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Tunisie : Suspension de l’Accord de Carthage et incertitude politique à l’horizon

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Tous les regards en Tunisie étaient braqués ce lundi sur le Palais de Carthage et la réunion sous la présidence du Chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi regroupant les signataires de l’Accord pour trancher le dernier point litigieux à savoir le maintien ou non de l’actuel premier ministre, Youssef Chahed. La réunion de ce lundi n’a pas réussi à débloquer la situation et a tourné court. Chacun des protagonistes a campé sur ses positions, obligeant Caïd Essebsi à suspendre cet Accord censé établir une feuille de route pour essayer de sortir le pays de la crise économique, sociale et politique dans laquelle est cantonnée la Tunisie avant la tenue d’élections législatives et présidentielles en 2019.

La suspension de l’Accord de Carthage est un réel échec politique pour le président de la République qui a lancé l’initiative. Des experts et des analystes lui reprochent d’avoir essayé de contourner les prérogatives du parlement. Le chef du mouvement islamiste d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, s’est empressé de dédouaner son mouvement de cet échec.

Encore une fois la Tunisie fait face à ses propres démons de tiraillements politiques et partisans jetant le pays dans l’incertitude et les surenchères politiciennes.

Le film des événements

Dans la Tunisie «post-révolutionnaire», on a tout vu. Mais la meilleure revient à Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif du parti Nidaa Tounes, fondé par son père, le président de la République, Béji Caïd Essebsi.

Caïd Essebsi Junior tient depuis quelque temps à avoir la peau de l’actuel chef de gouvernement Youssef Chahed, non seulement issu de son parti, mais c’est bien lui qui l’a soutenu pour ce poste. Youssef Chahed a remplacé à la tête du gouvernement, Habib Essid, limogé et traîné dans la boue en juillet 2016.

Le président Essebsi a trouvé une parade en lançant son initiative d’ «Union nationale» -pour se débarrasser d’Essid- appelée Accord de Carthage signé par des partis politiques et des organisations nationales. Il s’agit d’une feuille de route pour tenter de sortir le pays de la crise multiforme dans laquelle il se débat.

Pour accomplir cette tâche, on a désigné en août 2016, Youssef Chahed, 40 ans, une première en Tunisie, au poste de premier ministre. Sa nomination a fait l’objet d’un communiqué de Hafedh Caïd Essebsi et de son parti saluant «l’audace» de sa désignation, «un message fort pour l’intérieur et l’étranger disant que l’avenir de la Tunisie est dans ses jeunes».

Ennahdha méfiant et prudent

Aujourd’hui, c’est tout à fait le monde à l’envers. Hafedh Caïd Essebsi fait depuis quelque temps des mains et des pieds pour se débarrasser de Youssef Chached. Il l’a descendu en flammes dans un post sur facebook le 23 mai courant défiant quiconque qui lui présentera une seule réalisation du gouvernement Chahed.

Ce lâchage intervient au moment où l’initiative du père Essebsi s’est transformée en un deuxième accord appelé «Carthage II». Pour encore une fois établir une nouvelle feuille de route à même de résoudre les problèmes qui paralysent le pays.

Les parties prenantes s’étaient mises d’accord sur 63 points lors de leur réunion le vendredi 23 mai, mais ont achoppé sur le 64ème en l’occurrence le limogeage de Youssef Chahed et changement de gouvernement.

Et c’est encore le fils du président soutenu notamment par la puissante centrale syndicale l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) qui est derrière ce blocage alors que le chef du mouvement islamiste d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, tient à Youssef Chahed. Ce dernier qui a gagné en popularité auprès de l’opinion publique tunisienne, commençait à déranger le gourou islamiste pour ses visées sur le Palais de Carthage pour l’élection présidentielle de 2019 n’hésitant pas à lui demander lors d’une interview accordée à la chaîne Nessma le 1er août 2017 de se porter candidat à la présidentielle .

Le «Majles Echoura» ou parlement du parti Ennahdha s’est réuni tout au long de la journée d’hier dimanche pour débattre du sort qui doit être réservé au «Soldat Chahed». Dans la soirée, le porte-parole de ce mouvement a déclaré qu’Ennahdha soutient le maintien de Youssef Chahed à la tête du gouvernement tout en appelant à un remaniement partiel pour «préserver le consensus, la stabilité et la sécurité du pays».

Ainsi Ghannouchi fera d’une pierre plusieurs coup, neutraliser la candidature éventuelle du premier ministre pour la présidentielle qui pourrait le gêner dans sa marche vers le palais de Carthage et laminer davantage son rival Nidaa Tounes qui porte, avec Hafedh Caïd Essebsi à sa tête, le germe de sa destruction, de l’avis de la majorité des observateurs politiques tunisiens.

Si Chahed a été abandonné par Hafedh Caïd Essebssi, ce dernier a été désavoué par un nombre de ses députés qui n’ont pas hésité à apporter leur soutien au premier ministre, accusant Essebsi Junior de mener Nidaa Tounes à sa perte. Et il continue de mobiliser contre Chahed. Ainsi, il a invité dimanche soir 10 de ses ministres à un Iftar, trois n’ont pas répondu à l’appel.

Noureddine Boughanmi, journaliste polyglotte avec plus de trois décennies d'expérience dans différents supports marocains et étrangers. Passionné de littérature, d'actualité et d'art, il a interviewé, en français, en anglais et en arabe des dizaines d'acteurs politiques de renommée mondiale. Durant les années 1980 et 1990 il a roulé sa bosse entre la Tunisie, la France, l'Indonésie, l'Afrique du Sud avant de s'installer définitivement au Maroc

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