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GAFA

L’UE dévoile son plan pour dompter les géants du numérique

Une liste d’obligations et d’interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non respect, l’UE présente mardi son plan pour imposer enfin sa loi aux géants du numérique accusés d’abuser de leur pouvoir sans assumer leurs responsabilités.

C’est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir en amont, avant que des dérives soient constatées.

«L’objectif n’est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu’elles fassent peser des risques sur notre démocratie», a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui porte le dossier avec la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.

Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne… La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.

Mais ces nouveaux services, devenus indispensables, engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l’information, mort du petit commerce, tendance des géants à former des conglomérats limitant la concurrence…

L’exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s’engouffrent les entreprises.

Premier volet: le Règlement sur les Services Numériques (« Digital Services Act », DSA) doit responsabiliser l’ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu’elles accueillent et coopérer avec les autorités.

Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d’aujourd’hui n’étaient encore que de jeunes pousses, voire n’existaient pas encore.

Deuxième volet: le Règlement sur les Marchés Numériques (« Digital Markets Act », DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit « systémiques », une dizaine d’entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq « Gafam » (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Les GAFA devront changer significativement leur façon de procéder

Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l’utilisation des données privées, au cœur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d’acquisition de firme en Europe.

Ces champions de la valorisation boursière sont accusés d’imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.

Ils devront «changer significativement leur façon de procéder», a affirmé M. Breton, estimant que l’espace numérique devait profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.

A ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu’à 10% du chiffre d’affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l’obligation de céder des activités en Europe.

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d’affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée «en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens».

Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu’aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d’avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorisera l’émergence d’acteurs européens, alors que l’UE accuse un retard inquiétant dans la nouvelle économie.

Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet, comme l’a révélé la fuite en novembre d’un document interne de Google évoquant une volonté d’affaiblir Thierry Breton.

Le projet de la Commission risque d’aboutir à «des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques», estime Kayvan Hazemi-Jebelli, en charge des questions de concurrence pour La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente des entreprises du secteur. Il y voit un danger pour l’innovation et la croissance en Europe.

Le Canada et la France prévoient de taxer les géants du numérique

Le Canada prévoit de mettre en place le 1er janvier 2022 un système de taxation des géants du numérique tandis qu’en France la taxe GAFA sera bien prélevée dès cette année.

Avec Reuters

La France imposera une taxe numérique malgré les menaces américaines sur 1,3 milliard de dollars de produits français, notamment les sacs à main et les cosmétiques.

La perspective de représailles douanières américaines en janvier ne dissuadera pas la France d’instaurer une taxe numérique et Paris réclamerait immédiatement une riposte de l’Union européenne si les Etats-Unis prenaient de telles mesures, a déclaré mardi Bruno Le Maire.

«Je redis que nous ne plierons pas face à des menaces de sanctions ou des possibilités de sanctions», a déclaré le ministre de l’Economie à l’issue d’un conseil avec ses homologues européens, évoquant une menace contre 1,3 milliard de dollars (1,09 milliard d’euros) de produits français exportés aux Etats-Unis, notamment dans la cosmétique et la maroquinerie.

«S’il devait y avoir des sanctions américaines contre la décision française (…), nous demanderions immédiatement une riposte au niveau européen», a-t-il ajouté.

Le Canada prévoit pour sa part de taxer les géants du numérique à compter de 2022

Le Canada prévoit de mettre en place le 1er janvier 2022 un système de taxation des géants du numérique qui restera en vigueur tant que les principales puissances mondiales n’auront pas établi une approche coordonnée sur la question, a déclaré lundi le département des Finances.

Ottawa s’est dit préoccupé par les retards dans la conclusion d’un accord sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). En octobre, les quelque 140 pays impliqués dans les négociations sur le sujet ont décidé de prolonger les échanges jusqu’à la mi-2021.

L’administration américaine de Donald Trump, dont certains ont mis en doute la volonté réelle de parvenir à un accord sur cette vaste réforme de la fiscalité transfrontalière, a menacé d’imposer au Canada des droits de douane en cas d’instauration d’une «taxe numérique».

La France met en œuvre sa taxe sur les géants du numérique

Le ministère français des Finances a annoncé mercredi avoir adressé, comme prévu, un avis d’imposition aux grandes entreprises technologiques assujetties à la taxe sur les services numériques pour les enjoindre à s’acquitter des montants dus.

La collecte de cet impôt, qui touchera des groupes comme Facebook et Amazon.com, avait été suspendue pour permettre que la négociation conduite par l’Organisation pour la coopération et de la développement économiques (OCDE) aboutisse à une solution internationale.

L’OCDE travaille sur un plan visant à contraindre les entreprises du numérique à s’acquitter de leurs impôts dans les pays où elles génèrent leurs profits plutôt que dans des entités fiscalement plus favorables où elles font enregistrer leurs filiales.

La France avait cependant prévenu que si le blocage des discussions pilotées par l’OCDE persistait, elle mettrait en oeuvre sa propre taxe. En octobre, les quelque 140 pays impliquées dans les négociations sur le sujet ont décidé de prolonger jusqu’à la mi-2021 les discussions.

«Les entreprises assujetties à cette taxe (taxe numérique) ont reçu un avis d’imposition pour le versement des acomptes de 2020», a déclaré un responsable du ministère des Finances.

Le Parlement français a adopté en 2019 une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires des entreprises dégageant des revenus supérieurs à 25 millions d’euros dans l’Hexagone et 750 millions d’euros dans le monde. La France espérait alors à l’époque que cet impôt rapporterait environ 500 millions d’euros cette année, mais le projet de finances 2021 l’évalue désormais à 400 millions.

La position de Facebook est «de se conformer à toutes les lois fiscales dans les juridictions où nous opérons», indique le réseau social dans sa politique générale. D’autres groupes technologiques ont fait des déclarations similaires.

La France a indiqué qu’elle mettrait fin à cette taxe dès qu’un accord au sein de l’OCDE serait conclu.

«Nous prélèverons cette taxe numérique à la mi-décembre, comme nous l’avons toujours expliqué à l’administration américaine», avait déclaré lundi le ministre des Finances, Bruno Le Maire.

Il avait ajouté souhaiter que la future administration soutienne rapidement le principe d’une réorganisation de la fiscalité internationale des entreprises numériques, alors que Donald Trump s’est montré réticent à un accord multilatéral sur le sujet, dans un contexte de pandémie de coronavirus.

«Notre objectif reste de parvenir à un accord de l’OCDE d’ici les premiers mois de 2021 car nous restons profondément convaincus que (…) la meilleure façon de traiter cette question importante de la fiscalité numérique est d’obtenir un accord multilatéral dans le cadre de l’OCDE», avait également dit Bruno Le Maire.

Taxe GAFA, l’OCDE confiante

Les négociateurs qui tentent de s’accorder sur une taxe internationale sur le numérique disposent désormais d’une «base très solide» pour finaliser le processus, a déclaré mardi Pascal Saint-Amans, qui pilote ce dossier à l’OCDE.

Avec Reuters

«Il y a une dynamique en Europe, il y a une dynamique aux Etats-Unis», a-t-il dit lors d’une intervention à distance devant l’Institut irlandais des affaires internationales et européennes, ajoutant que l’OCDE publierait un projet d’accord le 12 octobre prochain.

«Nous avons la conviction au sein de l’OCDE que nous disposons à présent d’une base très solide pour finaliser les négociations (…)»

L’OCDE travaille depuis des mois sur un plan visant à contraindre les géants du numérique, qui ont grandement profité des semaines de confinement, à s’acquitter de leurs impôts dans les pays où elles génèrent leurs profits plutôt que dans des entités fiscalement plus favorables où elles font enregistrer leurs filiales.

Les services de l’OCDE estiment que ces pratiques représentent jusqu’à 100 milliards de dollars de recettes fiscales en moins à l’échelle de la planète.

Taxe Gafa: Washington menace la France d’une riposte douanière

Washington menace de surtaxer lourdement une série de produits français, dont des vins pétillants, fromages et sacs à main, en réponse à l’instauration en France d’une taxe sur les géants du numérique, Une décision que Paris a jugé mardi «inacceptable», disant espérer une riposte européenne forte.

Parmi les produits qui pourraient être surtaxés par les Etats-Unis, qui pèsent l’équivalent de 2,4 milliards de dollars, figurent de nombreux fromages dont le Roquefort, les yaourts, le vin pétillant ainsi que des produits cosmétiques comme le savon, le maquillage et les rouges à lèvres, ou encore les sacs à main.

L’administration Trump semble donc pour l’heure épargner dans ce dossier le vin traditionnel, un des produits d’exportation tricolore les plus emblématiques, par ailleurs déjà sous le coup de représailles américaines dans un autre litige commercial sur des subventions européennes à Airbus.

L’annonce des autorités américaines, lundi en fin de journée, fait suite à une enquête ouverte en juillet dernier par le représentant américain au Commerce (USTR) concluant que cette législation française dite «Gafa» (en référence aux géants américains Google, Apple, Facebook et Amazon) porte préjudice aux entreprises américaines.

«L’USTR s’attache à lutter contre le protectionnisme croissant des Etats membres de l’Union européenne, qui ciblent injustement les entreprises américaines», a commenté le représentant dans un communiqué.

La proposition de l’USTR, qui doit encore recevoir l’aval du président américain Donald Trump, risque d’intensifier les frictions avec l’Union Européenne (UE) et la France en particulier.

«Le simple projet, qui pourrait s’appliquer d’ici 30 jours, de nouvelles sanctions contre la France, c’est inacceptable», a tonné mardi le ministre français des Finances Bruno Le Maire.

La France a pris contact avec la nouvelle Commission européenne pour s’ « assurer que s’il devait y avoir de nouvelles sanctions américaines, il y aurait bien une riposte européenne, une riposte forte », a précisé M. Le Maire, tout en appelant à « éviter de rentrer dans cette logique de sanctions et de ripostes ».

Justice fiscale

Lundi, bien avant l’annonce américaine, Bruno Le Maire avait déjà prévenu que la France ne renoncerait «jamais» à sa taxe sur les géants de la tech, et reproché aux Etats-Unis de ne plus vouloir d’un grand accord international sur la fiscalité du numérique.

Il a de nouveau plaidé mardi pour un accord mondial, sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): «Nous attendons maintenant la réponse américaine».

«Nous n’avons pas à reculer par rapport à un sujet qui économiquement fait du sens, et qui est de justice fiscale», a insisté la secrétaire d’État française à l’Economie Agnès Pannier-Runacher, rappelant que cette taxe «n’est pas dirigée contre les plateformes numériques américaines» mais s’applique également aux plateformes françaises

Ces nouvelles menaces de Washington sont dévoilées juste avant une rencontre bilatérale entre Donald Trump et le président français Emmanuel Macron, prévue mardi à Londres à 14H00 GMT, dans le cadre du sommet de l’Otan.

«Le rapport de l’USTR envoie un signal clair à la France, et avertit les autres pays qui sont en train de finaliser des mesures similaires que des taxes discriminantes ne seront pas tolérées», a réagi Matt Schruers, directeur exécutif de la fédération de l’industrie de l’informatique et des communications.

De fait, l’administration Trump a également indiqué lundi qu’elle envisageait d’ouvrir une enquête similaire à l’encontre de l’Autriche, de l’Italie et la Turquie pour déterminer si leurs taxes menacent les entreprises américaines.

L’imposition de tarifs douaniers punitifs sur les produits français ne pourra, elle, pas intervenir avant la mi-janvier, à l’issue d’une période de consultations pour examiner les éventuelles demandes d’exemptions.

Négociations à l’OCDE

La taxe française Gafa impose les géants du numérique à hauteur de 3% du chiffre d’affaires réalisé en France, notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes.

Cette solution a vocation à n’être que temporaire dans l’attente d’un aboutissement de négociations internationales.

Les ministres des Finances du G20, réunis à Washington en octobre, avaient ouvert la voie à des négociations cruciales au sein de l’OCDE, avec l’objectif de parvenir à un accord mondial d’ici le mois de juin sur ce dossier, considéré comme un enjeu majeur pour adapter la fiscalité mondiale à la numérisation de l’économie.

Carnet de voyage : Youssef El Alaoui raconte la Silicon Valley

Directeur-associé et co-fondateur de Mobiblanc, leader marocain en ingénierie mobile et digitale, Youssef El Alaoui revient d’un voyage qui l’a mené aux Etats-Unis et plus précisément à la Silicon Valley, dans la partie sud de la baie de San Francisco. Ce pôle mondial de l’industrie de pointe, qui accueille les sièges sociaux et campus de plus de 6 000 entreprises et la destination, est considéré comme La Mecque de la nouvelle économie numérique à l’instar de Uber, AirBnB ou eBay. En exclusivité pour LE1, Youssef El Alaoui livre les péripéties de son immersion digitale dans le monde atypique des GAFA.

De retour de mon petit voyage découverte à San Francisco et à la Silicon Valley, je ne pouvais pas me retenir de livrer mon impression tellement le «choc» était immense.

Immense non pas par la démesure des choses mais surtout par leur simplicité. Moi qui croyais avoir à côtoyer des « extraterrestres » à chaque coin de rue, je n’ai rencontré finalement que nos semblables qui pensent exactement de la même manière que nous. Moi qui croyais trouver des building high-tech à la manière du Pentagone, je n’ai trouvé que des buildings «normaux», ou des anciennes usines de textile ou de sidérurgie transformées en «usine d’intelligence» où l’on produit des concepts qui créent de la valeur et qui parfois révolutionnent le monde. Exception faite du building de Salesforce qui est imposément impressionnant.

Les espaces de travail avec des murs sans peinture, du ciment brut toujours visible, des tuyaux qui traversent (élégamment) les plafonds. Tellement rudimentaires et cools qu’on se faisait des blagues entre marocains sur le manque de moyens de ces gens-là. On se disait qu’il leur faudrait une couche de Tedellakte pour qu’ils soient plus «présentables». Mais il s’agissait bien, là, de la Factory de la nouvelle économie.

En déambulant dans les rues de San Francisco, on peut facilement, et à tout bout de champ, se retrouver en face d’un immeuble d’un géant du Net. Quel plaisir de toucher les murs d’un LinkedIn, d’un Uber, d’un AirBnB ou d’un Adobe. On s’aperçoit finalement qu’ils sont des «humains». Qu’ils paient l’électricité, Internet, et peut-être un loyer. Notre chauffeur, un marocain, nous parlait du patron de Zynga qu’il emmenait chaque matin chez Facebook. Il nous a confié que Zynga était le nom de son chien et que les noms des jeux qu’il déclinait correspondent aux noms des sorties sur l’autoroute entre son domicile et celui de Facebook. Tout Simplement.

La valeur du temps est sacrée chez ces gens-là, tout est chronométré. Nos visites des grandes entreprises sont très codifiées, rien n’est laissé à l’improvisation. A chaque rendez-vous, une personne nous reçoit, en général c’est un(e) responsable de la communication, puis on nous délivre nos badges déjà pré-imprimés, ensuite on nous annonce le programme puis on démarre la tournée. A chaque étape de la visite, une personne de la société nous attend avec son message clair à nous faire passer, telle une course de relais où l’enchaînement se fait par le «passage de témoin» et ce jusqu’à la fin de la visite à une heure bien précise. Un case study plein d’enseignements.

Toutes les entreprises ne se ressemblent pas. Ce qui est assez frappant c’est de constater la différence de culture entre sociétés, en fonction de leur métier ou de leur ancienneté, situation vécue chez AirBnB et eBay.

Chez AirBnB, avec son slogan « open your heart and home », on trouve une ambiance très hospitalière, où une équipe de 3000 collaborateurs dont 800 développeurs sont comme dans un parc. Des chiens de compagnies qui rodent dans les plateaux, ingénieurs en sandales et shorts un peu partout, et des postures de travail assez inhabituelles, comme le fait de travailler debout, ou dans une cabine à la téléboutique ou sur un canapé à la Starbucks. En revanche, chez eBay, créé 13 ans plus tôt, on y trouve une ambiance assez sobre où les équipes sont relativement âgées avec un code de communication assez policé. Même les espaces de travail sont moins «funs».

En discutant avec les entrepreneurs, deux mots reviennent assez souvent : vision et passion. Il faut avoir une vision pour définir un cap et il faut aussi faire les choses par amour pour bien les réussir. La diversité des équipes est également un facteur important car on estime qu’on ne peut pas porter un projet multinational sans avoir de la diversité culturelle au sein de son entreprise.

Autre remarque, c’est le Storytelling. Chaque chose a une histoire. Tout est dans l’émotion. Les patrons de Airbnb qui, lors d’un séminaire à San Francisco, ne trouvaient pas où dormir ont fini sur un matelas gonflable (AirBed and Breakfast), d’où l’idée du projet. Autre illustration, le patron d’une grande société d’antivirus qui, à l’âge de 18 ans, avait réussi à rétablir les fonctionnalités du PC de sa maman, en en publiant le patch sur Internet, a ensuite eu un grande succès. Les histoires de ce genre ne manquent pas. Les collaborateurs aussi ont partagé avec nous les raisons du choix de leurs jobs respectifs et les expériences de leur vie. Bref, tout est à la Hollywood est c’est tant mieux. Ça capte notre attention et ça nous fait rêver. C’est réussi !

Force est à constater également que la réussite vient aussi de l’écosystème qui est très développé et où tous les acteurs fonctionnent en harmonie pour le bien de tout le monde : universités, incubateurs, start-ups, investisseurs, consommateurs et système judiciaire. La notion du partage se répète souvent, tous les acteurs se sentent responsables envers l’écosystème.

Ça rappelle un peu quand Henry Ford avait décidé en 1910 de doubler les salaires de ses salariés. Pour les rendre plus heureux et plus productifs certes, mais aussi pour qu’ils puissent acheter ses voitures et donc contribuer au développement de son entreprise.

Dans le logiciel du «rêve américain», c’est ce qu’on appelle la création d’un cercle vertueux. C’est peut-être le point clé de cette réussite.

Historique – L’action Domino’s gagne plus de 2000% en 7 ans !

Exploit incroyable que celui de l’action des restaurants de pizza Domino’s. La croissance des cours des actions de Domino’s a en effet surpassé toutes les plus grandes sociétés technologiques au monde et ce, en moins de 10 ans. Les heureux investisseurs qui avaient gardé l’action Domino’s du 1er janvier 2010 à ce jour ont vu leur portefeuille augmenter de plus de 2000%, laissant bien derrière les fameuses GAFA: Amazon, Google, Facebook et Apple.

Le secret de cette surperformance réside dans le changement qu’a opéré le restaurateur à la fin de 2009 de la recette de ses pizzas. Un changement survenu après un bad buzz qui avait éclaté suite à la mise en ligne d’une vidéo montrant des employés Domino’s entraver tous les codes d’hygiène en préparant les pizzas. Ce bad buzz est devenu un cas d’école de gestion de crise et de e-reputation où l’entreprise, en admettant avoir été coupable de vendre un mauvais produit, a réussi à opérer un redressement spectaculaire de son activité.

Aujourd’hui, le résultat est là. Par rapport à toutes les actions cotées en 2010 sur le NYSE ou le Nasdaq – capitalisation boursière de 1 milliard $ ou plus, un univers de près de 2.300 entreprises – Domino’s a réussi à les battre tous, sauf trois d’entre elles. La chaîne de pizza est en effet devancée par deux géants de l’industrie pharmaceutique (Accelerate Diagnostics et Acadia Pharmaceuticals) et par Patrick Industries, un groupe opérant dans le BTP.

Achetez une pizza et gagnez 10 actions gratuites

La nouvelle star du New York Stock Exchange pousse encore plus loin son succès boursier en le partageant avec ses clients. En effet, Domino’s a annoncé en décembre 2016 le lancement d’un programme de fidélisation permettant aux clients de gagner 10 actions gratuites.

Chaque mois, et jusqu’à novembre 2017, 25 clients membres du programme « Piece of the Pie Rewards » seront choisis au hasard pour gagner 10 actions de Domino, (au lieu de pizzas gratuites). Les heureux gagnants peuvent céder leurs actions gratuites à n’importe quel moment.

Devinez qui a fait pareil que Domino’s ?

7 années plus tard, Domino’s est passée à une capitalisation boursière d’environ 9 milliards de dollars. Une performance exceptionnelle et presque unique pour une entreprise BtoC. Presque unique car une autre entreprise cotée a eu un trend similaire que Domino’s. Avez-vous une idée sur cette valeur ? 

Prenez  un moment et réfléchissez !

Indice: Quelle activité un consommateur occidental est susceptible d’exercer tout en dégustant une pizza toute chaude livrée à domicile ?

Réponse: Très probablement allongé en face de Netflix !  Drôle de corrélation !

 

 Nawfal LAARABI 

La fausse bonne idée de Moncef Belkhayat

Décidément nous vivons une drôle d’époque.

Les libéraux et les capitalistes assumés qui ont, sur plusieurs décennies, clamé l’économie de marché, le libre-échange et l’abolition des frontières commerciales, tout en diabolisant le protectionnisme, ont été subitement gagnés ces derniers temps par une drôle de fièvre, la fièvre du Trump Wall.

Le patient zéro ayant présenté des symptômes de ce syndrome chez nous au Maroc, n’est autre que l’homme d’affaires et politique, le non moins hyperactif, Moncef Belkhayat.

Les premières bouffées de chaleur transparaissaient, en 1080p HD sur les players Youtube, (notez bien Youtube) pendant que l’ancien ministre donnait sa déclaration « historique » au journaliste du site web d’information Hespress.com (lien):
“Il est urgent de réduire la prédominance des réseaux sociaux et des moteurs de recherches, Google, YouTube et Facebook. Ils cumulent scandaleusement plus de 80% du marché de la publicité au Maroc. Je lance donc, un appel au gouvernement, afin qu’il promulgue une loi qui régulera le marché de la publicité en ligne et limitera la part de ces géants à 50% de l’investissement publicitaire pour sauver la presse numérique de la faillite, et promouvoir le contenu journalistique digital marocain. Et « inchallah Arrahmane Arrahime », dès que ce gouvernement sera constitué, le ministère de la Communication doit prendre en charge ce dossier.”

En d’autres termes, Moncef Belkhayat souhaite ériger un mur contre Facebook, Youtube et Google, to “ Make Moroccan News web sites WB Africa, Great Again !

Surréaliste n’est-ce pas !?

Cette déclaration tonitruante et empathique envers les sites web d’information en faillite, s’est faite en marge d’une rencontre cosie, avec la presse, organisée par notre patient, fébrile de voir partager des milliers de fois sur Google, Youtube, Facebook, « son nouveau rêve » africain (cette fois-ci): WB Africa (cliquer pour visiter)

WB Africa est un projet d’agence de communication qui projette de s’implanter sur plus d’une dizaines de pays du continent. Mais WB Africa, c’est d’abord et surtout un projet de machine à cash, alimentée par de l’achat d’espace publicitaire. Car M. Belkhayat, à qui l’ignore, est le numéro 2 marocain de l’achat média à travers l’agence WBmedia (Starcom) chopée en 2012 à son ennemi juré le publicitaire Karim Bennani, profitant d’un imbroglio juridique qui avait éclaté entre Starcom et le patron de MCN (cliquer pour visiter)

Personne n’est dupe, la sortie médiatique du Vice-Président de la région de Casablanca, calculée ou pas, n’avait rien d’empatique ou d’engagé (voir réactions d’anonymes plus bas). Néanmoins cette sortie a permis de révéler au grand jour, l’importance et la taille qu’ont pris les majors d’Internet sur la publicité digitale au Maroc.

Toutefois, le fait de désigner du doigt Facebook, Youtube et Google, qui sont d’abord les concurrents de WB Media, ses concurrents, comme l’axe de mal qui oeuvre à faire couler les éditeurs d’information digitale, et se proposer de défendre ces derniers en appelant, de par sa casquette politique, à faire voter une loi « antidopage » mais ne cherchant en vérité que protéger la position et le business plan de WB Africa vendu à Actif Invest, est une erreur et une maladresse de plus à accrocher sur le Wall of Shame de M. Belkhayat.

Anomalie 1: Libéralisme ou protectionnisme, il faut choisir

Quand on prône, en tant qu’acteur économique et politique ouvertement et publiquement, la libre entreprise, le libre-échange, la libre consommation et quand on est identifié dans la société comme défenseur du libéralisme économique, qui est, on le sait tous, fondé sur une faible, voire une non-intervention de l’Etat dans l’économie, un tel discours émanant de notre patient constitue une contradiction majeure et nous pousse naturellement à chercher les vraies motivations de cette communication.

Anomalie 2: Quand je déclare la guerre aux mêmes outils qui ont fait ma notoriété

Hormis le foot et les petites histoires, il faut reconnaître que l’ancien ministre a été pionnier et a su profiter de la puissance des réseaux sociaux pour accroître sa notoriété. Ces mêmes outils qui constitueraient, aujourd’hui, un “réel danger” quant à la survie de la presse digitale, ont été hier encore, et plus précisément durant les élections régionales de 2015, très décisifs pour l’issue des résultats obtenus par le candidat.

Moncef Belkhayat, Monsieur Facebook, aurait-il perdu la foi dans son fonds de commerce et aurait-il perdu la bataille contre les haters?

Anomalie 3: Chiffre d’affaires contre contenu, une histoire de mindset vendeur vs marketeur

Quand un vendeur cherche à placer un produit, à un prix donné et à réaliser ses objectifs, puis se voit coincer entre une qualité médiocre de son produit/service d’une part et des concurrents à fonds illimités d’autre part, il baisse sa marge, revoit son d’ambition puis crie au loup. La perspective de voir fondre comme neige sa commission le hante nuit et jour.

Tandis que le marketeur, analysera le marché, pensera marque, proposera du Brand Content, cherchera de la créativité et de l’émotion et réfléchira aux forces et faiblesses, tentera des alliances et transformera le business.

 

Anomalie 4: Ne pas apprendre des expériences passées

L’épisode de l’interdiction de la VoIP par l’ANRT, et la pression interne et externe immense qui a fait briser, après plusieurs mois de résistance, le mur de fer érigé contre WhatsApp et Skype entre autres, aurait dû faire réfléchir notre patient zéro plus d’une fois. Car les enjeux de la VoIP dépassaient des millions de fois les enjeux de WB Africa. Il y était de la survie de nos opérateurs Telecom et de la sécurité nationale.

Anomalie 5: Faire fi de son environnement

En voulant faire plaisir au sites web d’information, l’ancien ministre de la Jeunesse a oublié une composante essentielle de l’écosystème : les auto-entrepreneurs du digital et ils sont très, très, très nombreux. Ces auto-entrepreneurs, un statut qui représente by the way une fierté du Parti RNI et qui a figuré d’ailleurs dans les grandes réalisations du parti politique dont est issu M. Belkhayat, sont des petites fourmis qui produisent tant bien que mal du contenu, des logiciels, du graphisme à l’ensemble de l’économie numérique, passant des sites web d’information, des agences de communication (comme WB Arica) aux grandes entreprises publiques et privées.
Ces petits acteurs qui subissent l’inefficience du marché, l’étroitesse exponentielles des budgets, et les affres des délais de paiement se sont vu directement visés par le Belkhayat Wall. Des réactions en chaîne ont été enregistrées sur les réseaux obligeant notre patient zéro à s’expliquer…trop tard.

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Hey #KhoyaMoncef leave the kids alone… All in all it was just a brick in the wall.

Stratégie, générosité, partage et créativité

Oui je rejoins M. Belkhayat sur un point, résister à l’hégémonie des GAFA relève effectivement des prérogatives de l’Etat et du législateur. Mais c’est également de la responsabilité des acteurs économiques, culturels, des big players de l’écosystème numérique, des régions, des villes et des métropoles. Si vous êtes arrivé jusqu’ici, chers lecteurs du www.le1.ma, supportez 30s supplémentaires mes convictions à notre sujet:

  • Prendre le problème dans son ensemble et pas que du simple côté du cash en devise des publicités qui nous file quotidiennement entre mains.
  • Contrairement à l’idée de M. Belkhayat, l’initiative ne doit pas émaner du ministère de la Communication mais plutôt du Département de l‘Economie numérique géré d’ailleurs par le RNI. Qui à l’instar de la stratégie d’accélération industrielle, devrait nous proposer une stratégie de développement numérique et le renforcement de l’écosystème digital.
  • Créer des pools de pression, des advisory boards nationaux pour structurer la communication et les négociations avec les GAFA à l’instar de ce que font les groupe de pression sous d’autres cieux.
  • Encourager à la création nos propres plateformes technologiques nationales: datacenters, moteurs de recherche, partage de vidéo, réseaux sociaux…
  • Application stricte de la loi quant à la protection de la liberté intellectuelle, la lutte contre la contrefaçon, la piraterie et les autres atteintes aux droits intellectuels.
  • Démultiplier les incubateurs de créativité et de contenu digitaux afin de stimuler et valoriser la créativité, et encourager les initiatives nationales
  • Proposer et lobbyer au niveau de l’Union Africaine pour une stratégie continentale numérique destinée à ses 1,216 milliard d’habitants.

#LbaydaMonAmour vs #Wecasablanca

La générosité, la fraîcheur de ce travail est un cas d’école.

Bravo à l’agence de communication Bonzai.  #LbaydaMonAmour !


Nawfal Laarabi