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Rachid Tlemçani : «L’argent hélicoptère ne sauvera pas la Royal Air Maroc»

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L’ancien président de la SVBC, Rachid Tlemçani, est sorti de sa réserve ce mercredi pour dresser un réquisitoire en règle du plan de sauvetage de la Royal Air Maroc que tente de faire passer le PDG de la compagnie, Abdelhamid Addou. Et il n’y va pas de main morte : «Dans un Business Model a prix élevé et service bas de gamme, juste remettre de l’argent ne sert strictement à rien», a-t-il écrit dans un mémo publié sur son compte Linkedin. Tlemçani, tacle l’obsession courtermiste du management de la RAM, en l’occurrence le BFR, et suggère que le seul moyen de sauver la compagnie est de faire sauter le verrou de la souveraineté en s’ouvrant sur des partenaires solides.

Face aux tergiversations du président de la RAM et à la cacophonie qui accompagne sa communication dans la gestion de la plus grave crise que connaît la compagnie aérienne nationale depuis sa création, l’exaspération est de mise. Rachid Tlemçani, connu pour son franc parlé, sort de son mutisme et dit haut ce que plusieurs pensent bas : « La pathologie dont souffre la RAM est structurelle à l’image du secteur touristique national et elle aura vocation à s’aggraver quelle que soit la manne financière qu’on injectera». Il illustre l’ampleur de la menace qui guette la compagnie par une citation du président de la Lufthansa : « L’aérien, est le premier secteur touché par la crise et sera parmi les derniers à en sortir ».

A ce titre, l’exemple de la gestion de la crise par la compagnie allemande est selon Tlemçani un indicateur qui devrait plutôt nous inquiéter sur les décisions que s’apprêtent à prendre nos gouvernants pour sauver la RAM.

«La Lufthansa, première compagnie aérienne européenne, perd 1 millions € de liquidités par heure depuis l’éclatement de la pandémie. Sa réaction était rapide et tranchante : un plan d’ajustement de 10.000 salariés et 100 avions de moins.», affirme Tlemçani. Quid donc de la RAM ?

«À part son atout de souveraineté, quels avantages compétitifs a notre compagnie aérienne? Serait-ce la qualité de service? Les fréquences ? La propreté ? Le coût des billets ? Sans le monopole de fait, combien de temps pourrait-elle survivre ? » s’est-il interrogé.

Notre analyste estime que la RAM ne possède évidement pas la taille critique suffisante pour espérer encaisser le choc de la crise.

«Je suis conscient que j’enfonce des portes ouvertes et souligne des faiblesses dont nos dirigeants ont conscience depuis fort longtemps et qui de surcroit ont été martelées par de brillants esprits émanant de non moins brillants cabinets de stratégie» a écrit Rachid Tlemçani.

Il faut scruter la RAM d’avant la Covid-19

On ne peut pas penser à un plan de sauvetage et céder à la panique de la pandémie sans regarder dans ce qu’était la RAM il y a 4 mois. Et rien de plus parlant pour cela que de faire un benchmark de la concurrence, conseille-t-il.

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Et de rajouter, Ethiopian Airlines est à ce titre, un cas d’école.

La compagnie aérienne d’un pays qui génère 28% de moins de PIB que le Maroc pour 3 fois plus de population, est- excusez du peu-, au 5ème rang mondial en nombre de lignes devant Emirates Airlines, Lufthansa et KLM, rappelle Tlemçani.

Sur l’Afrique, il étaye les faits qui font de la Ethiopian Airlines la première compagnie du continent :

  • Addis Abeba dépasse désormais Dubaï en hub Afrique,
  • En terme de qualité de service la Ethiopian est numéro 1 devant South African Airways. Tandis que RAM se contente de la 6ème place derrière Mango, Fast jet, Kulula et Angola Airlines,
  • La compagnie éthiopienne, dispose de 98 avions contre 61 (dont un cargo) pour la RAM.
  • En performances d’exploitation elle a affiché en 2018/2019 un chiffre d’affaire de 4 Milliards de dollars et un bénéfice net de 180 Millions de dollars. Alors que la RAM a enregistré sur la même période un chiffre d’affaire de 1,7 Milliards de dollars et constaté un déficit de 9,8 Millions de dollars, sachant que le ratio «Résultat Net / Chiffre d’affaire» chez les meilleurs compagnies se situe autour de 8%,
  • Enfin, la Ethiopian Airlines emploie 12.000 personnes contre (officiellement) 5.400 salariés pour la RAM.

Avec ces chiffres et faits à l’appui, Tlemçani démontre ainsi que la RAM d’avant le Coronavirus était loin d’être performante, ni profitable que ses concurrentes du continent. Une situation qui va certainement empirer avec les coûts des gestes barrières qui vont être imposés sur le secteur, à savoir un siège vide sur trois et le contrôle de température.

Pour revenir à la situation de 2019, ce n’est pas demain la veille. Il faudra attendre 3 ans selon les spécialistes et pour reprendre le trend d’avant la Covid-19, le processus prendra la durée d’une génération, c’est à dire pas moins de 10 ans.

«Est-ce donc raisonnable de juste refinancer ? » , «N’est-il pas temps qu’on se voit tels que l’on est pour chercher à repartir sur des bases saines ?». Des interrogations que Tlemçani partage en public dans l’espoir qu’elles arrivent à faire réfléchir les plus sages des responsables en charge du plan de sauvetage de la compagnie.

Refinancement de la RAM : Il faut sauter le verrou de la «souveraineté»

Les choix de refinancement de la RAM ne peuvent être décidés comme ça, s’indigne celui qui fait partie des pionniers du marché des capitaux du Royaume.

Le contrat programme qui est envisagé -mais jamais disclosé- doit être signé par plusieurs parties et sur la base d’un plan quinquennal où l’objectif ne peut être que de se caler aux meilleurs standards, estime-t-il.

« Balancer de l’argent ne va faire qu’aggraver les problèmes d’une compagnie déjà très critiquée pour son service low cost et ses prix pas low cost du tout » fustige l’ancien Président de la SVBC.

« Dans un Business model à prix élevé et service bas de gamme, juste remettre de l’argent ne sert strictement à rien.» poursuit-il dans sa lancée.

Histoire d’enfoncer davantage le clou, et le plus fort possible, il ne manque pas d’ironiser, dans un ton que son entourage connait si bien : « La performance opérationnelle n’a rien à voir avec les moyens financiers. Si vous êtes en surpoids et cinquantenaire, même sous stéroïdes, vous ne courrez jamais le 100 m en moins de 10s».

Après ce réquisitoire sans concession, le Président de H2Dev, dévoile les grandes lignes de ses recommandations. Outre un changement en profondeur du business model de la Royal Air Maroc et de sa qualité de service, Rachid Tlemçani prône l’idée, souvent étudiée puis renvoyée aux calendes grecs, qui consiste à dire que la seule issue pour que la RAM puisse jouer dans la cour des grands et assurer sa pérennité est de se doter de partenaires solides, quitte à faire sauter la sacro-sainte souveraineté de la compagnie aérienne nationale.

Tlemçani juge que la RAM n’a pas les moyens de rester sans partenaires et que le peu de ressources dont dispose l’Etat ne doivent pas être obérées à cause d’un excès de procrastination de se résoudre à traiter la pathologie structurelle de l’entreprise publique.

«Il faut, je crois sans délai, se poser la question de la nécessaire souveraineté de notre compagnie aérienne. La souveraineté prioritaire concerne l’éducation, la santé, la défense, l’autorité de l’Etat et plus largement l’ordre et l’équité sociale» conclut Rachid Tlemçani sa semonce qui fera date.

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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