie de ces Infox, a pour but la déstabilisation de la cible, et se définit comme étant des Fake news complotiste provenant de personnes, groupes ou organisme, qui se disent de « contre-pouvoir ». Elles visent à faire croire que les autorités Marocaines mentent volontairement sur des sujets graves et cachent de terribles secrets et images sur ce qui se passe au Sahara Marocain.

Campagne de boycott au Maroc, exemple de fake news d’opinion

L’appel au boycott contre 3 entreprises au Maroc lancé le 20 Avril 2018, a connu une véritable campagne de désinformation coordonnée à travers des pages Facebook, qui véhiculaient de fausses informations, via des photos destinées à faire une campagne d’influence néfaste, démontrant que les prix des produits de ces entreprises sont moins chers en Europe qu’au Maroc, information qui s’avèrent fausses.

Ce type de Fake news a pour but d’imposer une idée pour produire un effet, elle est souvent créée afin d’appuyer l’avis d’une personne ou d’un groupe de personnes afin d’imposer une idée et occuper de l’espace dans le champ de bataille informationnel.

Anas Chaker est un expert en Intelligence Stratégique et Economique. Il a à son actif 10 années d'expérience professionnelle en tant qu'ingénieur télécom dans la gestion des projets et des opérations au Maroc, Mali, Mauritanie, Portugal, l'Arabie saoudite et actuellement en France au sein de multinationales telles que Huawei et Thales.
Futur lauréat de l’Ecole de Guerre Economique – EGE Paris, il publie régulièrement des articles et analyses notamment sur la portail infoguerre.fr, un centre de réflexion sur la Guerre Economique.

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