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Israel's Prime Minister Benjamin Netanyahu (2-L) looks on as Liberia's President and ECOWAS (Economic Community of West African States) Chairperson Ellen Johnson Sirleaf (R) speaks during the ECOWAS summit on June 4, 2017 in Monrovia. / AFP PHOTO / Zoom DOSSO (Photo credit should read ZOOM DOSSO/AFP/Getty Images)

Maroc/CEDEAO : Netanyahu le trouble-fête

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Réuni presqu’au grand complet à Monrovia pour sa 51ème édition, le sommet de la CEDEAO s’est tenu dans un contexte tendu. Si le Maroc a revu à la baisse son niveau de représentation, le Nigeria dont le président Muhammadu Buhari est souffrant, ne s’est pas fait représenter et le Niger a pour sa part réduit sa présence en signe de protestation contre la présence du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Ce dernier, dont la présence n’est pas si controversée que l’on voudrait la présenter, s’est imposé en vrai guest-star dans une réunion qui devait accueillir le Maroc à bras ouverts et en grande pompe. La candidature du royaume à intégrer la CEDEAO, qui figurait à l’ordre du jour du sommet, a obtenu l’accord de principe et devrait être officiellement entérinée en décembre 2017 lors de la tenue du 52ème sommet au Togo. Israël a, pour sa part, soumis son intention d’obtenir le statut de membre observateur qui lui ouvrira la voie, à terme, à une adhésion pleine et entière.

 

A Monrovia, tous les projecteurs devaient être braqués sur le Maroc pour fêter l’intégration du royaume à la CEDEAO, mais l’invitation surprise de Benyamin Netanyahu est venue un peu gâcher cette consécration. Netanyahu ne le cache pas et le dit clairement : Israël est de retour en Afrique pour «affaiblir» cette majorité de pays africains qui vote «contre Israël» au sein des institutions internationales. En abaissant son niveau de représentation lors de ce sommet, le Maroc a-t-il fait un choix stratégique ou tactique ? Mohammed VI, qui était personnellement attendu à Monrovia, a préféré annuler sa participation pour éviter, selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, tout «amalgame» ou «confusion» liés à la participation au sommet du Premier ministre israélien.

Benyamin Netanyahu, premier haut responsable non-Africain à prendre la parole devant cette organisation depuis sa création, n’est pas venu les mains vides. En effet, pendant que le Maroc offre au continent tout un éventail de projets d’infrastructures, d’approvisionnement en énergies fossile et renouvelable, d’aides au développement, d’engrais à prix abordable, de programmes de financement et de formation, le premier ministre israélien tente d’emboîter le pas à Rabat en offrant un plan d’investissement de 1 milliard de dollars sur 4 ans dans les énergies renouvelables, l’agriculture et l’irrigation. En d’autres termes, le Maroc apporte la matière première et les ressources humaines, Israël la technologie et le savoir-faire. Le détail de cette coopération devrait être dévoilé lors du sommet Israël/Afrique prévu en octobre prochain à Lomé, au Togo. On ne sait pas pour l’instant si le Maroc participera à cette rencontre mais ce qui est certain c’est qu’Israël suit exactement le chemin tracé par le Maroc en Afrique.

Il serait exagéré de dire que le Maroc et l’Etat hébreux sont en compétition dans la région, car les enjeux et approches de l’un et de l’autre ne sont pas les mêmes, mais sur beaucoup de dossiers les interconnexions sont claires et une coopération entre les deux pays n’est pas à écarter, pour éviter les conflits d’intérêt et, le cas échéant, une éventuelle tension entre les deux pays. Il ne s’agit pas là d’un appel à la normalisation mais le Maroc est tenu de faire preuve de pragmatisme face à ces nouvelles données : Israël, membre observateur de la CEDEAO, constituera le vis-à-vis de l’Afrique lors du sommet qui réunira les deux parties en octobre prochain. Car Netanyahu l’a dit solennellement : l’Afrique est une priorité nationale pour Israël. De son côté, le Maroc doit faire des choix, douloureux certes, sensibles, mais il doit les faire. Dans ce sens, Rabat est appelée à faire preuve d’un certain doigté diplomatique pour pouvoir, d’une part, consacrer l’appartenance et l’enracinement organique du pays à son continent et, d’autre part, gérer le statut du Maroc en tant que pays arabo-musulman et président du Comité Al-Qods.

Israël, qui se réunira en sommet avec toute l’Afrique au mois d’octobre à Lomé, s’intéresse ainsi à l’ensemble du continent, et comme nous le disions plus haut, conduit le chemin frayé par le Maroc depuis quelques années. En effet, en préparation du sommet de Lomé, et avant sa participation au sommet de la CEDEAO, Netanyahu avait fait en 2016 une tournée en Afrique de l’Est qui l’a conduit en Ouganda, au Kenya, au Rwanda et en Ethiopie, la première du genre pour un chef du gouvernement israélien en exercice depuis Yitzhak Rabin. Et en marge du sommet de Monrovia, Netanyahu a eu plusieurs entretiens en tête-à-tête avec des chefs d’Etat africains, parmi lesquels le président Sénégalais Macky Sall dont le pays a rétabli les relations diplomatiques avec Israël. Le Sénégal, nouveau maillon clé de la sécurité dans l’Afrique de l’Ouest, joue un rôle géostratégique majeur dans tout le continent : 1) Le pays a été choisi par Washington pour abriter le futur siège de AFRICOM ; 2) Le réseau dense de l’islam soufi dans le pays lui donne une position avant-gardiste dans la lutte contre l’extrémisme ; 3) Il est un des rares pays africains à bénéficier de relations équidistantes, et sur un pied d’égalité, avec les Etats-Unis, la France en tant qu’ancienne puissance coloniale, les pays Arabes et à leur tête l’Arabie saoudite, et désormais Israël.

A l’aune de l’émancipation du Sénégal de ses tutelles historiques, de l’affranchissement de la Mauritanie de ces mêmes “protections”, des problèmes politiques et économiques de la Côte d’Ivoire, du manque de visibilité institutionnelle au Nigeria, la fragilité du régime gabonais, l’éventuel départ de Paul Kagamé, le séisme qui a secoué les composantes du Conseil de coopération du Golfe, tous ces facteurs réunis imposent une vigilance accrue de la part de l’Etat marocain en vue de faire face aux ennemis et adversaires du pays, et ce en dotant l’administration et les pouvoirs publics des moyens humains, diplomatiques et technologiques nécessaires, et d’une certaine marge de manœuvre politique à même de relever ces défis dans un contexte géopolitique international turbulent.

Abdellah EL HATTACH

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