fbpx

La «Cellule Afrique» de l’Elysée est de retour : une exhumation du «Foccarisme» ?

Partager

Voulue par le général De Gaulle et maintenue par Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand et Chirac, la cellule Afrique, dans son format ancien, est démantelée sous Nicolas Sarkozy – mais qui charge son homme lige, Claude Guéant, de ces fonctions. Cette unité, qui n’est pas sous l’autorité du Quai d’Orsay, relève directement du pouvoir discrétionnaire du président de la République française. Elle est connue pour disposer de réseaux extra-diplomatiques directement liés aux services de renseignement. Elle refait aujourd’hui surface. En effet, Emmanuel Macron a décidé d’installer auprès de lui un «Conseil présidentiel pour l’Afrique» en vue de «renouveler le partenariat entre la France et l’Afrique et permettre une nouvelle approche des enjeux de société». D’ailleurs, les premiers pas du président français en tant que chef des Armées étaient de rendre visite aux troupes françaises en position au Mali dans le cadre de l’opération Barkane. Visite renouvelée en juillet à l’occasion de la réunion du G5-Sahel. La vision Macronienne pour l’Afrique se résume selon lui aux “trois D” : Défense, Développement, Diplomatie.


Si la cellule Afrique sous tous les présidents de la Ve République avait pour rôle principal de mettre en place des liens financiers occultes entre le régime du pays africain concerné et le pouvoir central à Paris, elle s’appuyait essentiellement sur une horde d’attachés techniques français auprès des présidences africaines ou via les grandes entreprises françaises. Ce qui donnait lieu à une ingérence directe des autorités françaises dans les affaires intérieures des anciennes colonies.

C’est le schéma dessiné et laissé par Jacques Foccart, fondateur de cette cellule et son patron durant quatorze ans. Foccart, qui faisait le bon et mauvais temps en Afrique, occupait les fonctions officieuses de «Conseiller aux affaires africaines et malgaches» avec rang de Secrétaire général de 1960 à 1974. D’ailleurs, l’ancien président Jacques Chirac, alors jeune haut fonctionnaire, travaillait sous ses ordres.

Homme de l’ombre du gaullisme, Jacques Foccart est le fondateur et patron de la “Cellule Afrique” de l’Elysée entre 1960 et 1974, dépositaire de la “FrançAfrique” et fondateur du SAC, police parallèle de sinistre mémoire

La nouvelle structure créée et voulue par Emmanuel Macron s’appelle «Conseil présidentiel pour l’Afrique.» Comme son ancêtre la Cellule Afrique de Jacques Foccart, elle échappe totalement à l’autorité ministère des Affaires étrangères.

LIRE AUSSI  Ancien ambassadeur de France à Alger : «On a davantage d'intérêts avec le Maroc qu'avec l'Algérie»

Annoncé, certainement par pure coïncidence, le jour même de la parution du dernier numéro du magazine panafricain Jeune Afrique dont la une a provoqué l’ire des marocains, le Conseil présidentiel pour l’Afrique est sorti de sous terre lors de la Conférence annuelle des ambassadeurs de France, et la veille de la visite à Rabat du président de la Commission de la Cedeao pour préparer l’intégration du Maroc à cet important espace régional africain.

Composée de personnalités françaises d’origine africaine, le Conseil appuiera le président dans ses prises de position et de décision concernant le continent africain et l’aidera à dessiner les grandes lignes de la politique africaine de la France. D’ailleurs, les nouveaux membres désignés intuitu personae à ce Conseil planchent déjà sur la rédaction du discours d’Emmanuel Macron qui sera adressé à l’attention de l’Afrique en novembre prochain.

Franck Paris, camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA, et son conseiller aujourd’hui pour l’Afrique à l’Elysée, chapeautera cette nouvelle entité en coordination avec Bernard Emié, patron de la DGSE et ancien ambassadeur de France en Alger. Si le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Julien Dray n’a pas été associé à la composition et à la nomination de ce Conseil, le directeur Afrique au Quai d’Orsay a, quant à lui, appris la nouvelle à travers les médias. Façon claire de dire que l’Afrique demeure la «chasse gardée» du président de la République.

Bernard Emié patron de la DGSE, le service de renseignement extérieur de la France, et ancien Haut représentant de la République française en Algérie, reçu par Abdelaziz Bouteflika

Cela ressemble aussi à une réponse au tac-au-tac au président guinéen, Alpha Condé, qui a estimé dernièrement qu’il “urgeait que l’Afrique se prenne en main et qu’elle définisse son propre plan de développement économique et sa propre méthode d’appliquer les principes démocratiques et ce par un affranchissement total du Franc CFA” hérité de l’ancienne colonie et la prise d’une posture indépendante en vue d’une “Afrique autonome et panafricaniste”. Propos qui ne résonnent pas bien du côté de Paris.

Officiellement, le Conseil présidentiel pour l’Afrique aura pour objectif premier de «faire respirer les flux » entre Paris et l’Afrique. La France s’estimant la mieux à même de répondre aux aspirations des Africains, tente de réactiver des canaux de discussion avec un continent qui a ses spécificités et désormais ses attentes particulières et urgentes. Un continent qui a aussi diversifié ses partenaires économiques, politiques et militaires : Chine, Inde, Japon, Turquie etc.

Les maghrébins sont en ordre minoritaire dans ce nouveau Conseil de onze membres dont deux français qui ne sont pas originaires d’Afrique. Sous-représentée, l’Afrique du Nord compte un seul «représentant», la Franco-tunisienne Sarah Toumi, une jeune entrepreneuse de 30 ans. Algériens, marocains, égyptiens et libyens sont absents du bataillon.

Abdellah EL HATTACH


Liste des membres du CPA et pays d’origine

  • Jean-Marc Adjovi-Boco, Franco-Béninois, 54 ans, ancien sportif et entrepreneur
  • Jules-Armand Aniambossou, Franco-Béninois, 55 ans, directeur général Afrique et Outre-Mer du groupe Duval
  • Diane Binder, Française, 37 ans, directrice adjointe du développement international du groupe Suez ;
  • Yves-Justice Djimi, Français, 36 ans, avocat
  • Liz Gomis, Française, 36 ans, journaliste et réalisatrice
  • Jeremy Hadjenberg, Français, 43 ans, directeur général adjoint chez I & P
  • Yvonne Mburu, Kényane, chercheuse et consultante en santé
  • Vanessa Moungar, Franco-Tchadienne, 33 ans, directrice genre, femmes et société civile à la Banque africaine de développement
  • Nomaza Nongqunga Coupez, Sud-Africaine, 36 ans, entrepreneuse dans la culture
  • Karim Sy, Franco-Libano-Malien, 49 ans, entrepreneur dans le numérique
  • Sarah Toumi, Franco-Tunisienne, 30 ans, entrepreneuse

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

- Advertisement -