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Massacre de Peuls au Mali : S’achemine-t-on vers une guerre ethnique ?

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En ce samedi 23 mars au petit matin, l’horreur se dégage de chaque centimètre carré du village d’Ogossagou au Mali. Corps décapités, amas de chaires carbonisées avec de l’essence, enfants et femmes tuées à coups de mitrailleuses, d’autres jetés dans des puits… Les chasseurs dogons auteurs de ce massacre n’ont pas fait dans la dentelle. Entre Peuls, Bambaras et Dogons, la tension est à fleur de peau, faisant courir à ce pays, qui vient de retrouver une certaine stabilité, le risque d’un conflit ethnique.

Les forces de police maliennes ont annoncé le 29 mars l’arrestation de cinq suspects soupçonnés d’avoir pris part au massacre de 160 Peuls dans le village d’Ogossagou dans la zone de Bankass, près de la frontière avec le Burkina Faso, peuplé en majorité par des bergers. Le 23 mars dernier, des chasseurs de l’ethnie Dogon ont attaqué ce village perpétrant un massacre contre la population. Parmi les victimes, figurent des femmes et des enfants. Selon Aza Ould Mohamed Nazim, Procureur de la région de Mopti, « parmi les blessés qui recevaient des soins, cinq ont été formellement reconnus comme étant des assaillants par d’autres personnes, blessées dans l’attaque ». Les agresseurs ont été mis en garde à vue à Bamako en attendant leur comparution devant la justice.

Vive réaction du gouvernement

Suite à ce massacre, le gouvernement malien a limogé l’Etat-major de l’armée et remplacé trois de ses chefs. De même, il a mis fin aux activités d’une milice de chasseurs dogons appelée « Dan Nan Ambassagou », « pour dire clairement aux uns et aux autres que la protection des populations restera le monopole de l’Etat », a indiqué le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga. Ces décisions ont été prises à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire, réuni dimanche dernier par le président Ibrahim Boubacar Keïta. Le massacre d’Ogossagou est le plus sanglant depuis la fin des combats de l’opération Bakhan lancée par la France en 2013 pour chasser les djihadistes du Nord du Mali. Selon l’Onu, le Groupe du prédicateur Amadou Koufa, en majorité composé de Peuls, serait à l’origine depuis 2015 d’affrontements entre les Peuls, les Bambaras et les Dogons. Plus de 500 civils ont péri à cause de ces violences en 2018. Les Dogons et les Bambaras ont réagi en créant des milices supposées d’autodéfense.

Des milices au service des causes ethniques

Rappelons que ce massacre est intervenu six jours après l’attaque d’un camp de l’arme à Dioura, dans le centre, où 26 soldats ont péri. Le Groupe d’Amadou Koufa, allié à Al-Qaïda, a expliqué cette attaque par « crimes odieux commis par les forces du gouvernement de Bamako et les milices qui le soutiennent contre nos frères peuls ».


Depuis deux ans, les conflits entre ces ethnies connaissent une escalade permanente. Au départ, il s’agit essentiellement de litiges terriens, mais les attaques meurtrières des uns ont précipité les ripostes des autres. Selon certains observateurs, le groupes djihadistes, au fait de la sociologie et de l’ethnologie de la région, instrumentalisent ces différends entre communautés. Les Dogons et les Bambaras pratiquent essentiellement l’agriculture, tandis que les Peuls sont un peuple d’éleveurs. La rivalité sur les terres engendrent actions et réactions (vengeances) qui risquent de plonger le Mali dans un cercle vicieux de la violence. D’aucuns estiment que l’accord d’Alger en 2015 prévoyant la création de groupes d’autodéfense est à l’origine de la situation actuelle. Cela n’aurait fait que verser de l’huile sur le feu des rivalités communautaires. La France, en acceptant tacitement cette situation, a contribué à cet état de fait. Il s’agit maintenant de désamorcer cette situation tendue qui risque de dégénérer à chaque instant en une guerre ethnique. Si les réactions ont toutes versé dans le sens de la condamnation, il s’agit avant tout de tout faire en sorte pour que pareil massacre ne se reproduise pas et qu’il n’y ait plus de spirale vengeresse en désarmant les milices en lançant une guerre ouverte contre les groupes djihadistes qui sèment la zizanie.

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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