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Soudan : Blanc bonnet et bonnet blanc

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L’armée soudanaise au lieu de se ranger du côté du peuple, a préféré s’approprier la révolution pour servir ses propres intérêts. Même si le Conseil militaire de transition montre des signes de tergiversation, la présence de la garde rapprochée du Président déchu dans le premier cercle de pouvoir révolte les Soudanais, qui veulent un changement de régime, et non pas une opération esthétique de ce dernier.

Comme en Algérie, il semble que les généraux soudanais sont durs de la feuille. Le peuple soudanais ne veut pas d’une nouvelle troïka de militaires à sa tête, il veut s’approprier le pouvoir. Après que de proches collaborateurs du Président soudanais Omar El Béchir, l’aient destitué et mis en détention, sans avoir l’intention de le livrer au Tribunal pénal international pour crimes de guerre et contre l’humanité, le Conseil militaire de transition a imposé un couvre-feu qui a été ignoré par les manifestants.

Démission surprise du chef du Conseil militaire de transition

La démission inattendue du chef du Conseil militaire de transition et ministre soudanais de la Défense Aouad Ibn Aouf, un jour après la destitution du président Omar El-Béchir, a surpris plus d’un. Ce dernier a été remplacé par le général Abdel Fattah Al-Burhan Abdelrahmane. Récemment, le général Omar Zaïne al Abidine, chef du comité politique du Conseil militaire, a assuré que l’armée n’avait pas l’intention de conserver le pouvoir. Selon lui, la solution à la crise viendra des manifestants. « Nous sommes les protecteurs des revendications du peuple. (…) Nous ne sommes pas avides de pouvoir. », a-t-il assuré.

Les manifestants réclament un gouvernement civil

L’Association des professionnels soudanais avait réagi en estimant que le pouvoir devait revenir à un gouvernement civil pour ne pas répéter les mêmes erreurs et les mêmes travers du règne d’El-Béchir. Un avis partagé par les dizaines de milliers de manifestants qui ont envahi les rues de Khartoum malgré le couvre-feu décrété par le Conseil militaire de transition pour demander la mise en place d’un gouvernement civil. Dans un communiqué, l’Association des professionnels a déclaré : « Nos demandes sont claires, justes et légitimes, mais les putschistes ne sont pas en mesure d’apporter le changement » que demandent les manifestants. En réaction, les militaires ont déclaré tolérer les rassemblements pacifiques mais pas les émeutes ou les tentatives de blocage. Cela dit, les Soudanais ne comptent pas lâcher prise car les militaires islamistes qui ont destitué Omar El-Béchir faisaient partie de sa garde rapprochée.

Tergiversations des généraux qui ne savent à quel Saint se vouer

Le fait qu’ils aient promis un gouvernement civil au terme d’une période de transition de deux ans, avant de revenir et de dire qu’elle pouvait ne durer qu’un mois, montre que les militaires ne savent plus sur quel pied danser. Les Soudanais, loin d’être dupes, ont changé le slogan « le régime doit tomber » par « le régime n’est pas encore tombé ». Même si le Conseil militaire de transition a annoncé que ce n’est pas un putsch, il y ressemble beaucoup. Cela dit, le fait de sacrifier Omar El-Béchir par ses proches collaborateurs serait une façon de garder le pouvoir en se positionnant comme défenseurs du peuple, et non de leurs propres intérêts, à commencer par la peur de poursuites pour crimes de guerre. Sinon, comment expliquer qu’El-Béchir soit jugé au Soudan et non pas le Tribunal pénal international pour crimes de guerre. Comment expliquer la décision des militaires de décréter l’état d’urgence, de fermer les frontières, de libérer les prisonniers politiques, de suspendre la Constitution et de dissoudre le parlement ? Ce n’est pas un hasard si l’Association des professionnels soudanais accuse les généraux de «voler la révolution». Cette dernière exige que le pouvoir soit transféré immédiatement à un « gouvernement civil de transition». Hier, des contacts devaient avoir lieu entre le Conseil militaire de transition et les différentes forces politiques dans le pays pour trouver un terrain d’entente. Pour l’heure, rien n’a encore filtré sur ces discussions. C’est lors de ces discussions que sera décidé l’avenir du Soudan.

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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