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En couverture, The Economist tacle Netanyahu : «Bibi va-t-il briser Israël?»

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Dans sa dernière édition, The Economist a consacré sa couverture à Benjamin Netanyahu l’accusant de mener son pays à l’éclatement. L’illustration est évidente : un portrait en noir et blanc en dessous du drapeau d’Israel déchiré en cinq morceaux. Le titre est le sous titre expriment de l’inquiétude :«Bibi va-t-il briser Israël ? – Quand les meilleurs et les plus brillants d’Israël s’insurgent, il est temps de s’inquiéter.

Un éditorial signé par la rédaction revient sur la plus grave crise interne qu’Israël ait connu, à la veille des célébrations de son 75ème anniversaire. Un pamphlet qui juge le pays d’être «exceptionnellement vulnérable», son premier ministre de «trop toxique», dont le temps est «révolu».

«Pour empêcher Bibi de briser Israël, les modérés doivent résister à sa prise de pouvoir», conseille le magazine britannique.

Le mois dernier, l’hebdomadaire a publié un dessin humoristique ridiculisant la réforme, dans lequel Netanyahu est représenté en train de donner un coup de batte à «l’indépendance judiciaire».

Ci-après la traduction intégrale de l’article du The Economist.

Cela aurait dû être le grand moment d’Israël. À l’approche de son 75e anniversaire, le mois d’avril prochain :

  1. Le risque d’une guerre conventionnelle avec les États arabes voisins, qui a constitué pendant des décennies un danger existentiel, est à son niveau le plus bas depuis 1948.
  2. La dernière intifada palestinienne, ou soulèvement contre l’occupation, s’est achevée il y a 18 ans.
  3. L’économie israélienne, boostée par la technologie, est plus prospère et plus pertinente au niveau mondial que jamais. L’année dernière, le PIB par habitant a atteint 55 000 dollars, ce qui en fait un pays plus riche que l’Union européenne.

Pourtant, au lieu de se réjouir, Israël est confronté à une grave crise. Les réformes judiciaires proposées par le gouvernement de coalition de droite saperaient l’État de droit et affaibliraient la démocratie israélienne. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, qui a dirigé Israël pendant 15 des 27 dernières années, s’enorgueillit de faire des compromis impitoyables, souvent peu glorieux, qui, en fin de compte, rendent Israël plus fort. Aujourd’hui, il risque de dilapider son héritage et de laisser Israël moins apte à relever les défis sociaux et géopolitiques des prochaines décennies.

Israël, un pays en ébullition

Le pays est en ébullition. Le 11 mars, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans la plus grande manifestation jamais organisée en Israël.

Des généraux, des entrepreneurs et des universitaires avertissent que la démocratie est menacée. se sont quelque 60 % des israéliens qui s’opposent aux réformes juridiques. La rhétorique enflammée des partisans de la droite, y compris des ministres du gouvernement, contribue à alimenter la violence en Cisjordanie : depuis le début de l’année, 80 Palestiniens ont été tués, soit le taux le plus élevé depuis peut-être deux décennies.

La lutte pourrait encore s’intensifier. La Knesset, ou parlement, pourrait adopter la législation au cours des deux prochaines semaines. Une épreuve de force pourrait avoir lieu entre la Knesset et la Cour suprême, obligeant les citoyens et les soldats à faire un choix douloureux quant à leur loyauté. Ehud Barak, ancien premier ministre et chef de l’armée, a appelé à une désobéissance civile massive.

Depuis le début de l’année, 80 Palestiniens ont été tués, soit le taux le plus élevé depuis peut-être deux décennies.

Les réformes judiciaires, une mauvaise solution à un vrai problème

Les réformes sont une mauvaise solution à un vrai problème. Israël n’a pas de constitution écrite. Toutefois, depuis des décennies, la Cour suprême affirme que certaines lois «fondamentales” constituent une quasi-constitution qu’elle peut faire appliquer, en passant outre à la Knesset. Un tel activisme n’a pas été clairement compris comme étant l’objectif lorsque ces lois fondamentales ont été adoptées.

The Economist – 16 Feb 2023

La droite y voit une prise de pouvoir de la part d’un establishment judiciaire de gauche. Mais Netanyahu, qui fait face à des accusations de corruption et déteste l’élite juridique, impose un piètre remède. Ses réformes permettraient à la Knesset de nommer les juges et de passer outre la Cour suprême, ce qui conférerait un pouvoir pratiquement incontrôlé à une faible majorité au sein du corps législatif monocaméral.

Ehud Barak, ancien premier ministre et chef de l’armée, a appelé à une désobéissance civile massive.

Montée de l’extrême droite

Ce combat s’inscrit dans une lutte pour l’identité d’Israël, qui s’est polarisée. Une frange d’extrême droite s’est développée, alimentée par la politique démagogique anti-élite de Benjamin Netanyahu, les inégalités et l’augmentation du nombre de colons juifs en Cisjordanie. Le nombre de Juifs ultra-orthodoxes en Israël a augmenté rapidement : ils représentent 13 % de la population et beaucoup étudient la Torah au lieu de travailler ou de servir dans l’armée.

Ensemble, les partis d’extrême droite et orthodoxes ont remporté un quart des sièges de la Knesset lors des élections de l’année dernière. Les partis de centre-gauche et le Likoud (droite) de Netanyahu ne souhaitant pas gouverner ensemble, ce dernier a formé une coalition avec eux. Les Israéliens modérés s’indignent du fait qu’ils créent la richesse, paient les impôts et font la guerre, dans un pays qui trahit ses racines libérales.

Le nombre de Juifs ultra-orthodoxes représentent 13 % de la population et beaucoup étudient la Torah au lieu de travailler ou de servir dans l’armée.

Israël est exceptionnellement vulnérable

De nombreux autres États ont survécu à des périodes de pouvoir populiste et de division. Pourtant, Israël est exceptionnellement vulnérable.

L’une des raisons en est l’économie. Avec 196 milliards de dollars de réserves étrangères, Israël n’est pas sur le point d’être confronté à un effondrement financier. Mais le cœur de son économie est la technologie, qui génère plus de la moitié de ses exportations. Ce secteur est alimenté par les dépenses en recherche et développement qui, avec 5 % du PIB par an, sont plus élevées que dans n’importe quel autre pays riche.

Les experts et les entrepreneurs qui rendent cela possible n’apprécient pas que leur pays soit sous l’emprise de fanatiques religieux et pourraient émigrer.

Israël est également vulnérable parce qu’il ne peut se permettre de s’aliéner l’Amérique, qui garantit sa sécurité et lui fournit 80 % de ses importations d’armes.

Le soutien bipartisan des Américains à l’égard d’Israël s’érode : une majorité de démocrates et de personnes âgées de 18 à 29 ans lui sont défavorables. Plus de 90 membres du Congrès ont écrit au président Joe Biden pour s’opposer aux réformes juridiques.

Entre-temps, l’Iran a enrichi de l’uranium à 84 % et la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne mettent en garde contre «l’escalade de plus en plus grave de son programme nucléaire».

Benjamin Netanyahu a tissé des liens avec les États arabes sunnites, notamment par le biais des accords d’Abraham, afin de former une coalition anti-iranienne. Mais la semaine dernière, l’Arabie saoudite a conclu un accord de désescalade avec l’Iran, sous l’égide de la Chine. Dans une région dangereuse et instable, l’Amérique reste l’allié indispensable d’Israël.

La dernière vulnérabilité concerne les citoyens arabes d’Israël et les Palestiniens de Cisjordanie. Si les droits des minorités en Israël sont affaiblis, les Arabes israéliens, qui sont victimes de discrimination, seront de plus en plus désillusionnés.

En Cisjordanie, la Cour suprême a, dans une certaine mesure, freiné la colonisation. Affaiblir la Cour, alors même que les ministres israéliens épousent ouvertement le racisme anti-arabe, est incendiaire. Benjamin Netanyahu espère que la question palestinienne pourra être gelée à jamais. Mais l’aimable patron de l’Autorité palestinienne, âgé de 87 ans, risque de ne pas tenir longtemps, et de nouveaux groupes militants se forment.

Que faut-il faire ?

Les réformes juridiques devraient être suspendues. Un objectif approprié pour le 75e anniversaire d’Israël serait une convention constitutionnelle visant à trouver un équilibre entre les tribunaux et le parlement et à obtenir un large consentement.

Les pays divisés ont besoin d’institutions et de garanties plus fortes, et non plus faibles. Israël a également besoin d’un réalignement politique afin que ses partis reflètent les changements sociaux. Quelque 50 à 60 % des électeurs israéliens sont modérés et, ensemble, ils pourraient obtenir la majorité à la Knesset. De vastes réalignements de partis se sont déjà produits par le passé.

Netanyahu toxique, son temps est révolu

Benjamin Netanyahu, un pragmatique laïc formé à l’université, est l’homme politique israélien le plus influent de ces 25 dernières années, ayant largement contribué à la relance économique et au rapprochement avec certains États arabes. Il sait certainement qu’un gouvernement plus modéré pourrait mieux gérer Israël que le gouvernement actuel, qui s’appuie sur les extrémistes. S’il pouvait catalyser une nouvelle configuration centriste dans la politique israélienne, il assurerait son héritage.

Hélas, sa marque est trop toxique et il est trop déterminé à se préserver. Son temps est révolu. Pour empêcher Bibi de briser Israël, les modérés doivent résister à sa prise de pouvoir et faire pression pour que le gouvernement mette la seule démocratie libérale réussie du Moyen-Orient sur une voie moins dangereuse.■

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